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  • Une équipe de recherche a étudié les taux de syphilis chez les personnes de la rue vivant dans de petites villes ontariennes
  • Elle a constaté des taux plus élevés chez les femmes et les personnes qui utilisent des drogues
  • Les taux de syphilis étaient les plus élevés chez les personnes présentant plusieurs facteurs de risque interreliés 

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Le nombre de diagnostics d’infections transmissibles sexuellement (ITS) augmente depuis 20 ans; de sorte qu’une épidémie de syphilis sévit actuellement partout au Canada. Les premiers symptômes de la syphilis, soit l’apparition d’une lésion (chancre) sur ou dans les organes génitaux, la bouche ou d’autres parties du corps, peuvent être indolores ou passer inaperçus. Les microbes qui causent la syphilis s’appellent tréponèmes et peuvent se propager rapidement à partir du site du contact initial. Ces microbes s’attaquent aux nerfs et sont susceptibles de causer des problèmes dans les yeux (perte visuelle) et les oreilles (perte auditive). De plus, faute de traitement, la syphilis risque au fil du temps de nuire à des organes vitaux, comme le cerveau, les os, le cœur et le système circulatoire, le foie et les reins. Durant la grossesse, la syphilis peut nuire au bébé à naître (syphilis congénitale). Les symptômes de cette infection ressemblent à ceux de nombreuses autres maladies; par contre, le diagnostic se fait facilement à l’aide d’un simple test sanguin. La plupart des personnes atteintes de syphilis en guérissent après un seul cycle d’antibiothérapie.

Ontario

Une équipe de recherche panontarienne a constaté que le nombre de diagnostics de syphilis a quadruplé entre 2013 et 2023. Selon l’équipe, bien que la syphilis touche historiquement les hommes de façon disproportionnée, et plus particulièrement les hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH), le bond des cas de syphilis en Ontario a fait en sorte que les femmes en âge de procréer sont devenues « le groupe à risque connaissant la plus forte croissance ». Qui plus est, ce changement dans les populations touchées par la syphilis est encore « plus prononcé dans les régions rurales et les petits centres urbains à travers l’Ontario ». 

L’équipe de recherche a ajouté que « la recherche épidémiologique se rapportant à la syphilis chez les populations de la rue a porté en grande mesure sur des cohortes cliniques dans les grands centres urbains ». L’équipe a alors décidé de mener une étude sur la syphilis dans « les unités de santé publique des petites régions urbaines, rurales et éloignées de l’Ontario ». 

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a recueilli des données issues d’une étude qui se poursuit sous le nom de SPRITE. Dans le cadre de celle-ci, des infirmier·ère·s de la santé publique avaient recours à un test de dépistage d’ITS aux points de service appelé Test INSTI® Multiplex VIH-1/2 Syphilis. En cas de résultat positif pour la syphilis, les personnes touchées se faisaient offrir immédiatement un traitement. Si le test donnait un résultat positif pour le VIH, la présence de l’infection était confirmée à l’aide d’un test de laboratoire standard. Comme l’étude portait particulièrement sur le dépistage de la syphilis, l’équipe n’a pas fourni de détails concernant les soins liés au VIH, mais il y a lieu de présumer que les personnes ayant reçu un diagnostic de séropositivité au VIH étaient dirigées vers des soins. 

Les infirmier·ère·s ont visité une variété de lieux dans de petits centres urbains et des régions rurales afin d’offrir un test de dépistage rapide de la syphilis. Parmi ces endroits, on comptait les suivants : 

  • sites de consommation supervisée
  • refuges pour personnes itinérantes
  • campements de fortune
  • unités de réduction des méfaits mobiles

En ce qui concerne l’expression « de la rue » (street-involved en anglais), l’équipe a établi une définition qu’elle voulait inclusive, laquelle tenait compte de « degrés d’itinérance variables et d’une large gamme de facteurs de risque, y compris l’usage de drogues et le sexe de survie ». L’étude incluait ainsi des personnes qui n’étaient pas nécessairement sans abri, mais « qui étaient aux risques physiques, mentaux, émotionnels et sociaux de [la vie dans la rue] ».

Recueillies entre juin 2023 et novembre 2024, les données portaient sur 630 personnes qui avaient le profil moyen suivant : 

  • 58 % d’hommes cisgenres et 42 % de femmes cisgenres
  • âge : 38 ans
  • 62 % vivaient une situation de logement instable
  • 7 % étaient des hommes gbHARSAH
  • près de 40 % avaient des partenaires sexuel·le·s multiples et/ou anonymes
  • 11 % avaient fait du travail sexuel ou en faisaient encore

Usage de drogues

L’équipe de recherche a recueilli des données sur les types de drogues utilisés depuis le 26 avril 2024, et 426 personnes ont dévoilé en avoir pris. Les drogues les plus utilisées étaient la méthamphétamine en cristaux (47 %), le fentanyl (45 %) et le crack et/ou la cocaïne (44 %). Dans l’ensemble, 44 % des personnes qui ont dévoilé un usage de drogues ont affirmé en avoir utilisé plus d’un type.

