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  • Des chercheurs de l’État de New York ont analysé des données se rapportant à plus de 100 000 personnes séropositives
  • Parmi les personnes atteintes de COVID-19, l’hospitalisation était plus probable chez les personnes séropositives
  • Après l’hospitalisation, le risque de décès était semblable sans égard au statut VIH

L’infection par le SRAS-CoV-2 (syndrome respiratoire aigu sévère au coronavirus-2) peut causer des symptômes regroupés sous le nom de maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19. Chez certaines personnes, notamment celles souffrant d’affections médicales sous-jacentes — hypertension, taux de cholestérol anormaux, diabète, maladies pulmonaires, obésité et autres —, les symptômes de la COVID-19 peuvent être très graves et nécessiter l’hospitalisation.

Une équipe de chercheurs du département de santé de l’État de New York a analysé certaines données se rapportant à la santé de 108 062 personnes séropositives et de quelque 19 millions de personnes séronégatives. Les chercheurs n’ont pas constaté de différence significative entre ces deux groupes en ce qui concerne le taux d’infection par le SRAS-CoV-2. Chez les personnes séropositives, cependant, l’hospitalisation à la suite d’un diagnostic de COVID-19 était plus probable. Or, après l’hospitalisation, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes en ce qui a trait au risque de décès.

Les personnes séropositives de couleur qui contractaient le SRAS-CoV-2 étaient plus susceptibles de présenter des symptômes et d’être diagnostiquées que les personnes séropositives blanches, qui contractaient cette infection. Une fois le diagnostic de COVID-19 posé, il était plus probable que les personnes séropositives de couleur soient hospitalisées et, advenant l’hospitalisation, leur risque de décès n’était pas plus élevé que celui des personnes séropositives blanches.

Accent sur les personnes séropositives

L’équipe de recherche a évalué les facteurs qui avaient un impact sur les taux d’hospitalisation chez les personnes séropositives à la suite d’un diagnostic de COVID-19. Elle a constaté que le risque d’hospitalisation était généralement moins élevé chez les personnes de moins de 40 ans que chez celles âgées de 40 à 59 ans. Le risque d’hospitalisation était le plus élevé chez les personnes séropositives de 60 ans ou plus.

Les chercheurs ont documenté d’autres facteurs importants qui avaient un impact sur les taux d’hospitalisation chez les personnes séropositives atteintes de COVID-19, dont les suivants :

  • compte de cellules CD4+ : le risque d’hospitalisation augmentait chez les personnes comptant moins de 500 cellules CD4+/mm3
  • charge virale : le risque d’hospitalisation augmentait chez les personnes ayant une charge virale supérieure à 200 copies/ml
  • usage de drogues : le risque d’hospitalisation après un diagnostic de COVID-19 augmentait chez les personnes qui s’injectaient des drogues

À retenir

La présente étude repose sur l’analyse de données recueillies antérieurement aux fins de recherches différentes (il s’agit habituellement d’informations conservées dans la base de données administrative d’un hôpital ou d’un laboratoire). Les études rétrospectives de ce genre coûtent relativement peu à mettre sur pied et donnent des résultats plutôt rapidement. Les études rétrospectives peuvent toutefois donner lieu involontairement à des conclusions subjectives, leurs résultats doivent donc être interprétés avec prudence. À titre d’exemple, notons que cette équipe n’a pas fourni de données détaillées sur les diagnostics d’affections sous-jacentes des participants ou sur l’administration éventuelle de traitements contre celles-ci (une médication pour réduire la tension artérielle ou normaliser la glycémie ou les taux de cholestérol, par exemple). Il se peut que ce manque de données détaillées ait influencé l’interprétation des tendances dans cette étude. Quoi qu’il en soit, les études rétrospectives restent utiles dans la mesure où elles brossent un portrait général de ce qui se passe dans certaines populations, ce qui est pertinent durant une urgence de santé publique. De plus, les études rétrospectives comme celle-ci peuvent servir de fondation à des recherches futures qui, espérons-le, analyseront les dossiers médicaux des participants afin de scruter les facteurs de risque de COVID-19 et d’hospitalisation.

Détails de l’étude

Pour mener cette étude, les chercheurs de l’État de New York ont eu accès à des bases de données administratives. Notons que les bases de données de ce genre contiennent des informations moins détaillées que les dossiers médicaux des patients.

Accent sur le VIH

Les chercheurs ont comparé les données se rapportant à la santé de 108 062 personnes séronégatives, dont 2 988 avaient reçu un diagnostic de COVID-19. La moyenne d’âge de ces 2 988 personnes était de 54 ans, 71 % d’entre elles étaient des hommes et 29 %, des femmes. Aux fins de comparaison, les chercheurs ont utilisé les données recueillies auprès de 19 millions de personnes séronégatives vivant dans l’État de New York.

Facteurs de risque d’hospitalisation chez les personnes séropositives

Même si elles affichaient des taux d’infection au SRAS-CoV-2 largement semblables à celles des personnes séronégatives, les personnes séropositives étaient au moins deux fois plus susceptibles d’être hospitalisées à la suite d’un diagnostic de COVID-19. Ce risque accru d’hospitalisation s’observait sans égard au sexe, à l’âge ou à la région de l’État où elles vivaient. En tout, 896 personnes séropositives atteintes de COVID-19 ont été hospitalisées.

Âge

Parmi les personnes séropositives, le risque d’hospitalisation après un diagnostic de COVID-19 était le plus faible chez les moins de 40 ans. Le risque augmentait chez les personnes âgées de 40 à 59 ans et atteignait son sommet chez les 60 ans et plus. Notons que, de façon générale, un lien entre l’âge avancé et le risque d’hospitalisation pour la COVID-19 a été établi lors des études menées auprès de personnes séronégatives aussi.

