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Le Canada connaît une crise de surdoses causées par un approvisionnement en drogues illicites toxiques. Comme les décès liés aux surdoses de fentanyl et d’autres drogues synthétiques ont augmenté, les interventions comme celles qui ont pour cadre les centres de consommation supervisée (CCS) ou les centres de prévention des surdoses (CPS), ou la distribution de naloxone, se sont multipliées dans certaines régions du Canada. Toutes ces interventions combinées ont permis de sauver de nombreuses vies1; toutefois, elles ne permettent pas de résoudre le problème fondamental de l’approvisionnement en drogues toxiques2,3. Elles permettent de prévenir les décès dus à des surdoses, mais n’empêchent pas pour autant les surdoses de se produire.

De nombreux alliés concernés, y compris des personnes qui utilisent des drogues, des professionnels de la santé, des chercheurs, des décideurs politiques et des politiciens soutiennent qu’il est urgent de mettre en place un « approvisionnement sécuritaire » en drogues pour faire face à l’offre de drogues illicites toxiques. Un approvisionnement licite et réglementé en drogues peut aider les personnes qui utilisent des drogues à rester en vie et à mener une vie saine et sans danger. Cet article permettra d’expliquer ce que signifie un « approvisionnement sécuritaire », de faire le point sur la situation dans le contexte canadien et de présenter quelques modèles de programmes d’approvisionnement sécuritaire au Canada.

La crise des drogues toxiques au Canada

Le taux de mortalité liée aux surdoses de drogues au Canada atteint des niveaux inégalés. Plus de 17 600 Canadiens sont morts des suites d’une surdose entre janvier 2016 et juin 2020.4 La principale cause de la crise des surdoses tient au fait que les drogues disponibles sur le marché illicite sont toxiques et que leur effet est imprévisible.5 Les dangers liés à l’approvisionnement en drogues illicites sont le résultat de l’interdiction des drogues, qui vise à mettre fin à la production, au transport, à la vente et à la possession de certaines substances.6,7 Cependant, cette interdiction n’a pas eu pour effet de réduire l’utilisation de drogues et a multiplié les méfaits sanitaires et sociaux.8 Du fait de leur interdiction, les drogues sont devenues plus concentrées. En fait, l’interdiction des drogues incite à fabriquer et à vendre des produits de plus petit format et plus puissants, de manière à réduire les volumes de production et de transport et à augmenter les profits.6 C’est la raison pour laquelle le fentanyl et ses analogues, des substances beaucoup plus puissantes que l’héroïne à des doses beaucoup plus faibles, ont inondé l’approvisionnement en drogues illicites et ont été associés à l’augmentation des décès liés aux surdoses.4,9

La pandémie de COVID-19 a rendu la crise des surdoses encore plus aiguë. La fermeture des frontières semble avoir rendu l’approvisionnement en drogues illicites encore plus toxique et imprévisible.10,11 D’autre part, les mesures de distanciation physique visant à réduire la transmission de la COVID-19 dans les collectivités ont eu pour effet de limiter l’accès aux services de réduction des méfaits (p. ex. les CCS), d’accroître l’isolement social et de faire augmenter le nombre de personnes qui utilisent des drogues seules. Plusieurs provinces ont signalé une augmentation des décès liés aux surdoses depuis le début de la pandémie de COVID-19 en mars 2020.10,12,13 Cette situation a mis en lumière la crise des surdoses et a encore accentué la nécessité urgente de garantir un approvisionnement sécuritaire.

Qu’est-ce que l’approvisionnement sécuritaire?

La formule « approvisionnement sécuritaire » est relativement nouvelle, mais le concept ne l’est pas. Les personnes qui utilisent des drogues réclament depuis des décennies la mise en place d’un approvisionnement en substances sûres et réglementées.14,15 La Canadian Association of People Who Use Drugs (CAPUD) définit l’approvisionnement sécuritaire comme « un approvisionnement licite et réglementé de drogues ayant des propriétés susceptibles de modifier l’état psychique ou corporel et qui, traditionnellement, ne peuvent être obtenues que sur le marché illicite14 ». Cela englobe de nombreuses drogues actuellement illicites, notamment l’héroïne, le fentanyl, la cocaïne, la méthamphétamine et la MDMA.14,16 Le but de l’approvisionnement sécuritaire est de permettre aux personnes qui utilisent des drogues d’avoir accès à des substances réglementées provenant d’une source légalement autorisée, plutôt qu’à des versions toxiques provenant de marchés illicites – ce qui permet en fin de compte de sauver des vies.

