- Des scientifiques ont étudié les maladies chroniques recensées chez plus de 28 000 personnes séropositives sur une décennie
- La probabilité d’être hospitalisé une ou deux fois diminuait au fil du temps chez les personnes sous TAR
- Les personnes hospitalisées avaient plus de comorbidités, telles l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie
Au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé, la grande accessibilité des traitements efficaces contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR) depuis 1996 a donné lieu à une amélioration de la santé de nombreuses personnes séropositives sous traitement qui suivent ce dernier comme il se doit. L’efficacité du TAR est tellement transformative que les scientifiques prévoient qu’un grand nombre de personnes sous traitement vivront jusqu’à un âge bien avancé.
Malgré les améliorations apportées sur le plan de l’espérance de vie, certaines études ont révélé que les personnes sous TAR étaient plus à risque d’être hospitalisées que les personnes séronégatives, même celles appartenant au même groupe d’âge. Pour explorer les facteurs contribuant à l’hospitalisation des personnes sous TAR, une équipe de recherche canadienne et américaine a regroupé des données anonymisées recueillies auprès de plus de 28 000 personnes séropositives, dont près de 7 000 avaient été hospitalisées. L’équipe a examiné les données afin de relever des tendances documentées entre 2008 et 2018.
L’équipe de recherche a constaté que, au fil des années, la proportion de personnes sous TAR qui avaient été hospitalisées une fois ou davantage avait diminué. Il n’empêche que les personnes hospitalisées avaient tendance à afficher des taux considérablement plus élevés des comorbidités suivantes :
- hypercholestérolémie
- hypertension artérielle
- diabète de type 2
- insuffisance rénale chronique
Notons que certaines personnes hospitalisées avaient deux, trois ou même quatre comorbidités. Pour décrire un tel cas, on utilise le terme multimorbidité.
L’équipe de recherche a souligné la nécessité pour le personnel des hôpitaux de « déployer des efforts pour veiller à ce que les problèmes de santé chronique soient pris en charge de manière adéquate » chez les personnes séropositives après leur sortie de l’hôpital.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche s’est concentrée sur 28 381 personnes qui recevaient des soins au cours de la période à l’étude. Environ 90 % des participant·e·s vivaient aux États-Unis.
Voici le profil moyen des participant·e·s lors de leur admission à l’étude :
- âge : 43 ans
- hommes cisgenres : 82 %; femmes cisgenres : 17 %; personnes transgenres : 1 %
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanc·he·s – 39 %; Noir·e·s – 32 %; Hispaniques – 17 %
- compte de CD4+ : 457 cellules/mm3
- proportion ayant une charge virale indétectable (moins de 200 copies/ml dans ce cas) : 54 %
- antécédents de maladies liées au sida : 13 %
Notons qu’un sous-groupe de 6 781 personnes ont été hospitalisées au cours de l’étude. Elles avaient des caractéristiques largement semblables à celles des personnes non hospitalisées.
Résultats
L’équipe de recherche a constaté les tendances suivantes chez les personnes hospitalisées durant la période à l’étude :
- La proportion de personnes qui s’injectaient des drogues est passée de 27 % à 18 %;
- La proportion de personnes porteuses du virus de l’hépatite C a diminué;
- La proportion de personnes porteuses du virus de l’hépatite B est restée stable;
- La moyenne d’âge des personnes hospitalisées est passée de 47 à 54 ans;
- Le compte de CD4+ moyen est passé de près de 300 cellules/mm3 à 463 cellules/mm3;
- La proportion de personnes ayant une charge virale indétectable sous l’effet d’un TAR est passée de 47 % à 79 %;
- La proportion de participant·e·s obèses est passée de 18 % à 26 %.
Comorbidités plus nombreuses
Selon l’équipe de recherche, les personnes séropositives hospitalisées portaient « un lourd fardeau de maladies non liées au sida ». De plus, l’équipe a constaté que la proportion de personnes présentant les maladies non liées au sida suivantes a augmenté au fil du temps : hypercholestérolémie, diabète de type 2 et insuffisance rénale chronique. Elle a également trouvé que 50 % des participant·e·s hospitalisé·e·s en 2018 présentaient une hypertension artérielle et prenaient des médicaments pour celle-ci. L’équipe n’a toutefois pas déterminé si ces médicaments ont résolu le problème.
