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CATIE
  • Des chercheurs ont étudié les données de santé de patients ayant reçu leur congé d’un hôpital VIH de Toronto.
  • 90 % des patients n’ont pas renouvelé leur ordonnance à temps pour des médicaments anti-VIH après être sortis de l’hôpital.
  • Les patients étaient plus susceptibles de faire exécuter des ordonnances pour des affections non liées au VIH.

Il arrive que certaines personnes atteintes d’affections médicales chroniques, et plus particulièrement celles vivant avec de nombreux diagnostics dans le contexte de l’infection au VIH sous-jacente, doivent être hospitalisées de temps en temps. Avant que les patients quittent l’hôpital, les médecins, les infirmières et les travailleurs sociaux entreprennent une démarche appelée « planification du congé » pour faciliter la transition des patients entre les soins hospitaliers et les soins prodigués dans la communauté. Cela peut consister à aider la personne à (re)prendre contact avec des spécialistes, tels que les médecins de famille, les infirmières, les pharmaciens et les services sociaux. La démarche peut également consister à prescrire une petite quantité de médicaments pour dépanner les patients jusqu’à ce qu’ils puissent communiquer avec un médecin à l’extérieur de l’hôpital.

Cette petite quantité de médicaments sur ordonnance, notamment ceux utilisés pour le traitement du VIH (TAR), aide à maintenir dans le sang une très faible quantité de VIH (charge virale) que l’on qualifie couramment d’« indétectable ». L’atteinte et le maintien d’une charge virale indétectable sont importants pour protéger la santé du système immunitaire. De plus, nombre d’essais cliniques ont révélé que les personnes qui maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels. Toutefois, si certaines personnes sont incapables de maintenir la suppression virale à la suite d’une hospitalisation, elles pourraient perdre ces bienfaits du TAR.

Étude torontoise

Des chercheurs à Toronto ont mené une étude auprès d’un groupe de 206 personnes séropositives qui ont reçu des soins à Casey House, un hôpital à 14 lits situé dans le centre-ville de Toronto. Selon les chercheurs, Casey House est « un hôpital communautaire qui fournit des services internes et externes à des personnes séropositives médicalement complexes et socialement vulnérables, y compris celles ayant des antécédents de maladies mentales, de précarité du logement et de troubles de consommation ». Casey House a reçu des prix pour les soins et les services que son personnel et ses bénévoles dévoués fournissent aux personnes vivant avec le VIH.

Les chercheurs ont trouvé que près de 90 % des personnes hospitalisées à Casey House n’ont pas renouvelé promptement leur ordonnance pour le TAR après avoir reçu leur congé, c’est-à-dire en moins d’une semaine. Selon les chercheurs, il est peu probable que cette omission soit due au fait que les patients avaient des réserves de médicaments à la maison. Pour améliorer la santé des patients après l’hospitalisation, les chercheurs ont formulé plusieurs recommandations très utiles dans un rapport publié dans la revue Open Forum Infectious Diseases.

À l’intérieur de Casey House

Les chercheurs ont eu accès à plusieurs bases de données administratives pour trouver des informations relatives à la santé pour mener leur étude. Ils n’avaient pas accès aux résultats des tests de laboratoire, y compris ceux se rapportant au compte de CD4+ et à la charge virale. L’équipe s’est concentrée sur la période entre avril 2009 et mars 2015.

Selon les chercheurs, le patient interne typique de Casey House a les caractéristiques suivantes :

  • trouble(s) de la santé mentale : 90 %
  • problèmes de mémoire et de cognition (faculté de penser clairement) : 50 %
  • logement instable : 20 %

Selon les chercheurs, « environ 100 admissions ont lieu chaque année » pour les raisons suivantes :

  • aide à la suppression d’infections graves
  • soins de relève
  • maîtrise de symptômes
  • soins palliatifs

Les chercheurs ont affirmé que, chez Casey House, « les soins sont prodigués par une équipe multidisciplinaire composée de médecins, d’infirmières et de travailleurs sociaux qui portent une attention particulière aux déterminants sociaux de la santé. La planification du congé inclut la rédaction d’ordonnances pour le TAR et un rendez-vous de suivi auprès d’un médecin de famille ou d’un spécialiste du VIH dans les sept jours suivant le congé ».

Pour déterminer si cette planification du congé a suffi à favoriser la poursuite des soins du VIH, des chercheurs du St. Michael’s Hospital, de Casey House, de l’Université McMaster et de l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES) ont collaboré à une étude.

Détails de l’étude

Les chercheurs se sont intéressés à 206 patients qui avaient été admis à Casey House et qui n’avaient pas renouvelé leur ordonnance pour le TAR dans les sept jours suivant leur congé de l’hôpital. Les chercheurs ont choisi une période de sept jours parce que, au moment de leur congé, les patients recevaient assez de médicaments pour deux jours, ainsi qu’une ordonnance pour le TAR, dans le cadre de la planification du congé routinière. L’équipe a souligné que le non-renouvellement de ces ordonnances dans les sept jours suivant la fin de l’hospitalisation exposait les patients à un risque d’interruption du traitement.