Sur le plan du concept et de l’approche, l’approvisionnement sécuritaire s’appuie sur des données probantes recueillies dans le cadre de programmes de traitement de la toxicomanie, mais il s’agit d’approches distinctes. Il existe tout un éventail d’approches concernant le traitement des personnes ayant reçu un diagnostic de trouble lié à l’usage d’une substance, notamment le traitement par des agonistes opioïdes (TAO) et le traitement par des agonistes opioïdes injectables (TAOi), qui consistent à fournir à ces personnes des médicaments servant de substitut aux drogues illicites dont elles font usage. L’approche de l’approvisionnement sécuritaire repose plus particulièrement sur les données concernant les TAOi. Il s’agit de fournir aux personnes qui ne répondent pas à un TAO par voie orale de la diacétylmorphine (héroïne) ou de l’hydromorphone sous forme injectable administrée dans un cadre supervisé. Des décennies de recherche dans six pays, notamment le Canada, ont permis de démontrer que ces approches sont efficaces pour ce qui est de réduire l’exposition de la population aux drogues illicites et qu’elles sont associées à d’autres avantages sanitaires et sociaux.17-19

En général, l’approvisionnement sécuritaire est considéré comme une démarche distincte des approches de traitement pour les raisons suivantes :

  • Le traitement vise à traiter médicalement un individu, souvent dans le but de réduire ou d’éliminer sa consommation de drogue. L’approvisionnement sécuritaire vise à réduire les méfaits causés par l’approvisionnement en drogues illicites.20
  • De nombreux médicaments servant au traitement de la toxicomanie ne produisent pas les effets modifiant l’état psychique ou corporel recherchés par les personnes qui utilisent des drogues. L’approvisionnement sécuritaire concerne les drogues ayant pour effet de modifier l’état psychique ou corporel.14
  • Les médicaments servant au traitement de la toxicomanie sont souvent administrés sous supervision médicale. L’approvisionnement sécuritaire vise à faciliter l’accès à certaines drogues, dont on suppose le plus souvent qu’elles sont consommées sans surveillance.20 La distribution des drogues provenant d’un approvisionnement sécuritaire peut être plus ou moins rigoureusement contrôlée.14
  • Les options de traitement dont disposent les personnes qui utilisent des stimulants et autres non-opioïdes sont limitées.21 L’approvisionnement sécuritaire suppose l’accès à des stimulants réglementés et à d’autres drogues.14

L’approvisionnement sécuritaire se fonde sur un modèle de réduction des méfaits et est axé sur la sécurité, les droits de la personne et la capacité d’action et de décision des personnes qui utilisent des drogues.14 On peut le considérer comme l’aboutissement logique d’une approche de l’élaboration des politiques en matière de drogues fondée sur les droits de la personne. 14 L’approvisionnement sécuritaire peut être associé à d’autres interventions de réduction des méfaits, comme celles qui ont pour cadre les CCS ou les CPS, et la distribution de naloxone. Alors que les interventions de réduction des méfaits visent à réduire les méfaits liés à la criminalisation de la consommation de drogues, l’approvisionnement sécuritaire contribuerait à restreindre les conditions criminalisées de la consommation de drogues.14 Toutefois, les opinions divergent quant aux objectifs fondamentaux de l’approvisionnement sécuritaire. Certains y voient principalement un moyen de réduire le risque de décès par surdose; d’autres y voient un moyen de réduire ou d’éliminer un plus large éventail de méfaits liés à la criminalisation de la consommation de drogues, et estiment que toutes les personnes qui font actuellement usage de drogues illicites doivent en bénéficier. On utilise parfois une autre expression, « approvisionnement plus sécuritaire », pour signifier que même les drogues réglementées ne sont pas sans risque. Certaines personnes qui utilisent des drogues estiment toutefois que cette expression peut prêter à confusion. Elle peut faire perdre de vue le fait que les drogues disponibles sur le marché illicite sont toxiques et extrêmement nocives.16

Qu’en est-il de l’approvisionnement sécuritaire au Canada?

