Un programme pilote d’autotests en Alberta a permis à des individus d’effectuer un dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) à domicile sans avoir à se présenter dans une clinique. Les participant·e·s au programme ont rempli un questionnaire d’inscription en ligne et ont reçu une trousse d’autotests personnalisée adaptée aux comportements sexuels dont ils ont fait état (p. ex. types et lieux d’activité sexuelle). Les résultats des tests ont été communiqués par message texte ou par courriel : les participant·e·s dont les résultats étaient positifs se sont vu proposer un arrimage aux soins. Selon les résultats d’une étude récente, les niveaux d’acceptabilité et de faisabilité étaient élevés parmi les participant·e·s qui ont suivi le parcours de soins des ITSS entièrement délocalisé. Sur les 156 personnes qui ont rempli le formulaire d’auto-inscription en ligne, 43,0 % (67 participant·e·s) ont renvoyé leur trousse de dépistage. Neuf pour cent de ces participant·e·s (six personnes) ont reçu un nouveau résultat positif au test de dépistage d’une ITSS, et tous et toutes ont été rapidement orienté·e·s en vue d’un traitement adapté.
Description du programme
Le programme d’autotests des ITSS à domicile entièrement délocalisé a été conçu pour permettre aux personnes concernées de mener à bien tout le processus de dépistage (inscription, prélèvement d’échantillons, obtention des résultats et arrimage aux soins) sans avoir à se présenter en personne dans une clinique. Les participant·e·s ont été recruté·e·s aussi bien en ligne qu’en personne, principalement par l’intermédiaire du Centre for Sexuality (CFS) de Calgary, en Alberta.
Tous les participant·e·s se sont inscrit·e·s eux·elles-mêmes au programme par une plateforme en ligne sécurisée comportant des formulaires de consentement et un questionnaire d’inscription connectés à un serveur sécurisé. Les participant·e·s étaient admissibles au programme s’ils ou elles étaient résident·e·s de l’Alberta, âgés de 16 ans ou plus et en état de fournir un consentement éclairé par écrit. Après s’être inscrit·e·s eux·elles-mêmes en ligne, les participant·e·s devaient remplir un questionnaire détaillé visant à recueillir des renseignements démographiques (p. ex. âge, sexe, genre, orientation sexuelle), à établir leurs antécédents sexuels et les résultats d’éventuels tests de dépistage des ITSS, et à cerner les obstacles perçus et le niveau de stigmatisation liés aux soins de santé sexuelle. Les données issues de ce questionnaire ont servi à préparer des trousses d’autotests personnalisées, adaptées aux types et aux lieux d’activité sexuelle dont chaque personne avait fait état.
Les trousses personnalisées comprenaient :
- des instructions (sur papier et consultables en ligne au moyen d’un code QR);
- des écouvillons (p. ex. pour la gorge, le rectum, le vagin) et/ou des flacons pour l’urine, aux fins du dépistage des ITSS d’origine bactérienne (chlamydiose et gonorrhée);
- une trousse de prélèvement de la goutte de sang séché (GSS) pour le test par piqûre au doigt (p. ex. lancette, cartes pour GSS) aux fins du dépistage du VIH, de l’hépatite C et de la syphilis;
- emballage et enveloppes d’expédition affranchis et préétiquetés;
- coordonnées du personnel chargé de l’étude.
Une fois le questionnaire initial rempli, les trousses étaient envoyées par la poste le jour ouvrable suivant et pouvaient être récupérées à domicile ou, si les participant·e·s le préféraient, au CFS. Tous les articles portaient une étiquette unique et anonymisée destinée aux participant·e·s, visant à garantir tant la confidentialité que la traçabilité.
Les participant·e·s ont renvoyé leurs échantillons à l’aide d’enveloppes affranchies, repérables, expédiées par courrier au laboratoire compétent en vue des analyses (soit le laboratoire local pour les ITSS bactériennes, et le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg pour les tests de GSS).
Les participant·e·s décidaient s’ils ou elles voulaient recevoir leurs résultats par message texte sécurisé ou par courriel. Les résultats négatifs étaient communiqués automatiquement par un serveur sécurisé. Les résultats positifs ou incertains étaient communiqués directement par un·e membre de l’équipe de recherche formé·e et disposant d’une expertise clinique. Pour ce qui est des participant·e·s dont les résultats étaient positifs (notamment aux tests de dépistage du VIH, de l’hépatite C ou de la syphilis), l’équipe a consulté le dossier médical électronique provincial de la personne concernée afin de déterminer s’il s’agissait d’un nouveau cas. Tous les participant·e·s présentant une infection nouvelle ou non traitée ont été contacté·e·s directement et orienté·e·s vers des services communautaires de traitement et de soutien adaptés.
Résultats
Entre février 2023 et mars 2024, 156 participant·e·s se sont inscrit·e·s au programme au moyen d’un questionnaire d’inscription et ont reçu une trousse (3 personnes ont eu recours au programme plus d’une fois). L’âge moyen des participant·e·s était de 37,3 ans, et la majorité d’entre eux s’identifiaient comme membres de la communauté 2SLGBTQ+.
