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  • Une équipe de recherche a analysé des données portant sur plus de 2 700 personnes atteintes de syphilis
  • 42 % des personnes atteintes de syphilis infectieuse disaient avoir utilisé des stimulants dans le passé
  • L’équipe de recherche recommande l’intégration de programmes de santé sexuelle et de réduction des méfaits

Depuis une décennie, le Canada connaît une hausse marquée des cas de syphilis, une infection transmissible sexuellement. Les populations touchées incluent les hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH), les hommes et femmes hétérosexuel·le·s et les bébés nés de parents atteints de syphilis.

Si elle n’est pas traitée, la syphilis peut causer une maladie complexe qui évolue en plusieurs stades. Les symptômes initiaux sont souvent légers, telle une petite lésion indolore. Si cette lésion apparaît à l’intérieur de l’anus, des organes génitaux, de la bouche ou de la gorge, elle risque de passer inaperçue.

Les microbes (appelés tréponèmes) qui causent la syphilis sont capables de se propager rapidement dans le corps et de pénétrer dans les yeux et les oreilles. Dans certains cas, les tréponèmes entrent dans le cerveau, les os, le cœur, le système cardiovasculaire, le foie ou les reins. Si elle n’est pas traitée, la syphilis peut causer à la longue de graves complications chez les adultes ou le fœtus d’une personne infectée.

Dans la plupart des cas, la syphilis est diagnostiquée facilement à l’aide d’un test sanguin simple. La vaste majorité des personnes atteintes de syphilis s’en remettent après un seul cycle de traitement. Comme c’est le cas de nombreuses autres maladies, plus le diagnostic et le traitement ont lieu tôt, meilleurs sont les résultats. Comme il est possible de contracter à nouveau la syphilis après avoir suivi un traitement, certaines personnes sexuellement actives ont besoin de se faire tester régulièrement, voire fréquemment.

Étude albertaine

Après avoir analysé des données recueillies depuis une décennie, une équipe de recherche albertaine a laissé entendre que l’utilisation de stimulants était à la hausse dans la province, notamment celle de la méthamphétamine. L’équipe de recherche a également constaté que la syphilis était présente chez de nombreuses personnes faisant usage de stimulants.

Dans le cadre de cette étude, l’équipe de recherche albertaine a recueilli et analysé des données se rapportant à la santé de personnes ayant reçu un diagnostic de syphilis en 2018 ou 2019.

Selon l’équipe de recherche, chez les personnes atteintes de syphilis figurant dans cette étude, les hommes gbHARSAH étaient moins susceptibles d’avoir utilisé auparavant des stimulants (24 %) que les femmes (44 %) ou les hommes ayant des relations sexuelles avec des femmes (46 %). Une analyse statistique des données a révélé que l’usage de stimulants était associé aux facteurs suivants :

  • utilisation de drogues injectables
  • antécédents d’incarcération
  • relations sexuelles avec de nombreuses personnes

Parmi les autres résultats pertinents, notons les suivants :

  • Les femmes étaient susceptibles d’avoir une co-infection à la gonorrhée.
  • Les hommes qui avaient des relations sexuelles avec des femmes avaient plus tendance à s’identifier comme des Autochtones que les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Une forte proportion des personnes inscrites à cette étude s’étaient injecté des stimulants dans le passé. L’équipe de recherche a conséquemment recommandé « l’intégration de services de santé sexuelle dans des programmes destinés aux personnes qui utilisent des stimulants et à celles détenues dans un établissement correctionnel ».

Détails de l’étude

Pendant l’étude, le personnel infirmier a interrogé les participant·e·s afin de découvrir d’éventuels facteurs de risque associés à la syphilis. Dans le cadre de l’interrogatoire, on demandait aux participant·e·s de décrire leur usage de drogues non prescrites, ainsi que les moyens d’administration utilisés.

