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Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), plus de 200 cas de syphilis touchant les yeux (syphilis oculaire) ont été déclarés aux États-Unis durant les deux dernières années. La majorité des cas en question concerne des hommes séropositifs gais, bisexuels et hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). Toutefois, des cas se sont également produits chez des personnes séronégatives, y compris des HARSAH et des hommes et femmes hétérosexuels. Cette tendance apparente vers une augmentation de la syphilis oculaire aux États-Unis survient dans le contexte d’une hausse globale de l’incidence de la syphilis dans les pays à revenu élevé. Il est donc possible que l’augmentation du nombre de cas de syphilis oculaire déclarés soit simplement attribuable à la prolifération générale des cas de syphilis.
Les complications oculaires de la syphilis n’ont rien de nouveau; on en signalait des cas à l’époque précédant l’introduction à grande échelle des antibiotiques. De telles complications se produisaient chez des personnes expérimentant des stades précoces ou avancés de la syphilis. Selon une analyse génétique préliminaire des souches de syphilis présentes aujourd’hui aux États-Unis, il ne semble pas qu’une nouvelle souche plus virulente ayant une prédilection pour les yeux soit en train de circuler et de causer de graves complications oculaires. Pour en savoir plus sur cette infection, consultez le feuillet d’information sur la syphilis de CATIE.
Une équipe de médecins aux États-Unis a compilé et publié des détails (y compris les symptômes, les résultats des tests de laboratoire et les réponses au traitement) concernant plusieurs cas de syphilis oculaire récents. Ils avaient pour objectif de « souligner la diversité des présentations cliniques et les [complications et conséquences] potentiellement dévastatrices de ce syndrome ».
L’équipe américaine a souligné les points suivants au sujet des cas en question :
Nous résumons ci-dessous les détails des six cas de syphilis oculaire étudiés par l’équipe américaine.
Après que des tests sanguins de routine ont révélé la présence de syphilis, un homme de 41 ans a été dirigé par son médecin de famille vers une clinique se spécialisant dans le diagnostic et le traitement des infections transmissibles sexuellement (ITS). À la clinique, l’homme a révélé avoir éprouvé une éruption cutanée légère un mois plus tôt, mais celle-ci s’était résorbée. Toutefois, il éprouvait les symptômes suivants depuis plusieurs semaines :
L’homme a dévoilé avoir eu des relations sexuelles sans condom avec deux nouveaux partenaires masculins anonymes au cours des trois mois précédents. Il n’avait pas de plaie ou de lésion génitale.
Les tests sanguins effectués à la clinique se sont révélés négatifs pour le VIH mais positifs pour la syphilis. Les autres tests de dépistage d’ITS courantes comme la chlamydia et la gonorrhée ont donné des résultats négatifs.
Compte tenu des symptômes du patient, le personnel de la clinique ITS a soupçonné l’existence de la syphilis oculaire et l’a dirigé vers une clinique des maladies infectieuses (MI). Cependant, en raison de l’horaire de travail du patient, il n’a pu être évalué à la clinique MI ce jour-là. La clinique ITS lui a donc administré 2,4 millions d’unités de benzathine-pénicilline par injection intramusculaire. L’homme est retourné à la clinique ITS une semaine plus tard pour recevoir une autre dose de benzathine-pénicilline.
Subséquemment, lors d’un rendez-vous à la clinique MI, le patient a affirmé que sa vue s’était quelque peu améliorée mais qu’il éprouvait encore des problèmes. Il a subi un examen détaillé de ses yeux, et un diagnostic de syphilis oculaire a été posé. L’homme a reçu un traitement intraveineux à la pénicilline G (24 millions d’unités par jour pendant 14 jours consécutifs) et s’est remis complètement de l’infection.