Sur les 156 participant·e·s :
- 39,7 % se sont identifié·e·s comme des hommes, 34,0 % comme des femmes et 24,4 % comme des personnes de genre fluide, non binaires ou non conformes, queers ou bispirituelles; 1,9 % ont choisi de ne pas répondre à la question;
- 38,5 % étaient célibataires et 44,2 % étaient dans une relation de couple ouverte;
- 70,5 % ont déclaré avoir eu entre un et cinq partenaires au cours de l’année écoulée, et 10,9 % ont déclaré avoir eu plus de 10 partenaires;
- parmi les participant·e·s qui avaient un médecin traitant, 40,0 % se sentaient plutôt ou extrêmement mal à l’aise de discuter avec lui ou elle de leur santé sexuelle;
- près de la moitié (46,8 %) se sont déclaré·e·s insatisfait·e·s des services existants de dépistage et de traitement des ITSS.
Plus de la moitié des participant·e·s (55,8 %) ont déclaré qu’ils ou elles utilisaient des condoms moins de la moitié du temps, et près d’un tiers (32,1 %) ont déclaré ne jamais utiliser de condoms. Quatorze pour cent (22 participant·e·s) ont déclaré avoir contracté une ITSS au cours de l’année écoulée, et 40,4 % (63 participant·e·s) ont déclaré n’avoir jamais passé de test de dépistage des ITSS ou ne pas en avoir passé depuis plus de 12 mois.
Sur les 156 personnes qui se sont inscrites au programme, 43,0 % (67 participant·e·s) ont utilisé et renvoyé leur trousse de dépistage. Huit pour cent (5 participant·e·s) ont obtenu un résultat positif au test de dépistage de la chlamydiose ou de la gonorrhée. Neuf pour cent (6 participant·e·s) ont obtenu un résultat positif au test de dépistage du VIH, de l’hépatite C ou de la syphilis. Parmi les 6 personnes dont les résultats étaient positifs, 3 avaient déjà obtenu un résultat positif au test de dépistage du VIH, 2 à celui de la syphilis et 1 à celui de l’hépatite C. Une personne dans ce groupe était porteuse du VIH et de la syphilis. Un·e participant·e venait de recevoir un diagnostic de syphilis. Tous les participant·e·s ayant reçu un nouveau diagnostic ont été arrimé·e·s à un traitement dans une clinique communautaire.
Les participant·e·s qui ont utilisé et expédié leur trousse d’autotests se sont déclaré·e·s satisfait·e·s du programme en ligne (score médian : 4/5; 1 = extrêmement insatisfait·e; 5 = extrêmement satisfait·e) et ont indiqué qu’ils ou elles étaient très susceptibles de recourir à nouveau à ce programme (score médian : 7/7; 1 = pas du tout susceptible; 7 = très susceptible). Les participant·e·s se sont déclaré·e·s satisfait·e·s en matière de communication des résultats et de facilité d’utilisation des outils de prélèvement d’urine et d’écouvillonnage. C’est le prélèvement sanguin aux fins du test de GSS qui a posé le plus de difficultés aux participant·e·s, 37,3 % d’entre eux·elles ayant signalé des problèmes de cet ordre (p. ex. difficulté à prélever un échantillon de sang suffisant pour remplir les cercles sur la carte d’échantillon). Les participant·e·s ont fait part de leurs impressions favorables concernant la facilité d’utilisation, la clarté des instructions, la commodité et la réduction de la stigmatisation. Les participant·e·s ont fait part de leurs impressions défavorables concernant les problèmes techniques (p. ex. l’utilisation du code QR imprimé) et la confusion relative à l’étiquetage.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Les résultats indiquent qu’une méthode de dépistage des ITSS à domicile et entièrement délocalisée est acceptable dans le contexte canadien, tout particulièrement chez les personnes qui ont déjà été confrontées à des obstacles aux soins liés à la stigmatisation, à un malaise vis-à-vis des prestataires de soins de santé et à des lacunes systémiques. Les résultats donnent à penser que les plateformes de dépistage des ITSS à distance peuvent constituer un complément important aux services classiques et permettre de réduire les inégalités en matière de dépistage et de joindre les populations mal desservies. Il serait peut-être utile d’envisager s’il est possible d’intégrer des modèles de ce type à une stratégie de dépistage hybride afin d’élargir la portée et l’inclusivité du programme, et de nouer des partenariats avec des organismes qui interviennent auprès des populations mal desservies (p. ex. les organismes œuvrant auprès des communautés 2SLGBTQ+).
Ressources connexes
Dépistage à domicile des ITSS : le programme TakeMeHome – Article de CATIE
Déclaration de CATIE concernant l’autotest du VIH comme moyen très efficace d’accroître le recours au dépistage au Canada – Déclaration de CATIE
Sacs-médecine pour la distribution de trousses d’autotest du VIH – Étude de cas de CATIE
Mise en œuvre de l’autotest du VIH – Guide de CATIE fondé sur la pratique
Référence
Christensen BL, Rytz CL, Black JE et al. Comprehensive at-home sexually transmitted and blood borne infection (STBBI) testing program: a pilot study. International Journal of STD & AIDS. 2025;0(0). Disponible au https://doi.org/10.1177/09564624251371793