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  • Une étude britanno-colombienne a mesuré l’effet des traitements par antiviraux à action directe (AAD) sur la mortalité
  • On a constaté un lien significatif entre la guérison de l’hépatite C par AAD et une réduction du risque de mortalité toutes causes confondues
  • Plus précisément, la baisse de la mortalité liée aux drogues illustre les bienfaits de l’intégration des services

Les antiviraux à action directe (AAD) sont des médicaments très efficaces et sûrs qui guérissent l’hépatite C. L’émergence des AAD a fait évoluer le traitement de l’hépatite C. Grâce à ces agents, les résultats cliniques se sont améliorés pour les personnes vivant avec l’infection, et l’élimination de l’hépatite C comme menace pour la santé publique est devenue une vraie possibilité. Même si les études cliniques ont révélé l’efficacité des AAD quant à la réduction des risques de décès et de cancer du foie, on en sait moins sur l’impact que l’arrivée des AAD a eu sur la santé de la population générale.

Détails de l’étude

Une équipe de recherche du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) a examiné l’incidence des AAD sur les causes de mortalité chez des personnes atteintes d’hépatite C chronique. Cette étude est la première à avoir évalué l’impact des AAD sur des causes de décès précises (p. ex. causes hépatiques et causes liées aux drogues) auprès d’une cohorte représentative de la population. À cet égard, il importe de souligner que les études antérieures n’avaient pas exploré l’incidence des AAD sur la mortalité liée à l’usage de drogues, laquelle, selon l’équipe de recherche, revêt une pertinence critique pour les personnes atteintes d’hépatite C vivant au Canada et dans d’autres pays où la crise des surdoses et de l’intoxication des drogues ne cesse de s’aggraver.

Cette étude tire ses données d’une cohorte représentative de la population appelée British Columbia Hepatitis Testers Cohort (BC-HTC). Cette dernière est une grande base de données dont le contenu provient de diverses sources : rapports cliniques, études de cas, résultats de tests et données administratives. La base de données inclut les résultats de plus de 95 % des tests de dépistage de l’hépatite C effectués au laboratoire de santé publique de la province, ainsi que les données se rapportant à tous les traitements de l’hépatite C et à tous les décès attribuables à celle-ci documentés dans des systèmes centralisés. La BC-HTC abrite des données recueillies depuis 1990 auprès d’environ 1,7 million de personnes.

L’équipe de recherche a comparé les données de 10 855 personnes traitées par AAD à celles de 10 855 personnes non traitées appariées aux personnes traitées sur plusieurs plans, dont la date de diagnostic de l’hépatite C, le sexe, l’âge et la présence de cirrhose et d’autres affections médicales. De toutes les personnes traitées, 10 426 (environ 96 %) ont guéri, et 425 n’ont pas guéri.

L’équipe a comparé les taux de mortalité de trois groupes :

  • personnes traitées par AAD et guéries (obtention d’une réponse virologique soutenue ou RVS)
  • personnes traitées par AAD mais non guéries (absence de RVS)
  • personnes non traitées

Résultats

En ce qui concerne les personnes guéries de l’hépatite C grâce aux AAD, l’étude a révélé une baisse importante du risque de mortalité toutes causes confondues, ainsi que du risque de mortalité liée à des causes hépatiques et à des causes liées à l’usage de drogues.

Une comparaison des personnes guéries par AAD et des personnes n’ayant pas reçu de traitement a révélé ce qui suit :

  • réduction de 81 % du risque de mortalité toutes causes confondues
  • réduction de 78 % du risque de mortalité liée à des causes hépatiques
  • réduction de 74 % du risque de mortalité liée à l’usage de drogues

L’équipe de recherche a également exploré des facteurs associés à une augmentation du risque de mortalité liée à des causes précises :

  • Mortalité liée à des causes hépatiques : Les facteurs associés à un risque accru de mortalité liée à des causes hépatiques incluaient la cirrhose et un âge plus avancé (40 ans ou plus).
  • Mortalité liée à l’usage de drogues : L’usage de drogues par injection s’est révélé le facteur le plus important en ce qui avait trait à la mortalité liée aux drogues. Les autres facteurs incluaient un âge plus jeune, la consommation problématique d’alcool et la présence d’une co-infection par le VIH et/ou l’hépatite B.

Implications pour l’avenir

Les résultats de cette étude sont encourageants. Ils révèlent que le fait d’avoir accès aux traitements par AAD et de guérir de l’hépatite C peut réduire significativement le risque de mortalité global et le risque de mortalité liée à des causes précises. Ces résultats ont une pertinence particulière pour deux groupes prioritaires au Canada chez lesquels la prévalence et l’incidence de l’infection à l’hépatite C sont particulièrement élevées.

Le risque de mourir d’une cause hépatique est plus élevé chez les adultes âgés et les personnes atteintes de cirrhose

L’hépatite C est un virus qui provoque des lésions dans le foie au fil du temps. Le virus peut vivre dans le corps pendant des décennies sans que la personne atteinte en éprouve des symptômes ou se sente malade. Avec le temps, les lésions hépatiques peuvent évoluer en cirrhose, en insuffisance hépatique et en cancer. Au Canada, le fardeau de morbidité de l’hépatite C est associé à la mortalité liée aux causes hépatiques.

La prévalence de l’hépatite C est élevée au Canada chez les personnes nées entre 1945 et 1975, lesquelles constituent entre 66 % et 75 % des personnes atteintes de l’infection au pays, selon les estimations. En toute probabilité, les membres de ce groupe ont contracté l’infection il y a de nombreuses années et font maintenant l’objet de diagnostics de maladies graves touchant le foie, comme la cirrhose, l’insuffisance hépatique ou le cancer.

Cette équipe de recherche a révélé que la guérison de l’hépatite C par AAD est associée à une réduction du risque de mortalité toutes causes confondues, ce qui inclut les causes hépatiques. Notons cependant que la réduction du risque de mortalité liée aux causes hépatiques était plus faible chez les personnes de plus de 40 ans et chez les personnes atteintes de cirrhose. Cela met en évidence la nécessité urgente d’accroître les taux de dépistage et de traitement chez les personnes appartenant à ce groupe d’âge avant que la cirrhose ne puisse se déclarer, afin d’optimiser les bienfaits de la guérison obtenue grâce aux AAD.

Le risque de mortalité liée à l’usage de drogues augmente chez les personnes qui s’injectent

Au Canada, la plupart des nouvelles infections par l’hépatite C se produisent chez des personnes qui s’injectent des drogues. Or, l’hépatite C n’est pas la seule difficulté à laquelle cette population fait face. Le risque d’infections transmissibles par le sang (dont l’hépatite C et le VIH) qui est associé à l’injection de drogues est exacerbé par la crise de l’intoxication des drogues et des surdoses qui continue de sévir au Canada. Contrairement aux personnes plus âgées qui vivent peut-être avec l’hépatite C depuis longtemps, les jeunes qui s’injectent des drogues risquent davantage de mourir de causes liées à l’usage de drogues que de causes hépatiques. Comme l’a souligné l’équipe de recherche, l’impact des AAD sur la mortalité liée à l’usage de drogues n’a jamais été étudié. Un âge plus jeune, l’usage de drogues par injection et la consommation problématique d’alcool ont été associés à un risque plus élevé de mortalité liée à l’usage de drogues. Cependant, du côté positif, cette étude a révélé que le fait de suivre un traitement et de guérir de l’hépatite C réduisait ce risque. Cela souligne l’importance d’intégrer les services destinés aux personnes qui utilisent des drogues, notamment en ce qui concerne la réduction des méfaits, le traitement des dépendances, les soins liés à l’hépatite C et les services de soutien social, afin d’améliorer le bien-être général et la survie de cette population.

­Les données se rapportant aux bienfaits de la guérison par AAD peuvent être utilisées pour améliorer la santé des personnes qui utilisent des drogues. Selon l’équipe de recherche, d’autres études seront nécessaires pour mieux éclairer les facteurs contribuant à la réduction du risque de mortalité liée à l’usage de drogues afin qu’ils puissent être mis à profit pour améliorer les résultats cliniques des personnes qui utilisent des drogues et optimiser les bienfaits de la guérison de l’hépatite C. Notons finalement que les objectifs actuels en matière d’élimination de l’hépatite C sont mesurés et surveillés en fonction de cibles fixes. Cela inclut la surveillance de la baisse de la mortalité liée aux causes hépatiques chez les personnes atteintes d’hépatite C. Comme les résultats de cette étude laissent croire que les AAD réduisent également les risques de décès liés à d’autres causes, d’autres cibles s devraient être ajoutées afin de pouvoir surveiller les améliorations dans ces autres domaines, ainsi que les progrès accomplis quant à l’atteinte des objectifs futurs se rapportant à l’élimination de l’hépatite C.

—Shannon Elliot

Ressources

The British Columbia Hepatitis Testers Cohort

Modèle directeur pour guider les efforts de l’élimination de l’hépatite C au Canada

RÉFÉRENCES :

  1. Janjua NZ, Wong S, Abdia Y, et al. Impact of direct-acting antivirals for HCV on mortality in a large population-based cohort study. Journal of Hepatology. 2021 Nov;75(5):1049-1057.
  2. Samji H, Yu A, Wong S, et al. Drug-related deaths in a population-level cohort of people living with and without hepatitis C virus in British Columbia, Canada. International Journal of Drug Policy. 2020 Oct 19;86:102989.
  3. Bartlett SR, Wong S, Yu A, et al. The impact of current opioid agonist therapy on hepatitis C virus treatment initiation among people who use drugs from in the DAA era: A population-based study. Clinical Infectious Diseases. 2021; sous presse.