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La syphilis nécessite une action immédiate. Cette infection transmissible sexuellement (ITS) n’est pas un vestige du passé, mais bien une préoccupation actuelle qui a de sérieuses conséquences. Si la syphilis n’est pas traitée, elle peut causer des problèmes graves au cerveau et à la moelle épinière. De plus, si elle est transmise par une personne enceinte non traitée, elle pose un risque important pour l’enfant à naître. C’est ce que l’on appelle la syphilis congénitale et, malheureusement, celle-ci n’est pas rare. 

Selon l’Agence de la santé publique du Canada, les cas déclarés de syphilis infectieuse ont bondi de 109 % depuis 2018. Près de 14 000 cas ont été recensés en 2022 seulement. Environ un tiers de ces cas touchaient des femmes (selon les données de l’ASPC) et les taux les plus élevés s’observaient dans les provinces des Prairies et les territoires voisins. En 2022, 117 cas confirmés de syphilis congénitale ont été déclarés au Canada. Cela représente une augmentation colossale de 599 % depuis 2018. À titre indicatif, le nombre de cas de syphilis congénitale au pays devrait être de zéro, car toutes les personnes enceintes qui reçoivent des soins prénataux sont systématiquement dépistées pour la syphilis. Cette recrudescence est donc d’autant plus préoccupante. À cela s’ajoute le fait que certaines régions et populations du Canada connaissent une augmentation du nombre de nouveaux cas d’infection par le VIH.

En 2019, l’Alberta a déclaré des taux de syphilis infectieuse que l’on n’a pas vus depuis les années 1940. Selon le gouvernement de l’Alberta, la plupart de ces infections ont été transmises lors de rapports hétérosexuels. La province a également signalé une forte hausse des cas de syphilis congénitale, dont près de 20 % ont entraîné la mort du nourrisson. Cela est dû au recoupement de nombreux facteurs – notamment les épidémies d’utilisation de stimulants et d’opioïdes, les effets du racisme et de la colonisation, l’instabilité du logement, la pauvreté et l’incarcération. Tous ces éléments contribuent à la stigmatisation et à une méfiance à l’égard du système de soins de santé. En conséquence, des personnes sont réticentes à utiliser les services de santé.

Face à cette piètre situation en Alberta, nous avons voulu savoir si le dépistage rapide aux points de service (DRPS) de la syphilis et du VIH pouvait aider. Le DRPS permet à une personne de se faire dépister et, si le résultat est positif, de recevoir un traitement pour la syphilis lors de la même visite. Le traitement immédiat empêche la syphilis de s’aggraver; il prévient la transmission aux partenaires sexuel·le·s et aux enfants à naître; et il réduit la nécessité de revenir pour d’autres traitements. Notre étude « Point of Care tests for syphilis and HIV » [« Dépistages de la syphilis et du VIH aux points de service »] (PoSH) a examiné le DRPS dans cinq sites : deux services d’urgence, un établissement correctionnel provincial, une communauté des Premières Nations et une clinique d’ITS. 

L’étude a recensé 226 nouveaux cas de syphilis. Elle a confirmé qu’il est possible de dépister et de traiter la syphilis en une seule visite. Nous avons par ailleurs recensé quatre nouvelles personnes vivant avec le VIH et 20 personnes dont la séropositivité était déjà connue. Le test du VIH a permis de les relier rapidement à des soins pour amorcer ou reprendre un traitement. Heureusement, le traitement de la syphilis est simple. Il consiste habituellement en une seule injection de pénicilline (cela n’a pas changé depuis des décennies). En outre, la syphilis se manifeste généralement de la même manière, quel que soit le statut VIH. Seules quelques personnes vivant avec le VIH connaîtront des complications sévères.

Après notre étude, les professionnel·le·s de la santé canadien·ne·s ont reçu le feu vert en mars 2022 pour utiliser le DRPS « INSTI multiplex » pour la syphilis et le VIH. Cette approbation a marqué une étape importante. Elle a conduit à une adoption élargie de ce type de dépistage en Alberta. Cela permet aux infirmier·ère·s d’offrir le DRPS dans le cadre du programme provincial de lutte contre les ITS et dans des cliniques d’ITS à travers la province. 

Selon un rapport des Services de santé de l’Alberta, les trois quarts des cas de syphilis congénitale auraient pu être évités. Ces personnes enceintes ont eu recours à des services de santé pendant leur grossesse, généralement dans un centre de soins de courte durée, mais n’ont pas été dépistées pour la syphilis. Par conséquent, nous avons décidé d’offrir le dépistage dans les hôpitaux qui voyaient naître des bébés atteints de syphilis congénitale. À cette fin, nous avons lancé une nouvelle initiative intitulée « Syphilis and HIV in Acute Care and Community settings » [« Syphilis et VIH en soins de courte durée et en milieu communautaire »] (SHACC). Son objectif était d’introduire le dépistage de la syphilis et du VIH dans un certain nombre d’hôpitaux et de sites communautaires en Alberta, afin de s’assurer que les personnes à risque, y compris les personnes enceintes, se voient offrir un dépistage de la syphilis et du VIH au moment de recevoir des soins. À l’heure actuelle, six hôpitaux et 18 sites communautaires de l’Alberta utilisent le DRPS dans le cadre de l’initiative SHACC.

Dans l’avenir, grâce à deux subventions des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), nous prévoyons de faire avancer le dépistage en Alberta en intégrant dans nos équipes de santé des personnes qui ont une expérience vécue ou actuelle du VIH et de la syphilis. Nous comptons également mettre sur pied un comité consultatif composé d’Aîné·e·s autochtones afin d’ancrer notre travail dans les modes de connaissance autochtones. 

 

Remerciements : Les équipes des études PoSH et SHACC remercient sincèrement tou·te·s les participant·e·s et les nombreux·ses bailleurs de fonds et supporteur·trice·s de ces initiatives, notamment Sean Rourke et Kristin MacLennan (Centre REACH des IRSC), les IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le sida, Services aux Autochtones Canada, les Services de santé de l’Alberta et Santé Alberta.

Autres auteur·e·s : Noel Ives, Jennifer Gratrix, Cari Egan, Petra Smyczek, Denise Lambert, Kevin Fonseca


Tour d’horizon de la recherche

Une action communautaire novatrice face à des difficultés inédites

AllTogether4IDEAS,
Université du Manitoba

Le Manitoba est aux prises avec des taux alarmants de syphilis et de VIH, qui sont parmi les plus élevés au monde. De 2021 à 2023, le nombre de cas de VIH enregistrés au Manitoba a été le plus élevé de l’histoire de la province. En 2022, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta totalisaient plus de la moitié des cas de syphilis infectieuse au Canada. Ils représentaient également une part importante des nouveaux cas de VIH.

 L’équipe AllTogether4IDEAS est un partenariat de collaboration entre des programmes et organismes communautaires. Nous sommes engagé·e·s à mettre en lumière les tendances du VIH au Manitoba en comparaison avec d’autres provinces. Entre 2018 et 2022, 773 personnes ont été dirigées vers le Programme de lutte contre le VIH du Manitoba, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux années précédentes. Cela a réorienté nos efforts vers les contacts dans la communauté et nous a obligé·e·s à nous adapter et à appliquer les outils existants pour répondre à la crise actuelle de la syphilis et du VIH. Nous commençons à former des équipes et à établir des processus basés sur les leçons apprises de l’Alberta et de la Saskatchewan. Cela permettra de dépister, de traiter et de diriger les personnes vers des soins culturellement adaptés.

—Zulma Rueda et Yoav Keynan

Intégrer le dépistage dans la communauté en Saskatchewan

Autorité de la santé de la Saskatchewan, Université de la Saskatchewan

L’étude SHIVER (« Syphilis and HIV Early Response » [Réponse précoce à la syphilis et au VIH »]) est dirigée par le Dr Stuart Skinner de la Clinique Wellness Wheel de Regina, Saskatchewan. Elle recrute des patient·e·s depuis février 2023. L’étude offre des tests de dépistage aux points de service pour la syphilis et le VIH afin d’améliorer l’accès au dépistage. Elle se concentre sur les populations des quartiers défavorisés et des régions éloignées, rurales et difficiles à joindre de la Saskatchewan. Pour aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent, nous visitons des communautés dans des réserves et hors réserve, pour leur offrir des tests de dépistage du VIH et de la syphilis. L’étude SHIVER permet de se faire tester pour le VIH, la syphilis ou les deux à la fois. Elle a pour objectif de recruter 1 650 personnes. Nous avons joint jusqu’ici plus de 800 patient·e·s, la majorité ayant choisi le dépistage combiné VIH/syphilis. L’étude est menée dans 12 cliniques de la Saskatchewan, y compris huit communautés des Premières Nations; de nouvelles cliniques et de nouveaux sites s’ajoutent chaque jour.

—Nikki Williamson et Cara Spence 

Le pouvoir de la communauté

Coalition One Yukon 

Devant la hausse des cas de syphilis et de syphilis congénitale au Canada, des groupes communautaires locaux se mobilisent. La Coalition One Yukon a récemment participé au sommet de l’Initiative Ayaangwaamiziwin à Winnipeg. Ce sommet était axé sur le renforcement des capacités et le partage des connaissances. On y a présenté des programmes et des études de recherche qui soulignent l’importance de la participation communautaire et des initiatives de dépistage aux points de service pour lutter contre la syphilis. Puisque le taux de syphilis infectieuse au Yukon était 26 fois plus élevé en 2023 qu’en 2019, il est crucial de rendre le dépistage et le traitement plus accessibles. Le sommet a mis en relief le rôle vital des organismes communautaires pour joindre les populations vulnérables. Il a inspiré toutes les personnes présentes. La force réside dans la communauté. Ensemble, nous pouvons créer des changements positifs. 

—Justine Aman