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CATIE
  • Des chercheurs d’Irlande et du Royaume-Uni ont mené une étude sur la douleur chez les personnes séropositives
  • L’équipe a trouvé que la douleur chronique était relativement courante chez cette population, surtout après l’âge de 50 ans
  • Les chercheurs demandent des « approches efficaces » pour gérer la douleur chronique chez les personnes séropositives

Grâce à l’utilisation répandue des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (TAR), les chercheurs prévoient maintenant que de nombreuses personnes séropositives connaîtront une espérance de vie quasi normale. À mesure qu’elles vieillissent, les personnes séropositives courent plus de risques de souffrir d’autres problèmes de santé appelés comorbidités. Celles-ci peuvent inclure l’hypertension artérielle, les anomalies du cholestérol, le diabète de type 2, l’amincissement osseux et d’autres. Un autre problème qui semble être courant chez les personnes séropositives âgées est la douleur chronique.

Lors d’une étude portant le nom de Poppy, des chercheurs d’Irlande et du Royaume-Uni ont constaté que les personnes séropositives de plus de 50 ans signalaient des taux de douleur plus élevés que les personnes séronégatives d’âge semblable. Une analyse récente de l’étude Poppy a porté sur la question de la douleur. Les chercheurs ont trouvé que les personnes séropositives « se plaignaient plus couramment de douleurs diffuses ». De plus, les personnes séropositives âgées étaient plus susceptibles de souffrir de douleurs diffuses que les plus jeunes. Enfin, les personnes séropositives qui avaient connu des périodes d’immunosuppression grave (moins de 200 cellules CD4+/mm3), ainsi que d’autres facteurs de risque, étaient plus nombreuses à souffrir de douleurs diffuses. Les chercheurs ont demandé « une meilleure sensibilisation et des interventions pour soutenir la gestion de la douleur » chez les personnes séropositives.

Détails de l’étude

L’équipe Poppy a recruté des participants au sein de divers groupes, comme suit :

  • personnes séropositives de 50 ans ou plus : 699 personnes décrites comme « plus âgées » par les chercheurs
  • personnes séropositives de moins de 50 ans : 374 personnes décrites comme « plus jeunes » par les chercheurs
  • personnes séronégatives de plus de 50 ans : 304 personnes servant de groupe de comparaison

Les chercheurs ont utilisé la base de données de l’étude pour jumeler les participants séronégatifs avec des participants séropositifs en fonction de l’âge, du genre, de l’origine ethnique et de l’orientation sexuelle.

Les chercheurs ont fondé la classification de la douleur sur les critères de 2019 de l’American College of Rheumatology.

Environ 90 % des participants de chacun des trois groupes se sont servis d’une illustration sur papier du corps pour indiquer aux chercheurs les endroits où ils éprouvaient de la douleur.

Les personnes séropositives avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 54 ans
  • 82 % d’hommes, 18 % de femmes
  • 72 % des hommes étaient gais ou bisexuels
  • IMC (indice de masse corporelle) : 25,7 kg/m2
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 87 %; Noirs – 13 %
  • compte de cellules CD4+ : 637 cellules/mm3
  • nadir du compte de CD4+ : 188 cellules/mm3
  • 91 % des participants avaient une charge virale supprimée (moins de 50 copies/ml) grâce à l’utilisation d’un TAR

Résultats : emplacement de la douleur

Selon l’équipe de recherche, la douleur touchait le plus couramment les parties suivantes du corps des participants séropositifs :

  • bas du dos : 30 %
  • haut des jambes : 28 %
  • bas des jambes : 25 %
  • haut du dos : 19 %
  • épaules : 16 %

Chez les personnes séropositives âgées, la douleur était présente dans au moins deux parties du corps. Les personnes séropositives plus jeunes tendaient à éprouver de la douleur dans une seule partie du corps. À cet égard, les jeunes personnes séropositives ressemblaient aux personnes séronégatives.

Les participants ont signalé des douleurs diffuses dans les proportions suivantes :

  • personnes séropositives plus âgées : 19 %
  • personnes séropositives plus jeunes : 13 %
  • personnes séronégatives : 10 %

Les personnes séropositives qui souffraient de douleurs diffuses avaient été exposées à davantage de médicaments anti-VIH et suivaient un TAR depuis plus longtemps que les personnes séropositives ne souffrant pas de douleurs diffuses. Les personnes séropositives qui avaient connu une période d’immunosuppression importante dans le passé étaient également plus susceptibles d’éprouver des douleurs diffuses.