Au moment du diagnostic de syphilis, les 2 761 participant·e·s avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 31 ans
  • hommes – 59 %; femmes – 41 % (un très faible nombre de personnes ne se sont identifiées ni comme des hommes ni comme des femmes, mais l’équipe de recherche n’a pas fourni de détails à ce sujet)
  • principaux groupes ethnoraciaux : Autochtones – 41 %; Blanc·he­·s – 31 %; Métis·ses – 10 %
  • 27 % avaient des antécédents d’incarcération
  • 21 % s’injectaient des drogues
  • 18 % avaient un ou une partenaire qui s’injectait des drogues
  • 8 % étaient des travailleur·euse·s du sexe
  • 5 % avaient recours aux services de travailleur·euse­·s du sexe
  • infections transmissibles sexuellement (ITS) : co-infection à la chlamydiose – 20 %; co-infection à la gonorrhée – 16 %; co-infection au VIH – 6 %

Résultats

Près de 42 % des personnes inscrites à l’étude ont déclaré avoir utilisé des stimulants dans le passé. L’équipe de recherche a comparé les personnes qui utilisaient des stimulants à celles qui n’en utilisaient pas dans chacune des trois sous-populations étudiées.

Sous-populations

Hommes gbHARSAH

Dans ce groupe, l’équipe de recherche a constaté que le profil des hommes qui disaient utiliser des stimulants était plus susceptible de correspondre au suivant :

  • moins de 25 ans
  • utilisation de drogues injectables
  • partenaire sexuel qui s’injectait des drogues
  • recours aux services d’un travailleur du sexe
  • antécédents d’incarcération

Hommes ayant des relations sexuelles avec des femmes (HARSAF)

Dans ce sous-groupe, le profil des hommes qui utilisaient des stimulants était plus susceptible de correspondre au suivant :

  • moins de 25 ans ou entre 35 et 39 ans
  • utilisation de drogues injectables
  • antécédents d’incarcération
  • plus d’une partenaire sexuelle

Femmes

Le profil des femmes qui utilisaient des stimulants était plus susceptible de correspondre au suivant :

  • utilisation de drogues injectables
  • antécédents d’incarcération
  • quatre partenaires sexuel·le·s ou davantage
  • co-infection à la gonorrhée/syphilis

Aux États-Unis

L’équipe albertaine a examiné des rapports issus des États-Unis indiquant que les taux de syphilis et d’utilisation de stimulants avaient tous deux augmenté au cours de la décennie précédente. Elle a également affirmé ceci : « reflétant bien les tendances observées aux États-Unis, la plupart des personnes atteintes de syphilis et faisant usage de stimulants étaient des hétérosexuel·le·s dans notre étude ».

Évolution de l’usage de stimulants

Selon l’équipe de recherche, les hommes gbHARSAH constituaient dans le passé « une proportion significative » des personnes qui utilisaient des stimulants aux États-Unis et au Canada, et ce, principalement dans des contextes d’utilisation sexualisée de drogues (chemsex). Cependant, « l’usage de stimulants est maintenant prédominant chez les personnes hétérosexuelles » dans ces deux pays.

Davantage de bébés atteints

L’équipe de recherche a également affirmé ceci : « L’Alberta a connu une augmentation sans précédent du nombre de [bébés atteints de syphilis], soit un bond étourdissant de 200 % entre 2018 et 2019 ». Et d’ajouter l’équipe : « l’usage continu de stimulants près du moment de la conception et pendant la grossesse expose le fœtus en développement à des risques additionnels ».

Pour contrer le problème de la syphilis chez les bébés, l’équipe de recherche a affirmé que « l’offre adéquate de contraceptifs, de barrières protectrices et d’éducation, ainsi que la création de procédés permettant de reconnaître et de traiter les troubles liés à l’usage de substances, sont alors de première importance pour les personnes sexuellement actives en âge de procréer ».

