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Le sarcome de Kaposi (SK)

Sommaire

Un virus qui est relativement fréquent chez les hommes gais et bisexuels, appelé HHV-8 (herpèsvirus human-8) ou herpèsvirus KS (KSHV), peut provoquer le sarcome de Kaposi (SK).

Le sarcome de Kaposi (SK) est un type de cancer. Il se manifeste sous forme de lésions (plaques anormales ou taches étendues) sur la peau ou à l’intérieur du corps. Le SK est relativement courant parmi les hommes séropositifs qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) et il peut parfois toucher les hommes séronégatifs. Au Canada ainsi que dans les autres pays à revenu élevé, le SK est rare chez les femmes (quel que soit leur statut sérologique).

Parmi les hommes séronégatifs qui sont par ailleurs en bonne santé, le SK peut se manifester sous la forme de quelques lésions cutanées isolées. Dans de tels cas, le SK tend à évoluer lentement et n’est généralement pas agressif.

Parmi les hommes séropositifs, le SK peut causer des problèmes graves et parfois mortels, car non seulement il peut affecter la peau, mais il peut se développer à l’intérieur du corps et nuire à la santé des organes internes. Heureusement, une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (traitement antirétroviral ou TAR) contribue à relancer le système immunitaire et dans de nombreux cas, cela est suffisant pour faire en sorte que, graduellement, les lésions du SK vont rétrécir, s’estomper et disparaître. Dans certains cas, malgré l’amorce d’une TAR, il est possible que les lésions du SK ne commencent pas immédiatement à s’estomper ou, dans d’autres cas, lorsque le SK affecte les organes internes, que votre médecin ou spécialiste puisse recommander un traitement supplémentaire.

On a également fait état de rares cas de lésions cutanées de SK se manifestant chez des hommes séropositifs sous TAR, dont le compte de CD4 est élevé et dont la charge virale est indétectable. Dans de tels cas, le SK n’est généralement pas agressif.

Le HHV-8 peut également être associé à une complication inflammatoire générale appelée la maladie de Castleman multicentrique (MCM ou, plus simplement, la maladie de Castleman). De nos jours, les rapports donnent à penser que les cas de MCM semblent augmenter lentement chez les hommes séropositifs.

Quelles sont les causes du SK?

Le SK est causé par un virus herpétique, soit l’herpèsvirus humain 8 (HVH-8) ou l’herpèsvirus responsable du sarcome de Kaposi (KSHV). Ce virus est relativement répandu parmi les HARSAH. Selon des enquêtes réalisées aux États-Unis et en Europe occidentale, on estime qu’environ 25 % des HARSAH séronégatifs ont ce virus. Chez les HARSAH séropositifs au VIH, le HHV-8 est plus fréquent, certaines enquêtes évaluant à 38 % la prévalence de la co-infection par le HHV-8.

Le fait d’avoir le HHV-8 ne signifie généralement pas pour autant qu’on va développer le SK. La santé du système immunitaire joue un rôle majeur dans la maîtrise du HHV-8 au point que, chez la plupart des personnes, le SK va demeurer à l’état dormant ou latent à l’intérieur des cellules. Lorsque le système immunitaire est affaibli (comme dans le cas de l’infection à VIH non traitée, ou chez les personnes qui ont un organe transplanté ou qui reçoivent de fortes doses de corticostéroïdes), les lésions du SK peuvent parfois se manifester.

Comment le HHV-8 se propage-t-il?

Les scientifiques ne comprennent pas tout ce qui concerne le HHV-8. Cependant, la recherche suggère fortement que HHV-8 semble se propager par la salive. C’est pourquoi baisers profonds, sexe oral ou utilisation de salive comme lubrifiant pour le sexe anal entre hommes sont autant de pratiques susceptibles de contribuer à la propagation de ce virus.

On recense aussi des cas de propagation du HHV-8 par le biais de transfusions de sang contaminé. De plus, dans le passé, l’administration de facteurs de coagulation contaminés, notamment utilisés par des hémophiles, a donné lieu à de telles transmissions du virus.

Les différents profils du SK

Les scientifiques ont identifié quatre profils généraux ou types de SK comme suit :

  • Le SK classique – le SK de ce type tend à affecter les hommes âgés par ailleurs en bonne santé qui vivent dans la région méditerranéenne ou sont originaires de cette région. De façon générale, l’évolution de ce genre de lésion est lente et se limite à la peau.
  • Le SK endémique – ce type de SK se rencontre chez les jeunes hommes et femmes vivant dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne. Cette forme de SK est particulièrement agressive, même chez les personnes séronégatives au VIH.
  • Le SK lié au VIH – Il s’agit du type de SK associé à l’épidémie du VIH. Cependant, dans les cas où l’infection par le VIH n’est pas traitée, le SK risque de dégénérer en maladie agressive et mortelle.
  • Le SK d’origine médicamenteuse – ce type de SK peut se manifester chez les gens qui ont reçu une transplantation d’organe ou de tissu et qui doivent prendre des médicaments pour affaiblir ou atténuer leur système immunitaire.