Les chercheurs ont également utilisé des données portant sur la personne séropositive moyenne vivant en Ontario afin de comparer celle-ci aux personnes hospitalisées à Casey House.

Résultats

En comparant les patients de Casey House à la personne séropositive moyenne vivant en Ontario, les chercheurs ont trouvé que les patients de l’hôpital étaient plus susceptibles d’avoir les caractéristiques suivantes :

  • un faible revenu nécessitant de l’aide sociale
  • un fardeau plus lourd d’affections médicales co-existantes

Pendant les sept jours suivant le départ de Casey House, les patients ont reçu des médecins des ordonnances pour les médicaments dont ils avaient besoin. Selon les chercheurs, presque 70 % des patients ont fait exécuter ces ordonnances dans les sept jours suivant leur congé, et il s’agissait principalement de médicaments prescrits pour les raisons suivantes :

  • traitement continu d’infections autres que le VIH
  • prise en charge des symptômes
  • maîtrise de la douleur
  • traitement de problèmes de santé mentale

Les chercheurs ont souligné que les ordonnances pour certaines catégories de médicaments ont été exécutées plus fréquemment que celles pour le TAR :

  • TAR : 11 %
  • antipsychotiques : 15 %
  • antidépresseurs : 26 %

L’analyse n’a trouvé aucun impact de l’âge, du sexe ou du nombre de comorbidités sur l’inclinaison des patients à faire exécuter leur ordonnance pour le TAR.

Après avoir exclu les personnes qui sont décédées dans les 30 jours suivant leur hospitalisation à Casey House, les chercheurs ont trouvé qu’environ 76 % des patients finissaient par communiquer avec un médecin de famille ou un spécialiste du VIH dans les 30 jours suivant leur congé. Aucun lien n’a été trouvé entre l’âge, le sexe ou le nombre de comorbidités dont une personne souffrait et sa capacité de communiquer avec un médecin de famille ou un spécialiste du VIH après son hospitalisation.

Auraient-ils des médicaments à la maison?

Les chercheurs ont mentionné l’argument selon lequel certains patients avaient peut-être des réserves de TAR à la maison avant l’hospitalisation et n’avaient donc pas besoin de renouveler des ordonnances dès l’obtention de leur congé. Comme ils doutaient de cette possibilité, les chercheurs ont affirmé qu’il était peu probable que près de 90 % des patients n’aient pas fait exécuter leur ordonnance pour le TAR dans les sept jours suivant leur hospitalisation parce qu’ils avaient des réserves de médicaments chez eux.

En outre, comme les chercheurs l’ont souligné, les patients ont quitté l’hôpital avec des ordonnances pour de nombreux médicaments. Il est au moins plausible que le régime TAR de certains patients ait été changé durant leur hospitalisation afin d’éviter les interactions avec les nombreux autres médicaments non liés au VIH dont ils avaient besoin subséquemment. Dans un tel cas, les réserves de TAR conservées à la maison n’auraient pas été utiles, car ces médicaments auraient sans doute interagi avec certains des médicaments non liés au VIH prescrits durant et après le séjour à l’hôpital.

Selon les chercheurs, étant donné les catégories d’ordonnances que les patients ont fait exécuter, il est probable que ces derniers donnaient la priorité au renouvellement des ordonnances pour « les problèmes de santé mentale et la maîtrise de la douleur » dans les sept jours suivant leur congé de l’hôpital.

Que faire?

Les chercheurs ont affirmé que les patients figurant dans cette étude « ont reçu, pendant toute la durée de leur séjour, des soins spécialisés du VIH de la part d’une équipe multidisciplinaire qui s’efforce de répondre aux déterminants sociaux de l’arrimage aux soins, dont la précarité du logement et la consommation de substances. Nous nous attendions à ce que cela améliore la transition des patients [vers les soins donnés dans la communauté après les soins hospitaliers] ».

Selon les chercheurs, la population de cette étude est « hautement marginalisée » et pourrait trouver que l’obtention de soins à l’extérieur de l’hôpital est « particulièrement difficile ».

Les chercheurs ont suggéré les « interventions additionnelles » suivantes pour aider cette population à la suite d’une hospitalisation :

  • pairs navigateurs
  • veiller à ce que les besoins essentiels comme la sécurité alimentaire soient satisfaits dès le moment du congé
  • supervision et soutien à la médication

Vers l’avenir

Ce rapport provenant de Casey House est un bon point de départ pour aider les gens vivant aux prises avec de nombreux diagnostics, notamment ceux touchant la santé mentale, et l’infection au VIH sous-jacente à la suite d’une hospitalisation. D’autres recherches sont nécessaires, y compris des entrevues auprès des patients, pour mieux comprendre les moyens de les aider à surmonter les obstacles aux soins.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Antoniou T, Graves E, Plumptre L, et al. Antiretroviral prescription pick-up and physician follow-up after hospital discharge among medically complex people with HIV. Open Forum Infectious Diseases. 2019 Jan 19;6(2):ofz009.