L’équipe a également constaté que la proportion de personnes hospitalisées en situation de multimorbidité a augmenté au fil du temps.
L’augmentation des comorbidités chez les personnes hospitalisées au cours de l’étude a été plus grande que prévu, même en tenant compte de l’âge. Il est possible que l’inflammation excessive et l’activation immunitaire qui caractérisent l’infection chronique par le VIH aient joué un rôle dans l’apparition des comorbidités. Notons cependant que cette étude n’a pas été conçue pour aborder cette question.
À retenir
Selon l’équipe de recherche, ses résultats soulignent l’importance pour le personnel des hôpitaux de préparer les patient·e·s à recevoir des soins après avoir reçu leur congé. Les efforts nécessaires incluent la facilitation de l’accès aux soins de santé et aux médicaments indiqués pour le traitement des comorbidités.
Comme nous l’avons mentionné, cette équipe a constaté un taux d’hypertension artérielle de 50 % chez les personnes hospitalisées en 2018. Selon l’équipe, « une meilleure prise en charge des maladies chroniques en clinique externe pourrait prévenir des hospitalisations. À titre d’exemple, notons que la prévalence de l’hypertension artérielle, de l’hyperlipidémie, du diabète et de l’insuffisance rénale chronique était particulièrement élevée chez les personnes séropositives hospitalisées pour des maladies répondant mal à une mauvaise prise en charge des comorbidités ci-dessus, telles les maladies cardiovasculaires, rénales ou génito-urinaires ».
L’équipe de recherche a également souligné les taux d’obésité, lesquels ont augmenté au fil du temps. Selon l’équipe, il est possible que l’obésité « ait contribué à [certains cas d’] hospitalisation ».
Cette équipe de recherche a malheureusement été incapable de déterminer l’ampleur de la maîtrise des comorbidités (p. ex., est-ce que les participant·e·s recevaient des médicaments contre l’hypertension artérielle et, si oui, réussissaient-ils à réduire leur tension artérielle?). L’équipe ne disposait pas non plus de données socioéconomiques qui auraient pu avoir une incidence sur les taux d’hospitalisation. Étaient également absents de l’étude des renseignements sur d’éventuels problèmes de santé mentale ou d’usage de substances.
Multimorbidité
L’équipe de recherche a attiré l’attention sur la présence de comorbidités simultanées multiples, soit la multimorbidité, chez les personnes hospitalisées. Elle a trouvé que le taux de multimorbidité a augmenté au fil du temps. Notons à ce sujet que d’autres équipes avaient affirmé que le risque de multimorbidité augmentait avec l’âge chez les personnes séropositives. Voici les commentaires de l’équipe à ce propos : « Les profils cliniques complexes comportant de nombreuses maladies peuvent causer des complications [hospitalisation] et donner lieu à de pires résultats, y compris des séjours de plus longue durée et la réadmission. Des stratégies sont nécessaires pour améliorer les soins des personnes séropositives en situation de multimorbidité, notamment des soins coordonnés ou intégrés prodigués par une variété de spécialistes ».
À l’avenir
En analysant une grande base de données, cette équipe de recherche a fait un bon premier pas vers l’amélioration des soins donnés aux personnes vivant avec le VIH. Il est possible que des hospitalisations aient pu être évitées si certaines maladies chroniques – hypertension artérielle, hyperglycémie, hypercholestérolémie, etc. – avaient été bien prises en charge. D’autres études seront nécessaires pour déterminer dans quelle mesure ces maladies sont maîtrisées chez les patient·e·s hospitalisé·e·s. Les personnes qui éprouvent de la difficulté à prendre en charge leurs comorbidités devraient se faire conseiller par des infirmier·ère·s dans la communauté après l’hospitalisation afin de pouvoir surmonter les obstacles empêchant une bonne maîtrise des maladies chroniques.
—Sean R. Hosein
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