Les lésions du SK

Le SK est une forme de cancer qui affecte le plus souvent la peau. Le HHV-8 donne lieu à une transformation des cellules infectées qui entraîne la formation d’un riche réseau de vaisseaux sanguins. Au niveau de la peau, le SK cause des lésions. Ces lésions occasionnent des taches sur la peau qui ressemblent à des ecchymoses (bleus). Le SK apparaît le plus fréquemment sur les pieds et les jambes. Le SK peut aussi se former sur les muqueuses internes du corps, comme la paroi interne de la bouche ou du nez, sur les ganglions lymphatiques ou sur les organes internes comme les intestins, les poumons, le foie ou l’estomac. Contrairement à d’autres types de cancer qui se développent d’abord dans une partie du corps puis se propagent, le SK peut apparaître en même temps dans plusieurs parties du corps.

Qui est vulnérable au SK?

Le système immunitaire a tendance à garder le HHV-8 sous contrôle. Toutefois, le système immunitaire perd de son efficacité avec l’âge et c’est peut-être là une raison pour laquelle certains hommes plus âgés sont vulnérables au SK. Le SK peut par ailleurs se manifester chez les personnes vivant avec le VIH comme chez celles qui prennent des médicaments qui ont pour effet d’affaiblir ou d'atténuer le système immunitaire (comme les personnes ayant reçu une transplantation d’organe ou celles aux prises avec de graves troubles inflammatoires apparentés).

On a fait état de cas de SK diagnostiqués chez des personnes dont le VIH était sous contrôle. Toutefois, ces cas sont rares et chez les personnes dont le système immunitaire est plus robuste, la maladie a tendance à être plus bénigne au point de ne pas menacer gravement la santé.

Des cas de SK sont survenus chez des personnes séropositives dans les six mois suivant l’amorce de leur TAR. Cela devait sans doute se produire, car avant l’amorce deu TAR, le système immunitaire affaibli de ces personnes ne pouvait détecter le HHV-8 ou développer une réponse en réaction à la présence du HHV-8 ou de lésions mineures de SK. Une fois que le TAR est amorcé, le système immunitaire se fortifie et, de ce fait, il commence à réagir à la présence de microbes, lésions ou tumeurs qu’il n’avait précédemment pas reconnus ou contre lesquels il ne s’était pas attaqué. Ces lésions devraient en fin de compte rétrécir et s’estomper.

Symptômes

Le SK cause des lésions au niveau de la peau :

  • pouvant revêtir un large éventail de couleurs, allant du rose au rouge et au pourpre sur les peaux claires, et du pourpre foncé au brun et au noir sur les peaux foncées
  • dont le diamètre peut varier de quelques millimètres à plusieurs centimètres
  • pouvant être surélevées ou plates
  • généralement indolores et qui ne démangent pas

Au début, ces lésions sont souvent petites et ne posent aucun problème, mis à part leur apparence. Certaines lésions du SK changent très peu d’un mois à l’autre, alors que d’autres s’étalent, deviennent surélevées ou bosselées. Les lésions sur les pieds et les jambes peuvent même rendre la marche difficile.

Au niveau de la bouche, le SK peut rendre difficile l’action de manger, d’avaler ou de parler. Toutefois, dans certains cas, il y a absence de tout symptôme.

Bien que le SK au niveau du système digestif ne cause généralement pas de symptômes, dans certains cas, il peut être douloureux, provoquant saignements et blocages.

Le SK au niveau des ganglions lymphatiques peut entraîner l’enflure des membres, du visage et du scrotum.

Dans les poumons, le SK est susceptible de provoquer une accumulation de liquides, occasionnant la toux et rendant la respiration difficile.

Diagnostic

Certains médecins vont poser un diagnostic de SK après un simple examen corporel des lésions observées sur la peau. Les lésions cutanées du SK tendent à être aplaties, et contrairement à une ecchymose, elles ne se décolorent pas à la pression du doigt. Seule une biopsie de la peau permet de confirmer le diagnostic. Une telle biopsie consiste à prélever un petit fragment de tissu lequel est envoyé à un laboratoire pour examen au microscope.