Compte tenu de la gravité et de l’ampleur de la crise des surdoses, le gouvernement fédéral a montré qu’il était prêt à soutenir les interventions axées sur l’approvisionnement sécuritaire. Depuis 2019, Santé Canada a financé, à titre expérimental, de nombreux projets de mise en place d’un approvisionnement sécuritaire en opioïdes visant à sauver des vies et à soutenir la recherche et les pratiques en cours.22,23 Le soutien du gouvernement fédéral aux initiatives axées sur l’approvisionnement sécuritaire a pris de l’ampleur pendant la pandémie de COVID-19. Au début de la pandémie, Santé Canada a apporté des modifications temporaires à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances24 afin que les opioïdes et autres substances réglementées puissent être prescrits avec plus de latitude.25 Par ailleurs, le ministre fédéral de la Santé a rédigé une lettre ouverte en faveur de l’approvisionnement sécuritaire, exhortant les provinces et territoires du Canada à prendre des mesures qui permettent aux personnes qui utilisent des drogues d’avoir accès à un approvisionnement sécuritaire.25 Santé Canada a également constitué une trousse d’outils concernant la COVID-19 et la consommation de substances qui fournit des ressources et de l’information sur l’approvisionnement sécuritaire et des sujets connexes (p. ex., une liste des exemptions pertinentes à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances). Elle est conçue pour aider les prestataires de soins de santé et les personnes qui consomment des drogues à mieux appréhender l’éventail des options qui s’offrent à eux pendant la pandémie.

De multiples lignes directrices ont été établies en matière de prescription afin de permettre aux prescripteurs d’assurer un approvisionnement sécuritaire aux personnes qui consomment des drogues.26-29 Bon nombre de ces lignes directrices visent à aider les personnes qui utilisent des drogues à se protéger pendant la pandémie de COVID-19. En fait, les médecins et le personnel infirmier de la Colombie-Britannique ont été explicitement encouragés à prescrire des substances réglementées aux personnes qui risquent de faire une overdose et de contracter la COVID-19.26,30

Plusieurs méthodes d’approvisionnement sécuritaire ont été proposées au Canada. Jusqu’à présent, l’approvisionnement sécuritaire a obéi à un modèle médical consistant à se faire prescrire une substance réglementée par un prestataire de soins de santé. En effet, dans le contexte de l’interdiction des drogues, le seul moyen légal de se procurer de nombreuses substances ayant pour effet de modifier l’état psychique ou corporel est de se les faire prescrire. Certaines ordonnances visant à assurer un approvisionnement sécuritaire sont fournies dans le cadre de programmes de soins primaires, qui supposent des évaluations et un suivi constants, ainsi qu’un recours régulier à des services de soins de santé et de gestion de cas.29 À des fins d’approvisionnement sécuritaire, l’hydromorphone peut être prescrite comme substitut aux opioïdes illicites tels que le fentanyl. L’hydromorphone est un choix fréquent parce que cette substance est légalement autorisée, qu’elle est remboursée par la plupart des régimes publics d’assurance médicaments provinciaux et territoriaux, et acceptée par les personnes qui prennent des opioïdes.31,32 Les autres substances auxquelles on peut recourir à des fins d’approvisionnement sécuritaire sont le méthylphénidate (un stimulant), le diazépam (une benzodiazépine) et la diacétylmorphine (héroïne).20,26

Toutefois, les approches qui reposent uniquement sur un modèle médical peuvent créer des obstacles (p. ex., protocoles rigides, capacité clinique limitée, stigmatisation liée à la consommation de drogues) et ne pas convenir aux besoins de tous.14,32–35 MySafe est un programme qui tente de résoudre certains de ces obstacles, en effet, il fait appel à du matériel MySafe – des distributeurs automatiques sécurisés de plus de 350 kilos, munis de technologies d’identification biométrique– pour distribuer un approvisionnement qui est sécuritaire.32 Son concept implique peu de contraintes, de manière à favoriser une autonomie des participants et de permettre aux personnes d’avoir accès à un approvisionnement sécuritaire, exempt de préjugés et de stigmatisation.32 Un autre modèle envisagé est celui de la distribution de drogues à des fins de santé publique.32 Cette approche pourrait consister à fournir aux participants admissibles un accès direct aux substances réglementées, sans exiger qu’un médecin les prescrive.32 Des clubs compassion de consommateurs d’héroïne ont également été envisagés comme moyen de garantir l’accès à un approvisionnement sécuritaire.36,37 Ces modèles de type coopératif permettraient aux personnes admissibles d’acheter des opioïdes réglementés sans encourir de sanctions légales.36,37 On pourrait également assurer un approvisionnement sécuritaire sans exiger une ordonnance dans les lieux de rencontre et de divertissement, ou dans des magasins et des dispensaires agréés.14