Un homme de 34 ans s’est présenté à l’urgence d’un hôpital parce qu’il avait les deux yeux irrités depuis deux semaines. L’homme était séropositif et suivait une thérapie anti-VIH (TAR), et ses tests sanguins ont révélé un compte de CD4+ de 752 cellules/mm3 et une charge virale de moins de 20 copies/ml. Les médecins à l’urgence lui ont prescrit des gouttes oculaires antibiotiques, mais une tache aveugle est apparue dans le champ visuel de l’œil gauche du patient dans la semaine suivant la consultation. La tache s’est rapidement élargie au cours des jours suivants et a fini par causer la cécité dans l’œil touché. Deux jours après la survenue de la cécité de l’œil gauche, l’homme a commencé à perdre la vue de l’œil droit. Il est retourné à l’urgence pour obtenir de l’aide. L’examen de l’intérieur de l’œil a révélé de l’inflammation dans plusieurs structures, y compris dans la portion de l’œil qui est sensible à la lumière, soit la rétine.
En théorie, un tel problème pourrait être causé par plusieurs microbes, y compris des membres de la famille des virus de l’herpès, le parasite T. gondii (cause de la toxoplasmose) et les microbes qui causent la syphilis. Un échantillon de liquide a été extrait de l’œil et analysé. En attendant les résultats, les médecins ont administré au patient les médicaments antiviraux foscarnet et acyclovir par voie intraveineuse. Les résultats des tests n’ont révélé aucune trace de virus de l’herpès ou de T. gondii, mais les tests sanguins ont détecté des anticorps associés à la syphilis. Le dernier test de dépistage de la syphilis de l’homme remontait à neuf mois et avait été négatif. L’homme a dévoilé avoir eu récemment (dans les deux mois précédents) des relations sexuelles avec des hommes. Les médecins ont diagnostiqué une uvéite syphilitique (genre de syphilis oculaire caractérisée par une inflammation de la couche centrale de l’œil) et ont mis fin à la médication antivirale. À la place, le patient a reçu de la pénicilline G par voie intraveineuse pendant 14 jours consécutifs, ainsi que des médicaments anti-inflammatoires.
Après le changement de traitement pour la pénicilline, la vue du patient a commencé à s’améliorer considérablement mais s’est de nouveau détériorée soudainement à la fin du traitement à la pénicilline. Une analyse de son liquide céphalorachidien n’a pas donné d’indice que la syphilis s’attaquait au cerveau de l’homme. Un examen oculaire a révélé que la rétine de chaque œil s’était détachée du fond du globe oculaire (décollement de rétine). Puisque la rétine capte la lumière et la convertit en signaux électriques minuscules qui sont envoyés au cerveau, c’est un grave problème lorsqu’elle se détache. Si une chirurgie n’est pas pratiquée, la rétine peut cesser de fonctionner de façon permanente. Les médecins ont fixé une date pour une chirurgie pour recoller les rétines du patient, mais il n’est jamais retourné à l’hôpital, et les médecins ont perdu tout contact avec lui.
Une femme de 45 ans souffrait de rougeurs au niveau de son œil gauche. Elle n’a pas cherché de soins initialement, mais s’est ravisée lorsque l’œil en question est devenu subséquemment plus sensible à la lumière. Un ophtalmologue a diagnostiqué une inflammation de la couche centrale de l’œil (uvéite) et prescrit des gouttes oculaires à corticostéroïdes. Ce traitement a amélioré sa vue dans un premier temps mais les problèmes sont revenus un mois plus tard. Elle a passé alors des tests sanguins qui ont révélé la syphilis. Son dépistage précédent remontait à 15 ans et avait été négatif. La femme a affirmé qu’elle n’avait des relations sexuelles qu’avec son mari. Lorsque les médecins ont interrogé le mari, il a dévoilé avoir eu des contacts sexuels avec d’autres partenaires.
La femme a reçu des injections intramusculaires de benzathine-pénicilline une fois par semaine pendant trois semaines consécutives. Sa sensibilité accrue à la lumière s’est résorbée durant cette période. Un mois plus tard elle s’est présentée à une clinique des maladies infectieuses pour un suivi et pour des évaluations oculaires et neurologiques poussées. Les médecins ont alors découvert des défauts subtils de la capacité de ses yeux de faire le point. Une analyse de son liquide céphalorachidien a révélé la neurosyphilis. La patiente a refusé un traitement intraveineux à la pénicilline et a reçu à la place l’antibiotique ceftriaxone à raison de 2 grammes par jour par voie intraveineuse, pendant deux semaines. Les symptômes de la femme ont disparu quatre mois plus tard.
