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  • De nombreuses personnes utilisant des drogues ont succombé à une surdose en raison de l’approvisionnement en drogues contaminées
  • Une équipe de recherche a évalué un programme pilote qui offrait des logements avec services de soutien, la supervision de l’utilisation de drogues et d’autres services
  • La combinaison de ces services a eu un impact positif sur la santé des personnes qui utilisaient des drogues qui y avaient recours

Au cours des huit dernières années, la propagation de la contamination des drogues de la rue a entraîné une augmentation fulgurante et continue des surdoses, dont un grand nombre ont été mortelles.

Un organisme communautaire du nom d’Ottawa Inner City Health fournit des services liés aux soins de santé, au logement et aux besoins psychosociaux des personnes en situation d’itinérance.

En 2017, l’organisme a établi un programme pilote dont un volet consistait en la supervision de l’utilisation d’opioïdes par injection et par voie orale, pour lequel on avait recours à l’hydromorphone (Dilaudid). Le programme offrait également des logements avec services de soutien et d’autres services.

Des équipes de recherche de l’Université d’Ottawa et d’autres universités canadiennes et américaines ont évalué la santé des personnes inscrites dans le programme pilote durant la première année, ainsi que divers autres résultats.

Le programme a inscrit 26 participant·e·s qui avaient tous et toutes des antécédents de troubles d’utilisation d’opioïdes graves et de problèmes de santé mentale chroniques. De plus, de nombreuses personnes utilisaient d’autres substances aussi, notamment l’alcool et des stimulants.

Aucune personne n’a fait de surdose ni n’est décédée pendant sa participation au programme. Une année après l’admission des participant·e·s, l’équipe de recherche a constaté les résultats suivants :

  • baisse significative de l’usage d’opioïdes non prescrits
  • orientation de 96 % des participant·e·s vers des services de soutien psychologique
  • 31 % des participant·e·s ont trouvé un emploi ou commencé un programme de formation ou d’éducation

Après la première année, 77 % des participant·e·s sont resté·e·s dans le programme.

Cette étude a permis de constater des effets positifs sur la santé des personnes aux prises avec un grave trouble d’utilisation d’opioïdes lorsque leurs drogues étaient distribuées et utilisées sous supervision et lorsqu’elles bénéficiaient d’un logement avec services de soutien et de soins additionnels.

Détails de l’étude

Pour être admissibles au programme, les personnes intéressées devaient répondre aux critères suivants :

  • grave trouble d’utilisation d’opioïdes
  • utilisation antérieure de médicaments sur ordonnance comme traitement de substitution aux opioïdes, tels que la buprénorphine ou la méthadone ou la morphine orale à libération lente
  • injection active d’opioïdes non prescrits
  • situation d’itinérance

Les 26 personnes recrutées avaient le profil moyen suivant lors de leur admission au programme :

  • âge : 36 ans
  • 46 % d’hommes, 54 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blanc·he·s – 85 %; Autochtones – 12 %
  • 96 % avaient un trouble d’utilisation de stimulants
  • 31 % avaient un trouble de consommation d’alcool
  • 73 % avaient éprouvé des complications découlant de l’injection de drogues
  • 92 % avaient l’infection au virus de l’hépatite C (VHC)
  • 31 % avaient l’infection au VIH

Résultats

Conformément au plan initial, la dose des opioïdes prescrits a été augmentée graduellement au fil du temps.

Selon l’équipe de recherche, « la plupart des participant·e·s ont commencé par l’hydromorphone à libération prolongée plutôt que par la morphine orale à libération lente ».

Toujours selon l’équipe, un participant « s’est fait prescrire de l’hydromorphone orale seulement et a choisi d’écraser et d’injecter ses comprimés sous observation, plutôt que de les prendre par la bouche ou d’utiliser la forme injectable d’hydromorphone offerte ».

Survie

Aucune personne n’est décédée pendant sa participation au programme, mais deux personnes sont mortes deux semaines après l’avoir quitté. La plupart des participant·e·s (près de 60 %) qui ont quitté le programme n’ont pas fait de surdose dans les 12 mois suivant leur départ. Selon l’équipe de recherche, si l’on compare les données sur les surdoses survenues à Ottawa l’année précédant l’étude, cette réduction du nombre de surdoses durant le programme pilote est significative.

Changements dans l’utilisation d’opioïdes non prescrits et d’autres drogues

Au cours de l’étude, le pourcentage de personnes utilisant des opioïdes non prescrits a diminué jusqu’à 55 % (au 12e mois). L’équipe n’a toutefois pas constaté de réduction parallèle de l’utilisation de stimulants. Ce dernier résultat n’a rien de surprenant, car d’autres études ont révélé des tendances semblables chez des personnes utilisant à la fois des opioïdes et des stimulants.

Prévention et traitement des infections virales chroniques

En plus de fournir des opioïdes sur ordonnance et un logement avec services de soutien, le programme dirigeait les participant·e·s vers d’autres services afin de veiller aux autres aspects de leur santé et de leur bien-être. À titre d’exemple, notons que la plupart des personnes séropositives (sept sur huit) ont pu commencer ou recommencer un traitement contre le VIH.

Trois autres personnes ont reçu une prophylaxie post-exposition (PPE) pour empêcher l’infection par le VIH de passer au stade chronique.

Vingt-quatre personnes atteintes du virus de l’hépatite C (VHC) ont commencé ce programme. Personne d’autre n’a contracté ce virus pendant sa participation au programme. Six personnes atteintes du VHC ont commencé un traitement contre ce virus.

Traitement des troubles de santé mentale

L’équipe de recherche a affirmé que 88 % des participant·e·s ont commencé (ou recommencé) un traitement pour un trouble de santé mentale, et 65 % d’entre eux et elles ont été dirigé·e·s vers des services de soutien psychologique.

Autres résultats

Selon l’équipe de recherche, après avoir stabilisé leur santé et leur vie en s’inscrivant au programme, 42 % des participant·e·s « se sont réconcilié·e·s avec leur famille, et 31 % ont commencé un programme de travail, de bénévolat ou de formation ».

À l’avenir

Les résultats de cette étude font écho aux données d’autres études publiées où l’on avait évalué des programmes de traitement de l’usage de substances et des programmes de réduction des méfaits. À certains égards, les résultats se rapportant à la rétention dans les soins sont plus favorables dans ce cas grâce à la combinaison de services offerte, soit le logement, le traitement de l’usage de substances et d’autres.

Malgré ces résultats prometteurs, il reste beaucoup de travail à faire pour réduire les méfaits associés à l’usage de drogues. L’équipe de recherche a encouragé d’autres programmes de traitement de l’usage de substances supervisés à « envisager l’intégration d’approches fondées sur des données probantes pour le traitement des troubles d’utilisation de stimulants ».

L’équipe de recherche a constaté que la prescription d’opioïdes s’avérait sûre et efficace dans ce contexte caractérisé par l’offre de soins complets, d’un logement avec services de soutien et d’autres services. Elle avait ceci à dire à ce propos :

« Face à la crise des surdoses qui ne cesse de s’aggraver partout dans le monde et surtout en Amérique du Nord, les pays dont les lois interdisent l’offre de traitements par agonistes opioïdes injectables devraient adopter d’urgence des mesures pour libéraliser les options de traitement contre les troubles d’utilisation d’opioïdes ».

L’équipe a ajouté finalement que « les autres changements de politiques nécessaires pour faciliter l’accès au Canada incluent l’extension de l’accessibilité des formulations d’hydromorphone à haute concentration et la couverture des traitements par les régimes d’assurance médicaments provinciaux. De plus, l’approche centrée sur le ʺlogement d’abordʺ [du programme d’Ottawa] démontre la pertinence d’associer le logement avec le traitement de l’usage de substances et d’autres services globaux […] les décideurs et décideuses politiques devraient prioriser la multiplication des modèles centrés sur le logement d’abord et l’offre de services de prévention, tels les espaces de consommation supervisée intégrés ou les programmes de traitement par opioïdes injectables ».

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Harris MT, Seliga RK, Fairbairn N et al. Outcomes of Ottawa, Canada’s Managed Opioid Program (MOP) where supervised injectable hydromorphone was paired with assisted housing. International Journal of Drug Policy. 2021 Dec; 98:103400. 
  2. Fischer B, O’Keefe-Markman C, Lee AM et al. ‘Resurgent,’ ‘twin’ or ‘silent’ epidemic? A select data overview and observations on increasing psycho-stimulant use and harms in North America. Substance Abuse Treatment, Prevention, and Policy. 2021 Feb 15;16(1):17. 
  3. Imtiaz S, Shield KD, Fischer B et al. Recent changes in trends of opioid overdose deaths in North America. Substance Abuse Treatment, Prevention, and Policy. 2020 Aug 31;15(1):66.