Compte de cellules CD4+

En général, les personnes séropositives dont le compte de CD4+ était inférieur à 500 cellules/mm3 couraient un risque accru d’hospitalisation. Selon la tendance observée, plus le compte de CD4+ était faible, plus le risque augmentait. Parmi les personnes comptant moins de 500 cellules CD4+/mm3, le risque d’hospitalisation était le plus élevé chez celles dont le compte était inférieur à 200 cellules CD4+/mm3.

Selon les chercheurs, certaines personnes qui avaient un compte de CD4+ relativement élevé (500 cellules ou plus) ont également été hospitalisées à cause de la COVID-19. L’origine du risque accru d’hospitalisation chez ce sous-groupe de personnes n’est pas claire. Il est possible que des affections sous-jacentes aient augmenté le risque d’éprouver des symptômes graves de la COVID-19. Il se peut aussi que les personnes séropositives eussent reçu trop récemment leur diagnostic du VIH pour avoir commencé un traitement antirétroviral (TAR) avant l’apparition de la COVID-19.

Rappelons que l’infection au VIH est associée à l’inflammation chronique et à l’activation excessive du système immunitaire. Cette inflammation ne diminue que partiellement sous l’effet du TAR. L’inflammation chronique et l’activation immunologique excessive persistante peuvent augmenter le risque d’affections sous-jacentes (comorbidités) et jouer ainsi un rôle dans l’affaiblissement du système immunitaire.

Parmi les trouvailles intéressantes de cette étude, il importe de souligner l’association entre les résultats de laboratoire défavorables, soit l’absence de suppression virale et/ou un faible compte de CD4+, et l’augmentation du risque d’hospitalisation. Il est probable que les personnes qui recevaient de mauvais résultats de laboratoire avaient déjà un état de santé plus faible qui les laissait vulnérables à la COVID-19 après l’infection par le SRAS-CoV-2. Puisque les chercheurs n’avaient pas accès aux dossiers médicaux détaillés des patients, les raisons des résultats de laboratoire défavorables en lien avec le VIH ne sont pas claires.

Injection de drogues

Selon l’équipe de recherche, les personnes séropositives qui s’injectaient des drogues affichaient des taux d’hospitalisation plus élevés que leurs pairs séropositifs qui n’utilisaient pas de drogues injectables.

Décès

Durant cette étude, 207 personnes séropositives sont décédées des suites de la COVID-19 à l’hôpital. Les chercheurs ont consulté leurs données de l’année précédente – soit celles de mars à la mi-juin 2019, avant que la pandémie ne commence – et ont déterminé que 490 personnes séropositives étaient décédées. Ainsi, selon les chercheurs, si le même nombre de décès non liés à la COVID-19 de cette période de trois mois et demi s’était reproduit en 2020, la COVID-19 aurait été à l’origine de « 42 % de décès additionnels par rapport au nombre prévu pour cette même période en 2020 ». Les chercheurs ont toutefois affirmé que « des analyses poussées seraient nécessaires pour affiner cette estimation ».

Les personnes séropositives noires ou hispaniques étaient plus susceptibles de faire l’objet d’un diagnostic de COVID-19 que leurs semblables blanches. Cependant, l’hospitalisation après un diagnostic de COVID-19 et le risque de décès après l’hospitalisation n’étaient pas plus élevés chez les personnes de couleur.

Au-delà des bases de données administratives

Comme nous l’avons déjà mentionné, nous parlons ici d’une étude rétrospective fondée principalement sur des bases de données administratives. L’étude aurait été plus intéressante si les chercheurs avaient pu extraire des données détaillées du dossier médical de chaque participant. Rappelons par exemple que de nombreuses personnes séropositives souffrent de comorbidités ou présentent un risque de plusieurs maladies, y compris des maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension artérielle et l’obésité. Il aurait été très utile d’avoir des données sur le diagnostic éventuel de ces affections, sur les médications prescrites et suivies et sur la réponse des comorbidités aux traitements. Grâce à de telles informations, on aurait peut-être découvert un lien entre la prise en charge des comorbidités et un risque réduit de COVID-19, ce qui aurait été utile aux professionnels de la santé et aux personnes vivant avec le VIH.

Hélas, dans le chaos créé par la crise de santé publique continue qu’est la COVID-19, il n’est pas facile de réunir les fonds nécessaires pour mener des études prospectives ou longitudinales d’envergure, quelque urgentes qu’elles soient. Les chercheurs doivent donc faire de leur mieux avec les ressources à leur portée, même si elles ne sont pas toujours idéales.

Malgré quelques réserves, la présente étude est utile parce qu’elle brosse un portrait général de ce qui se passait chez les personnes séropositives durant la première vague de la pandémie dans l’État de New York. Les résultats serviront aux efforts destinés à surveiller les soins et le traitement des personnes séropositives qui contractent la COVID-19. Espérons que des études futures détermineront pourquoi certaines personnes séropositives n’atteignent pas la suppression virale ou la normalisation du compte de cellules CD4+. Dans de tels cas, les personnes touchées pourraient avoir besoin d’aide pour atteindre les objectifs de leur traitement du VIH, afin que leur santé soit optimisée et que leur risque d’hospitalisation pour la COVID-19 diminue.

—Sean R. Hosein

Ressources

VIH et COVID-19 – TraitementActualités 238

Prise en charge de votre santé durant la pandémie de COVID-19 : renseignements pour les personnes vivant avec le VIH – CATIE

Maladie à coronavirus (COVID-19) : Mise à jour sur l’éclosion – Santé Canada

RÉFÉRENCES :

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