Signification des résultats

1. Il importe de noter que la présente analyse de l’étude Poppy porte sur une évaluation de la douleur effectuée à un seul moment dans le temps. Les études transversales de ce genre sont utiles pour reconnaître des associations, mais elles ne peuvent point prouver l’existence d’un lien entre une cause et un effet particulier, tel un événement ou un résultat quelconque. Dans le cas de l’étude Poppy, les chercheurs n’ont pas été en mesure de déterminer la ou les causes précises de la douleur. Il n’empêche pourtant que les études transversales constituent un bon point de départ pour explorer une question médicale. Notons aussi que les résultats de l’étude Poppy correspondent généralement à ceux d’autres études.

L’équipe Poppy n’a pas été en mesure de déterminer les antécédents détaillés des participants en ce qui concerne l’exposition à certains médicaments. À titre d’exemple, rappelons qu’un groupe de traitements connus sous le nom de « médicaments d » sont tristement célèbres parce qu’ils semblent causer des douleurs nerveuses dans les pieds, les jambes et les bras. Ils sont les suivants :

  • d4T – stavudine (Zerit)
  • ddC – zalcitabine (Hivid)
  • ddI – didanosine (Videx)

Ces trois médicaments étaient largement utilisés autrefois, notamment à partir de la fin des années 1980, mais ils ne sont plus recommandés dans les lignes directrices parce que les traitements actuels sont beaucoup plus sûrs.

2. Il faut considérer avec prudence le résultat qui laisse soupçonner une association entre les douleurs diffuses et l’utilisation prolongée du TAR. En premier lieu, notons que l’utilisation prolongée du TAR correspond généralement à une infection au VIH de longue durée. Plus une personne vit depuis longtemps avec le VIH, plus il est possible qu’elle ait été exposée aux médicaments « d » dans le passé. Il est donc moins probable que cette association s’applique aux personnes séropositives diagnostiquées et traitées par TAR à l’époque actuelle, vu que les médicaments « d » ne sont plus utilisés.

3. Selon certaines autres études, les personnes séropositives qui ont passé de longues périodes sans traitement étaient plus à risque de connaître des douleurs nerveuses dans les jambes et les pieds, une affection appelée neuropathie périphérique. L’équipe Poppy a affirmé qu’« une exposition de plus longue durée à un faible compte de CD4+ est un facteur de risque de douleurs diffuses ». Une telle situation aurait pu contribuer à l’accroissement du risque de douleur pour au moins trois raisons :

  • L’infection au VIH non traitée est associée à une augmentation des taux de messagers chimiques (cytokines) produits par le système immunitaire. Ces messagers chimiques provoquent de l’inflammation et la font durer. Les taux élevés de certaines cytokines ont été associés à une vulnérabilité accrue à la douleur lors d’expériences sur des animaux.
  • Lors d’expériences de laboratoire, des chercheurs du Canada et d’autres pays ont constaté que les cellules infectées par le VIH libéraient des protéines virales qui pouvaient enflammer et endommager les cellules nerveuses, ce qui pourrait causer de la douleur.
  • Durant les périodes où le compte de cellules CD4+ est faible, le système immunitaire n’est pas en état d’empêcher les microbes de se propager à l’intérieur du corps. Dans une telle situation, une co-infection virale appelée CMV (cytomégalovirus), qui est courante chez les personnes séropositives, risque d’infecter et d’endommager les cellules nerveuses dans les mains, les pieds et les jambes.  

À retenir

L’étude Poppy a permis de découvrir que les douleurs diffuses étaient relativement courantes chez certaines personnes séropositives, et ce, même si elles maintenaient une charge virale indétectable sous l’effet du TAR. Des recherches menées antérieurement par l’équipe Poppy avaient révélé que la douleur chronique entraînait la dégradation de la qualité de vie. « Nos résultats soulignent la nécessité pour les cliniciens d’être à l’affût de la possibilité de douleurs chroniques et graves chez [les personnes séropositives], et plus particulièrement si elles suivent un TAR suppresseur depuis longtemps, [ainsi que la nécessité] d’approches efficaces pour soutenir la gestion de la douleur au sein de cette population ».

—Sean R. Hosein

Ressources

La douleur névralgique et les engourdissementsUn guide pratique des effets secondaires des médicaments anti-VIH

La fragilité, les lésions nerveuses et les chutes chez les personnes séropositives d’âge moyen et plus âgéesNouvelles CATIE

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