Malgré le soutien du gouvernement fédéral, la publication de lignes directrices et l’existence de nombreux modèles possibles d’approvisionnement sécuritaire, la mise en œuvre de cette mesure a été timide au Canada. Les obstacles à l’approvisionnement sécuritaire varient d’une région à l’autre du pays. La volonté politique et le financement ont été les principaux obstacles là où les gouvernements provinciaux ont été réticents à soutenir des mesures d’approvisionnement sécuritaire.38,39 Même dans les régions où les gouvernements ont soutenu l’approvisionnement sécuritaire, les régimes publics d’assurance-médicaments ne prennent pas en charge toute la gamme des substances (p. ex., diacétylmorphine et hydromorphone injectable) et la mise en œuvre a été limitée.40,31 Les organismes de réglementation ont été lents à fournir des directives et de nombreux prescripteurs paraissent s’inquiéter du fait que l’approvisionnement sécuritaire aille à l’encontre de leurs pratiques habituelles.20,40 Les médecins ont exprimé des préoccupations concernant leur responsabilité professionnelle, la santé de leurs patients et d’autres facteurs.37,40 Certaines de ces préoccupations ne sont pas forcément étayées par des données probantes.5,37,41 Par exemple, les médecins ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité que l’approvisionnement sécuritaire prenne le pas sur les traitements classiques.37 Cette crainte a cependant un caractère hypothétique, et les intervenants font observer que de nombreuses personnes tireraient profit de pouvoir disposer à la fois d’un approvisionnement sécuritaire et de choix de traitements.14,37

Que savons-nous à ce jour au sujet des programmes d’approvisionnement sécuritaire au Canada?

Les programmes d’approvisionnement sécuritaire sont une initiative de réduction des méfaits relativement récente au Canada. Ils n’ont été mis en œuvre que dernièrement comme mesures d’urgence face au problème de l’approvisionnement en drogues illicites toxiques.42 Par conséquent, les données probantes concernant l’efficacité de ces programmes sont limitées. Toutefois, les données préliminaires sont très prometteuses.

Un programme d’approvisionnement sécuritaire est en place au London InterCommunity Health Centre (LIHC), en Ontario, depuis 201 6.29,43 Les participants au programme d’approvisionnement sécuritaire sont des personnes qui ont constaté qu’elles ne répondaient pas au TAO et qui se sont injecté des opioïdes pendant de nombreuses années.43 Les participants se font prescrire des comprimés d’hydromorphone à libération immédiate. Pour répondre à leurs besoins, le médecin et la personne concernée décident ensemble de la dose quotidienne. Les participants peuvent récupérer leur dose quotidienne et se l’administrer à l’endroit de leur choix.44 Ce programme relève des services de soins primaires et comporte un volet de gestion de cas (p. ex., mise en relation avec des équipes de proximité, aide au logement) et un volet d’information sur la réduction des méfaits.43

 Des données préliminaires indiquent que ce modèle s’est avéré efficace sur le plan de la prévention des décès par surdose, de l’amélioration de la santé des participants et de la satisfaction d’autres besoins sanitaires et sociaux importants.43 En quatre ans, le programme d’approvisionnement sécuritaire du LIHC a enregistré un taux de persévérance de 90 % et un nombre nul de surdoses mortelles parmi les 118 participants. Parmi les nombreux autres résultats positifs, citons les suivants43 :

  • recours accru aux soins primaires (p. ex., dépistage du cancer, prise en charge des maladies chroniques, accès aux soins de santé mentale);
  • recours accru au dépistage et au traitement du VIH et de l’hépatite C (p. ex., tous les participants séropositifs reçoivent des soins et 90 % d’entre eux présentent une charge virale indétectable); On n’a connu aucun nouveau cas de VIH.
  • réduction du nombre de sans-abri parmi les participants, de 62 % à 38 %;
  • réduction du travail sexuel de survie (de 68 % à 20 % chez les femmes) et de l’activité criminelle visant à se procurer de la drogue (de 48 % à 12 %);

À Vancouver, en Colombie-Britannique, le centre de prévention des surdoses Molson combine sous un même toit des services de prévention des surdoses, de vérification de la composition des drogues et d’approvisionnement sécuritaire. Le CPS Molson est administré par la Portland Hotel Society, un organisme d’aide au logement et de services sociaux. Le programme d’approvisionnement sécuritaire du CPS Molson a été lancé en 201 9.45 Les participants au programme d’approvisionnement sécuritaire sont des personnes qui n’ont pas recours à des approches de traitement de la toxicomanie, ou que ce type d’approche n’intéresse pas. Les participants peuvent se procurer des comprimés d’hydromorphone auprès d’une infirmière au plus cinq fois par jour.45,46 Ils doivent consommer les produits provenant d’un approvisionnement sécuritaire sur place, au CPS, par voie orale, par injection ou par reniflement.