Pour établir un diagnostic de SK au niveau des organes internes, il faut recourir à un mince tube flexible, doté d’un dispositif optique permettant au médecin d’examiner les organes. Ce tube est introduit dans l’œsophage, puis dans l’estomac et l’intestin grêle (cet examen est appelé endoscopie), ou encore, dans le rectum et le côlon (colonoscopie), ou dans la trachée et les poumons (bronchoscopie). Au cours d’un tel examen, il se peut que des échantillons de tissus soient prélevés aux fins d’analyse. Au niveau du rectum, il est parfois possible de détecter le SK au moyen d’un examen par voie rectale. Pour ce faire, le médecin insère un doigt ganté dans le rectum à la recherche d’éventuelles anomalies ou irrégularités palpables. Afin de poser un diagnostic de SK au niveau des poumons, il faut effectuer des radiographies pulmonaires.

Il existe des tests qui peuvent détecter et mesurer la quantité de HHV-8 dans le sang. Toutefois, ces tests ne sont pas standardisés; une étude regroupant plus de 700 personnes a révélé que ces tests fournissent peu de données valables. En outre, l’utilisation de ces tests est limitée à un programme de recherche.

Traitement

Une fois qu’une personne a reçu un diagnostic de SK, elle devrait commencer immédiatement un TAR, dès que possible, si elle ne suit pas déjà ce traitement, car cela va contribuer à améliorer le système immunitaire. À mesure que le système immunitaire se renforce, il va faire en sorte que les lésions de SK vont progressivement s’estomper et se rétrécir. Si les lésions sont nombreuses, il est possible qu’elles finissent toutes par disparaître au bout de six à 12 mois. Dans l’éventualité où les lésions sont peu nombreuses, celles-ci vont disparaître plus rapidement grâce au TAR. Si le TAR ne fait pas régresser rapidement les lésions du SK, elle va en toute probabilité favoriser l’amélioration des symptômes liés aux lésions.

Dans les cas où les lésions du SK persisteraient malgré le TAR suivi, votre médecin pourrait vous recommander un dermatologue (un médecin qui soigne les maladies de la peau) ou un oncologue (un médecin qui traite les cancers) afin que vous puissiez discuter des autres options possibles.

Il existe également divers autres traitements auxquels recourir dans le cas du SK. La nécessité de suivre un traitement et le type de traitement requis dépendent de l’emplacement et de la taille des lésions ainsi que de l’ampleur de la maladie. Un dermatologue ou un oncologue pourra vous en dire plus sur les options de traitement possibles.

Dans les cas de SK au niveau de la peau, le traitement comprend des gels et crèmes médicamentés, une intervention chirurgicale, une radiothérapie et d’autres méthodes pour enlever les lésions. Si les lésions cutanées sont très étendues, votre médecin pourra vous prescrire des médicaments anticancéreux (chimiothérapie) en plus des médicaments anti-VIH. Si les lésions sont petites et peu nombreuses, vous pourriez ne pas avoir besoin de traitement supplémentaire.

Le SK affectant les organes internes peut être traité par chimiothérapie en complément du TAR.

Effets secondaires des traitements

Traitements locaux

Les traitements locaux, ou traitements ciblés pour soigner une zone particulière (par opposition aux traitements systémiques ou généraux), peuvent provoquer irritations, rougeurs, enflures et malaises passagers au site du traitement. Certains traitements locaux peuvent rendre l’endroit où la lésion se situait plus clair ou plus foncé que le reste de la peau. Votre spécialiste pourra vous en dire plus sur les effets secondaires possibles.

Traitements systémiques ou généraux

Un traitement qui vise votre corps tout entier plutôt que seulement une ou deux zones ciblées est ce qu’on entend par traitement systémique ou général. Le traitement systémique d’usage courant dans le SK comprend des médicaments (chimiothérapie) renfermés dans de minuscules bulles adipeuses appelées liposomes. La thérapie liposomale (ou liposomique) est généralement plus efficace et associée à de moindres effets secondaires par rapport aux formulations classiques du même médicament. Les médicaments souvent utilisés en chimiothérapie du SK appartiennent à la classe ou au groupe que l’on appelle les anthracyclines. Les formes liposomales de ces médicaments sont les suivantes :

  • DaunoXome (doxorubicine liposomale)
  • Caelyx, Doxil (doxorubicine liposomale pégylée)            

Les effets secondaires de la chimiothérapie sont généralement temporaires et peuvent inclure les éléments suivants :

  • chute des cheveux (alopécie)
  • nausées
  • vomissements
  • diarrhée
  • frissons et/ou fièvre

Parlez-en à votre médecin ou infirmière si ceux-ci se produisent.

Prévention

Si vous êtes séropositif, le meilleur moyen de prévenir le SK, c’est de suivre un TAR pour renforcer votre système immunitaire. À l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccin offrant une protection contre le HVH-8, soit le virus associé au SK.

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Auteur(s) : Hosein SR, Koenig D

Traduction : Côté A

Publié : 2016