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CATIE
  • Les utilisateurs de la PrEP doivent visiter régulièrement une clinique pour passer des tests de dépistage du VIH et des ITS, ainsi que des mesures de la santé rénale.
  • Des chercheurs américains ont mené une étude pilote sur des tests auto-administrés destinés à remplacer les rendez-vous en clinique.
  • 93 % des participants ont été en mesure de renouveler leur ordonnance sans voir leur médecin.

Une option pour réduire le risque de se faire infecter par le VIH lors des relations sexuelles consiste à prendre un comprimé contenant deux médicaments anti-VIH : le ténofovir DF et FTC. Ce comprimé se vend sous le nom de marque Truvada et existe aussi en versions génériques. Les essais cliniques ont révélé que la prise quotidienne de ces médicaments, en association avec d’autres mesures, réduisait le risque d’infection par le VIH de façon hautement efficace. Lorsqu’on prend des médicaments avant toute exposition éventuelle au VIH, on parle de prophylaxie pré-exposition (PrEP).

Avant qu’une personne puisse se faire prescrire la PrEP, elle doit consulter un médecin et passer des tests de laboratoire pour vérifier qu’elle n’a pas le VIH ou d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS). Après la prescription de la PrEP, la personne doit poursuivre ses consultations régulières (tous les trois mois) chez le médecin et au laboratoire afin de se faire tester pour le VIH et les autres ITS et de faire le suivi des effets secondaires éventuels.

Les personnes qui se font prescrire la PrEP sont généralement en bonne santé et risquent de ne pas être habituées à la nécessité de se soumettre à un suivi médical et à des tests de laboratoire continus comme il faut le faire avec la PrEP. Les consultations en question peuvent nécessiter des absences au travail, surtout si les cliniques et les laboratoires sont seulement ouverts durant la journée. De plus, même si une personne a fixé un rendez-vous, elle doit habituellement passer du temps dans la salle d’attente de la clinique. Toutes ces considérations relatives au temps peuvent agir comme des barrières à la continuation de la PrEP chez certaines personnes.

Dans une tentative de surmonter les barrières de ce genre, une équipe de chercheurs américains de Boston, de San Francisco et de Saint-Louis ont collaboré à une étude pilote sur une innovation qu’ils ont baptisée « PrEP@Home ». Les chercheurs décrivent ce système comme suit : « Un système de surveillance de laboratoire et comportementale à distance conçu pour remplacer les consultations de suivi trimestriel de routine par des soins à domicile afin de réduire le fardeau pour le patient et le professionnel de la santé ».

Comme l’atteste un article publié dans la revue Clinical Infectious Diseases, les résultats de cette étude pilote menée auprès de 57 personnes sont très encourageants. Les chercheurs prévoient maintenant lancer une étude randomisée de plus grande envergure afin de confirmer leurs résultats.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont cherché des hommes répondant aux critères suivants :

  • sexe anal avec au moins un partenaire masculin depuis un an
  • ils s’étaient fait prescrire la PrEP et la prenaient
  • ils n’éprouvaient pas de malaise à la vue du sang

Les participants avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :

  • âge : 31 ans
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs  – 55 %; Noirs – 22 %; Asiatiques – 11 %; Hispaniques – 9 %
  • 60 % prenaient la PrEP depuis moins d’un an
  • 75 % n’ont signalé aucune dose oubliée de la PrEP depuis une semaine

L’intervention

PrEP@Home a été conçu pour remplacer un des rendez-vous trimestriels en clinique et au laboratoire qui sont recommandés par les lignes directrices. Les participants ont reçu ce que les chercheurs décrivaient comme une « boîte discrète » plusieurs semaines avant leur prochain rendez-vous prévu à la clinique. La boîte contenait des instructions sur la manière de prélever des spécimens (on décrit la méthode plus loin), et ces instructions s’accompagnaient d’une vidéo. Les instructions sur la méthode de prélèvement des spécimens étaient fondées sur la rétroaction donnée par des utilisateurs lors d’un projet antérieur. De plus, si les participants rencontraient des problèmes, ils avaient accès à une ligne d’aide sans frais 24 heures sur 24.

Les participants effectuaient eux-mêmes les prélèvements suivants :

  • frottis rectal et de la gorge (par coton-tige)
  • échantillon d’urine
  • une petite quantité de sang prélevée par piqûre du doigt

Les échantillons d’urine et les coton-tiges étaient testés pour la chlamydia et la gonorrhée. Les échantillons de sang étaient utilisés pour le dépistage du VIH et l’évaluation de la santé rénale.

Les participants recevaient un contenant préaffranchi pour envoyer les spécimens au laboratoire.

Les participants remplissaient aussi des sondages sur les comportements incluant des questions au sujet des éléments suivants :

  • effets secondaires des médicaments
  • comportements à risque à l’égard du VIH
  • symptômes éventuels d’ITS (y compris l’infection aiguë au VIH)
  • observance de la PrEP

Notons que les médecins prescrivaient la PrEP quotidienne aux participants.

Résultats

Un participant a cessé de communiquer avec l’équipe de l’étude, et deux autres ont abandonné l’étude et réintégré un service de soins habituels de la PrEP parce qu’ils avaient de la difficulté à prélever des échantillons de sang.

Aucun des participants n’a reçu de résultat positif pour le VIH ou la syphilis.

L’analyse des coton-tiges et des échantillons d’urine ont révélé ce qui suit :

Chlamydia

  • dans le rectum : 13 %
  • dans l’urètre : 7 %
  • dans la gorge : 0 %

Gonorrhée

  • dans le rectum : 4 %
  • dans l’urètre : 0 %
  • dans la gorge : 4 %

Même si cette étude n’avait pas été conçue pour évaluer le traitement des ITS, la plupart des médecins participants ont dévoilé qu’ils traitaient les patients atteints d’ITS en suivant les lignes directrices américaines.

La majorité (93 %) des hommes ont été en mesure de renouveler leur ordonnance pour la PrEP sans devoir consulter leur médecin.

Expériences

Dans l’ensemble, les participants ont qualifié leur expérience de PrEP@Home de « bonne ». De plus, selon les chercheurs, « plus de 85 % des participants ont indiqué que, si une trousse était disponible, ils utiliseraient PrEP@Home au lieu d’une consultation de routine [auprès d’un clinicien et/ou dans un laboratoire] dans le courant de l’année suivante ». De plus, « 40 % des participants ont signalé qu’ils seraient plus susceptibles de continuer à recevoir des soins si PrEP@Home était disponible », ont affirmé les chercheurs. Ces chiffres mettent en lumière la facilité d’utilisation et la nature pratique de la trousse étudiée. Ils soulignent aussi le potentiel de la trousse d’inciter des gens à continuer à utiliser cette méthode hautement efficace de prévenir l’infection par le VIH.

À retenir

La présente étude était de nature transversale et a porté sur un nombre relativement faible de personnes. De plus, il est possible que les résultats aient été faussés par le fait qu’elle a recruté des participants qui souhaitaient avoir accès à la trousse PrEP@Home et qui étaient donc enclins à qualifier leur expérience de bonne.

Équilibrer l’impact sur le système de santé

Selon les chercheurs, « la PrEP est une intervention extraordinairement prometteuse, mais les évaluations de suivi trimestriel imposent un fardeau aux patients et au système de santé… ». Selon les estimations des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), plus de 1,2 million de personnes aux États-Unis pourraient bénéficier de la PrEP. Cependant, « le système de santé se ferait imposer un fardeau de près de cinq millions de consultations annuellement si la PrEP était utilisée à cette échelle ».

Des études de plus grande envergure sous peu

L’un des chercheurs affiliés à la présente étude, Aaron Siegler, Ph. D. et professeur associé à l’Université Emory, a avisé Nouvelles CATIE qu’un essai clinique randomisé commencerait au cours des prochains mois auprès d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) dans les villes américaines suivantes :

  • Atlanta, Géorgie
  • Boston, Massachusetts
  • Jackson, Mississippi
  • Saint- Louis, Missouri

Cet essai va explorer l’adoption et l’acceptabilité de PrEP@Home auprès de 400 jeunes hommes. Il va également évaluer les concentrations de ténofovir dans les échantillons de sang. L’étude est financée par les National Institutes of Mental Health (NIMH) des États-Unis, et chaque participant est censé rester dans l’étude pendant un an.

Le Dr Siegler a également mentionné que ses collègues et lui planifiaient une autre étude sur une application (app) de téléphone intelligent appelée « ePrEP » pour laquelle le recrutement débuterait à l’automne 2018. Cette app met à la disposition des participants une plateforme de messagerie et une vidéo sécurisées afin qu’ils puissent contacter les médecins affiliés à l’étude. L’étude ePrEP a pour objectif de réduire la nécessité d’une consultation en personne auprès d’un professionnel de la santé en fournissant plutôt un accès électronique à ce dernier. Cette stratégie sera testée dans des régions rurales des États-Unis où il n’est pas facile de trouver des médecins ayant beaucoup d’expérience de la PrEP et où les patients doivent parfois parcourir de longues distances pour en voir un.

Embrasser et intégrer les technologies de la santé

Pour conclure leur rapport sur la présente étude, les chercheurs ont fait la déclaration suivante :

« Les avancées technologiques en matière de connectivité à haute vitesse, de téléphones intelligents et de tests de laboratoire sont en train de changer le contexte dans lequel les soins peuvent être dispensés. La recherche future devrait explorer les moyens de mettre à profit ces changements afin de réduire les disparités sur le plan de la santé. »

Cette déclaration prospective signale des possibilités passionnantes qui se réaliseront probablement au cours de la prochaine décennie. Les personnes qui ont la possibilité et la capacité de consulter en personne un médecin ou une infirmière continueront de le faire si elles le souhaitent, mais il est probable que d’autres options d’accès aux soins de santé feront l’objet d’études pilotes au cours des prochaines années. Ces options devraient devenir à la longue une réalité afin que davantage de personnes puissent recevoir des services de santé d’une manière qui est pratique pour elles.

Ressources sur la PrEP

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) par voie orale – Feuillet d’information de CATIE

Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIH

8 questions sur la PrEP pour les gars – CATIE

La prophylaxie préexposition au virus de l'immunodéficience humaine : Guide pour les professionnels de la santé du Québec – Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Guidance for the use of Pre-Exposure Prophylaxis (PrEP) for the prevention of HIV acquisition in British Columbia – Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique (en anglais seulement)

Ressources sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP)

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Siegler AJ, Mayer KH, Liu AY, et al. Developing and assessing the feasibility of a home-based PrEP monitoring and support program. Clinical Infectious Diseases. 2018; in press.
  2. Jauhar S. “The patient will see you now” by Eric Topol. New York Times. 13 February 2015. Disponible à : https://www.nytimes.com/2015/02/15/books/review/the-patient-will-see-you-now-by-eric-topol.html