Héritage de politiques nuisibles

En réfléchissant à la situation des Autochtones au Canada, l’équipe de recherche a fait la déclaration suivante :

« Des disparités raciales étaient également présentes dans notre étude par rapport à l’usage de stimulants. Même si les personnes déclarant une appartenance aux Premières Nations ou aux communautés métisses ne constituent respectivement que 6,5 % et 2,9 % de la population de l’Alberta, elles représentaient 41,2 % et 10,3 % de tous les cas de syphilis infectieuse recensés durant la période à l’étude. De plus, nous avons constaté que les HARSAF qui se disaient issus des Premières Nations étaient plus susceptibles d’utiliser des stimulants que les personnes s’identifiant comme de race blanche. Les personnes issues des Premières Nations sont touchées de façon disproportionnée par les ITS. Les séquelles historiques du colonialisme ont créé des inégalités structurales et systémiques qui nuisent à la santé des Premières Nations du Canada. Celles-ci incluent, entre autres, le revenu plus faible, l’insécurité alimentaire et le manque de logement stable, ainsi que la surreprésentation dans les milieux correctionnels et en matière de violence conjugale, de violence sexuelle et d’utilisation de substances. Il ne fait pas de doute que ces différences profondes et systémiques contribuent à nos résultats, lesquels sont un symptôme connu de ces disparités ».

Les différents paliers de gouvernement (municipal, provincial et fédéral) doivent continuer de travailler avec les communautés autochtones pour résoudre les problèmes soulevés par cette équipe de recherche. Tant que ces problèmes structuraux ne seront pas réglés, de nombreuses personnes autochtones continueront de subir de manière disproportionnée les conséquences d’un mauvais état de santé et de bien-être.

Aide aux personnes qui utilisent des drogues

L’équipe de recherche a souligné que « les personnes qui utilisaient des drogues étaient plus susceptibles de signaler des expériences de stigmatisation et d’éprouver de la méfiance à l’égard du système de santé. S’ajoutent à cela la précarité du logement, la pauvreté, l’incarcération et d’autres facteurs sociaux qui peuvent contribuer à une baisse du recours aux soins de santé et à une réticence à nommer et à aider à retracer les contacts sexuels. Les personnes en situation d’itinérance affichent également des taux élevés de troubles liés à l’usage de substances, de maladies mentales et de risques à l’égard du VIH. La résolution de ces problèmes [interreliés] nécessitera une approche intégrée qui tienne compte des facteurs sociaux comme la précarité du logement, les maladies mentales, les dépendances et la santé sexuelle ».

À l’avenir

La présente étude revêt une grande importance, car elle fait le lien entre toute utilisation antérieure de stimulants et une augmentation du risque de syphilis dans la province de l’Alberta. Des études semblables sont nécessaires à travers le Canada pour explorer les liens entre la syphilis et les comportements à risque et pour reconnaître les possibilités d’intervention susceptibles d’alléger le fardeau que représentent cette maladie et les autres ITS. L’équipe de recherche souhaite la tenue d’études à l’avenir « pour mieux caractériser le modèle de soins optimal nécessaire pour intégrer les troubles liés à l’usage de substances, le traitement des ITS et les déterminants sociaux de la santé ».

—Sean R. Hosein

Ressources :

SyphilisGouvernement du Canada

Réagir à la syphilis au CanadaGouvernement du Canada

La Syphilis CongénitaleCentre de collaboration nationale des maladies infectieuses

SyphilisGouvernement du Québec

Syphilis OutbreakAlberta Health Services

SyphilisBritish Columbia Centre for Disease Control

Stratégies mondiales du secteur de la santéOrganisation mondiale de la Santé

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Références :

  1. Raval M, Gratrix J, Plitt S et al. Retrospective cohort study examining the correlates of reported lifetime stimulant use in persons diagnosed with infectious syphilis in Alberta, Canada, 2018 to 2019. Sexually Transmitted Diseases. 2022 Aug 1;49(8):551-559. 
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  7. Jennings JM, Tilchin C, Meza B et al. Overlapping transmission networks of early syphilis and/or newly HIV diagnosed gay, bisexual and other men who have sex with men (MSM): Opportunities for optimizing public health interventions. AIDS and Behavior. 2020 Oct;24(10):2895-2905.