Accent sur la syphilis

L’équipe de recherche a constaté que près de 8 % des participant·e·s ont reçu un diagnostic de syphilis.

Les tests de dépistage ont donné plus de résultats positifs chez les femmes (10 %) que chez les hommes (6 %). Les taux de positivité à la syphilis chez les femmes variaient selon le groupe d’âge, comme suit : 

  • 40 à 49 ans : 18 % 
  • 20 à 29 ans : 12 % 
  • 30 à 39 ans : 8 %

Les femmes vivant une situation de logement instable étaient plus susceptibles de recevoir un diagnostic de syphilis (12 %) que les hommes dans la même situation (8 %). L’équipe a constaté une différence semblable entre les femmes et les hommes qui utilisaient des drogues.

Facteurs de risque

Selon l’équipe de recherche, « les individus faisant état de facteurs de risque sexuels affichaient [des taux de positivité plus élevés au test de dépistage de la syphilis] que les personnes ne présentant pas de tels facteurs de risque », comme suit :

  • antécédents de travail sexuel : 20 % de résultats positifs
  • partenaires sexuel·le·s anonymes : 16 %
  • partenaires sexuel·le·s multiples : 12 % 
  • personnes dévoilant l’injection de drogues : 10 %
  • personnes qui utilisaient des drogues : 9 %

Parmi les personnes qui utilisaient des drogues, celles qui dévoilaient leur usage de méthamphétamine en cristaux étaient plus susceptibles de recevoir un diagnostic de syphilis.

L’équipe de recherche a constaté une intersection de facteurs de risque, à savoir que près de 20 % des participant·e·s présentant des facteurs de risque sexuels utilisaient également des drogues et vivaient une situation de logement instable. Les personnes qui faisaient état de ces trois facteurs de risque étaient plus susceptibles d’avoir la syphilis.

À retenir

Cette étude ontarienne a découvert des taux de syphilis élevés parmi les personnes de la rue vivant dans les petits centres urbains et les régions rurales de la province. Selon l’équipe de recherche, « les femmes, les personnes qui utilisent des drogues et celles présentant des facteurs de risque sexuels » affichaient généralement les taux de diagnostics de syphilis les plus élevés.

Même si les hommes ont constitué la plupart des cas de syphilis dans de nombreuses études menées antérieurement sur cette ITS au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé, les femmes sont en train de devenir une population de plus en plus touchée par la syphilis. La présente étude confirme cette tendance.

Selon l’équipe de recherche, il est possible que les taux d’utilisation de drogues injectables, notamment de la méthamphétamine, aient augmenté parmi les femmes. Une étude américaine a permis de constater que, entre 2013 et 2017, les taux d’utilisation de drogues injectables, y compris de la méthamphétamine, ont augmenté chez les femmes qui ont reçu subséquemment un diagnostic de syphilis. Une étude canadienne a également révélé que l’utilisation de la méthamphétamine était en train d’augmenter.

L’équipe de recherche a souligné que les facteurs de risque qu’elle a cernés n’agissaient pas isolément. Ils se produisaient plutôt à l’intérieur de « contextes sociaux, structurels et historiques plus larges ».

Cette équipe de recherche n’a pas recueilli de données se rapportant à la santé mentale ou aux réseaux sexuels des participant·e·s, lesquels ont été reconnus comme facteurs de risque de syphilis lors d’études antérieures.

En ce qui concerne la syphilis, la présente étude a permis de cerner des facteurs de risque se chevauchant tout en reconnaissant le fardeau excessif de la maladie que portent les femmes. Selon l’équipe de recherche, leur étude souligne « le besoin urgent de modèles d’interventions de proximité ciblés et axés sur l’équité ». De plus, l’équipe a ajouté que ses résultats pouvaient « éclairer l’exercice clinique en guidant les stratégies de dépistage fondées sur les risques et en soutenant l’élaboration de politiques visant à l’élargissement des soins communautaires intégrés liés aux ITS afin de réduire la transmission et de redresser les iniquités structurelles en matière de santé ».

—Sean R. Hosein

Ressources

Infections transmissibles sexuellement et par le sang : Guides à l’intention des professionnels de la santé – Agence de la santé publique du Canada

Guides sur les Syndromes associés aux ITS : Prise en charge syndromique – Agence de la santé publique du Canada

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RÉFÉRENCES :

  1. Mackrell L, Antoun JP, Carter M et al. Intersecting risk factors associated with high syphilis seroprevalence among a street-involved population in Canada. Open Forum Infectious Diseases. 2025 Aug 7;12(8): ofaf472. 
  2. Chevalier FJ, Bacon O, Johnson KA et al. Syphilis: A Review. JAMA. 2025; sous presse.