Un homme séropositif de 29 ans qui ne recevait pas de soins réguliers ni de TAR s’est présenté à une clinique des maladies infectieuses parce qu’il avait des problèmes oculaires qui s’aggravaient. Quatre mois plus tôt, il avait remarqué des corps flottants dans son œil gauche et une tache aveugle au milieu de son champ visuel, ainsi que des sensations de brûlure ou de picotement de la peau. Neuf mois avant sa consultation, la peau de ses paumes et de ses plantes des pieds avait pelé et il avait eu une éruption cutanée généralisée sur le torse. Plusieurs semaines avant de se rendre à la clinique, le patient avait eu des diarrhées persistantes accompagnées d’une perte de poids grave et d’une fatigue prononcée. L’homme a affirmé n’avoir eu d’activité sexuelle qu’avec son mari. Selon la description des médecins, il ne pouvait voir que des « formes et couleurs de base ». Un ophtalmologue a détecté du tissu enflammé à l’intérieur de son œil. De plus, la rétine de chaque œil commençait à se décoller du globe oculaire.
L’homme a été hospitalisé, et une analyse de son liquide céphalorachidien a détecté la neurosyphilis. Les tests sanguins ont révélé une charge virale en VIH de 108 000 copies/ml et un compte de CD4+ de 64 cellules/mm3. Les médecins ont prescrit de la pénicilline G par voie intraveineuse pendant deux semaines consécutives. Il a également commencé une TAR et a pu quitter subséquemment l’hôpital grâce à l’amélioration de son état de santé général.
Trois mois plus tard, l’homme a passé un examen de suivi à la clinique des maladies infectieuses, et les médecins ont trouvé que sa vue s’était améliorée considérablement. De plus, il avait alors une charge virale de moins de 20 copies/ml et un compte de CD4+ de 130 cellules/mm3.
Dix mois après son hospitalisation, les autorités de la santé publique ont demandé à l’homme de revisiter la clinique des maladies infectieuses parce qu’il avait été nommé comme contact sexuel par une personne qui avait fait l’objet d’un diagnostic de syphilis. Le patient avait affirmé n’avoir eu que son mari comme partenaire sexuel (décrit comme le « Cas 5 » par les médecins). Lors de l’examen, les médecins ont trouvé une nouvelle éruption écailleuse sur son torse, ses paumes et ses plantes des pieds. Il avait aussi une lésion douloureuse sur la langue, mais aucun problème visuel. Les médecins ont prescrit une seule dose de benzathine-pénicilline (2,4 millions d’unités) par injection intramusculaire. Une semaine plus tard, un examen de ses rétines et d’autres parties de ses yeux n’a révélé aucune inflammation.
Un homme de 35 ans atteint d’une infection au VIH non traitée a cherché des soins dans une clinique des maladies infectieuses parce que la vue de ses deux yeux se détériorait — présence accrue de corps flottants et baisse visuelle — depuis neuf mois. Pendant cette période l’homme avait connu une perte de poids non intentionnelle de 31 kg.
Un examen a révélé une éruption cutanée sur les plantes des pieds et les paumes de l’homme. Il avait aussi des ulcères indolores sur le pénis. Il ne voyait rien de son œil droit parce que la rétine s’était détachée. Selon les médecins, « l’œil gauche était capable d’une perception de lumière minimale ».
Une analyse de liquide céphalorachidien a laissé soupçonner la neurosyphilis, et ses tests sanguins ont donné un résultat positif pour la syphilis. Il avait une charge virale de 35 000 copies/ml et un compte de CD4+ de 111 cellules/mm3. Il a reçu le même traitement antibiotique que le patient décrit par les médecins comme le « Cas 4 ». Il a aussi commencé une TAR.