Les auteurs d’une étude de 2020 ont recouru à l’observation ethnographique et à des entretiens avec les participants pour analyser les effets du programme d’approvisionnement sécuritaire.45,47 L’étude a permis de constater que le programme d’approvisionnement sécuritaire présente de multiples avantages, parmi lesquels47 :

  • réduction de la consommation de drogues illicites et du risque de surdose;
  • amélioration de la santé et du bien-être (p. ex., amélioration des habitudes alimentaires et de sommeil, et accès aux traitements des plaies);
  • amélioration de la prise en charge de la douleur;
  • améliorations économiques (c.-à-d. que les gens n’ont pas eu besoin de se livrer à des activités criminelles pour acheter de la drogue ni de dépenser autant d’argent pour s’en procurer, si bien qu’ils pouvaient acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité).

Le fait que le programme d’approvisionnement sécuritaire soit dispensé dans un CPS a contribué à faciliter l’accès à un approvisionnement sécuritaire; néanmoins, les chercheurs ont conclu que l’obligation faite aux participants de prendre toutes les doses dans le CPS peut soulever des obstacles supplémentaires à la participation.45

Comment les prestataires de services peuvent-ils contribuer à promouvoir l’approvisionnement sécuritaire?

L’approvisionnement en drogues illicites toxiques a provoqué une crise de surdoses au Canada. Cette crise a été aggravée par la pandémie de COVID-19. Les interventions classiques de réduction des méfaits, comme celles qui ont pour cadre les CPS et les CCS, ou la distribution de naloxone, sont efficaces et nécessaires de toute urgence. Mais elles ne permettent pas de s’attaquer aux causes profondes de cette crise. Une approche combinée comprenant la multiplication d’options et de programmes d’approvisionnement sécuritaires pourrait grandement contribuer à résoudre la crise des surdoses. Elle permettrait également de lutter contre de nombreux autres méfaits, notamment en réduisant la transmission du VIH et de l’hépatite C. Il est également urgent de prendre des mesures pour s’attaquer aux facteurs connexes ayant une incidence sur la vie des personnes qui utilisent des drogues, tels que la criminalisation, la pauvreté, les séquelles du colonialisme, le manque de logement, les traumatismes et la stigmatisation.9,48-50

Dans les régions où l’approvisionnement sécuritaire s’est heurté à des obstacles d’ordre politique ou n’est pas encore en place, les prestataires de services peuvent contribuer à promouvoir les programmes d’approvisionnement sécuritaire et à sensibiliser à cet égard les prescripteurs avec qui ils collaborent.

Les prestataires de services peuvent également jouer un rôle essentiel dans le cadre des programmes d’approvisionnement sécuritaire existants, notamment en contribuant au développement des programmes et des dispositifs de soutien connexes, en permettant aux personnes qui utilisent des drogues d’accéder à un approvisionnement sécuritaire et en les aidant à s’orienter dans cette démarche. Il est également primordial que les personnes qui utilisent des drogues participent à la conception et à l’évaluation des programmes d’approvisionnement sécuritaire afin de s’assurer qu’ils répondent aux besoins des intéressés. Enfin, il est impératif de s’assurer que les programmes d’approvisionnement sécuritaire se poursuivent après la pandémie de COVID-19. Un approvisionnement sécuritaire sera nécessaire aussi longtemps que l’interdiction et la criminalisation des personnes qui consomment des drogues persisteront.

Ressources connexes

Un approvisionnement sûr : programme de distribution de comprimés d’hydromorphone au centre de prévention des surdoses Molson

Enseignements non tirés : La crise des surdoses au Canada

Responding to an Opioid Overdose, Responding to Stimulant Overuse and Overdose (en anglais seulement)

The Ontario overdose crisis and the impact of COVID-19 (en anglais seulement)

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À propos de l’auteur

Magnus Nowell est le spécialiste en connaissances, Réduction des méfaits chez CATIE. Il a travaillé par le passé dans le domaine de la recherche sur la réduction des méfaits, le logement et l’organisation communautaire. Il détient une maîtrise en promotion de la santé.