Trois mois plus tard, l’éruption cutanée s’était résorbée, mais on a constaté qu’une légère amélioration de la vue de son œil droit et aucun changement quant à l’œil gauche. Il avait alors une charge virale de moins de 20 copies/ml et un compte de CD4+ de 190 cellules/mm3.
Sept mois après sa consultation à la clinique des maladies infectieuses, l’homme a affirmé avoir eu trois nouveaux partenaires sexuels. Les tests effectués alors n’ont détecté aucune ITS. Toutefois, deux mois plus tard, il a de nouveau cherché des soins pour une éruption cutanée sur son pénis, ses avant-bras et sa cuisse. Comme l’éruption ressemblait à une infection fongique légère, on lui a prescrit une crème antifongique pour la peau, mais l’éruption n’a pas disparu. De plus, quand le patient s’est de nouveau présenté à la clinique un mois plus tard, l’éruption s’était propagée à ses paumes et était devenue écailleuse. Il avait aussi des taches surélevées sur le pénis et un ulcère sur la langue. Une évaluation de son liquide céphalorachidien n’a pas révélé de neurosyphilis. Cependant, comme ses tests sanguins laissaient présager la présence de syphilis, les médecins l’ont traité avec une seule dose de benzathine-pénicilline, et l’éruption cutanée s’est atténuée.
Un homme de 33 ans s’est présenté à l’urgence d’un hôpital parce que, depuis deux semaines, il avait la vue brouillée et éprouvait de l’inconfort oculaire lorsqu’il était exposé à la lumière. Six semaines auparavant, il avait eu un mal de gorge et une sensation de bourdonnement dans les oreilles (acouphène). Un examen tomodensitométrique de sa tête a révélé une augmentation du volume des sinus. Présumant qu’il avait une infection des sinus, les médecins lui ont prescrit des antibiotiques (triméthoprime-sulfaméthoxazole). Ils ont également encouragé le patient à consulter un ophtalmologue. Cependant, selon les médecins, le patient a retardé sa consultation auprès du spécialiste des yeux « à cause de barrières financières et en matière d’assurances ». Subséquemment, le patient a éprouvé ce que les médecins décrivaient comme « une perte quasi-totale de la vue », ainsi qu’un mal de tête, et s’est présenté de nouveau à l’urgence.
Lors de l’examen effectué lors de la deuxième visite à l’urgence, les médecins ont détecté de la plaque écailleuse sur le torse, les fesses, les paumes et les plantes des pieds du patient. Il avait aussi des taches blanches dans la bouche. Selon le patient, il avait eu des relations sexuelles avec deux femmes depuis un an.
On a effectué d’autres évaluations qui ont révélé l’absence de VIH, de chlamydia et de gonorrhée, mais la présence de syphilis. Une analyse du liquide oculaire s’est révélée négative pour la présence de virus de l’herpès et du parasite T. gondii. L’analyse du liquide céphalorachidien a toutefois révélé la neurosyphilis. Les deux rétines étaient enflammées et en train de mourir. Le patient a été hospitalisé et traité par pénicilline G par voie intraveineuse (24 millions d’unités par jour pendant 10 jours), ainsi que par corticostéroïdes. Une semaine plus tard, la vue du patient ne s’était pas améliorée, et les médecins étaient pessimistes quant à la possibilité d’une amélioration subséquente.
Ces cas soulignent la nécessité d’effectuer régulièrement, voire fréquemment dans certains cas, des tests de dépistage de la syphilis auprès des personnes sexuellement actives, y compris celles éprouvant des problèmes visuels. Ces cas soulignent également l’importance d’un diagnostic et d’un traitement rapides.
Ressources
Lignes directrices québécoises sur la prise en charge de la syphilis – Guide ITSS : syphilis (mise à jour en mars 2016)
CDC Clinical Advisory: Ocular syphilis in the U.S. (en anglais seulement)
Feuillet d'information sur la syphilis de CATIE
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :