Australie : raltégravir et faiblesse musculaire — une complication rare

Des chercheurs au St. Vincent's Hospital et au Kirby Institute for Infection and Immunity in Society de Sydney, en Australie, ont mené une enquête sur des cas éventuels de faiblesse musculaire (rhabdomyolyse) associée à l'utilisation du raltégravir (Isentress). Même si l'équipe en question a déterminé que cette complication était rare chez les patients sous raltégravir, elle met en garde contre la possibilité qu'elle se produise chez des personnes séropositives recevant d'autres inhibiteurs de l'intégrase comme l'elvitégravir et le dolutégravir. Un suivi à long terme de ces personnes pourrait donc s'avérer nécessaire.

Conception de l'étude

Les chercheurs de Sydney ont comparé des données portant sur la santé de 159 patients utilisant le raltégravir à celles recueillies auprès de 159 personnes séropositives semblables qui ne prenaient pas ce médicament.

Les patients sous raltégravir inscrits à cette étude avaient le profil moyen suivant :

  • 97 % d'hommes, 3 % de femmes
  • âge – 50 ans
  • compte de CD4+ – 552 cellules
  • charge virale – 92 % avaient une charge virale inférieure à 50 copies/ml
  • durée de l'usage de raltégravir – 28 mois
  • 25 % prenaient des médicaments appelés statines pour réduire leurs taux de lipides
  • 1 % avait des antécédents familiaux de maladies musculaires
  • 41 % avaient déjà fait de l'exercice exigeant

Résultats

On a constaté les résultats suivants en ce qui concerne les muscles :

Toxicité musculaire

  • 37 % des participants sous raltégravir
  • 19 % des participants du groupe témoin

Douleur musculaire

  • 19 % des participants sous raltégravir
  • 3 % des participants du groupe témoin

Ces différences sont significatives sur le plan statistique.

Accent sur les problèmes musculaires

On a constaté une faiblesse musculaire dans le tronc de six participants recevant du raltégravir. Les six personnes en question avaient les caractéristiques fondamentales suivantes :

  • âge – 36 ans
  • la plupart utilisaient le raltégravir depuis trois ans environ
  • deux avaient un taux élevé de l'enzyme créatine kinase dans leur sang
  • un seul des six participants prenait une statine

Les médecins ont effectué plusieurs interventions, y compris l'extraction d'échantillons minuscules de muscles (biopsies) à des fins d'analyse. Se fondant sur les résultats de ces analyses et d'autres tests, ils ont apporté les modifications suivantes au régime de deux participants :

  • remplacement du raltégravir par le ritonavir-darunavir (Prezista) dans un cas et par le maraviroc (Celsentri) dans l'autre

La force musculaire des deux participants s'est améliorée par la suite.

Compte tenu de plusieurs facteurs, l'analyse statistique a révélé que l'exposition au raltégravir était associée à un risque accru de faiblesse et de douleur musculaires.

À noter cependant que ni la durée de l'utilisation du raltégravir ni sa concentration dans le sang n'étaient associées à l'augmentation du risque de faiblesse musculaire.

Bien que les médecins fondent parfois un diagnostic de rhabdomyolyse sur la présence d'un taux élevé de créatine kinase, cette étude a permis de constater qu’un taux élevé de créatine kinase était étroitement lié à la « pratique récente d'exercices exigeants », plutôt qu'à l'exposition au raltégravir, a fait valoir l'équipe de recherche.

La présente étude constitue un premier pas important vers l'élucidation de l'association possible entre le raltégravir et la faiblesse musculaire. Il reste que la conception de cette étude et d'autres problèmes ont contribué à compromettre la force des conclusions tirées. Expliquons :

  • Il ne semble pas exister un consensus international concernant la définition de la toxicité musculaire.
  • Comme il ne s'agissait pas d'une étude randomisée, il est possible que l'interprétation des résultats ait été faussée par d'autres facteurs inconnus.
  • Étant donné le type d'étude en question, il n'était pas possible de tirer des conclusions fermes quant à l'impact éventuel du raltégravir sur la faiblesse musculaire.
  • Le nombre de personnes atteintes de faiblesse musculaire était relativement faible.

Malgré ces bémols, les chercheurs ont jeté les assises nécessaires pour mener une étude de plus grande envergure et de plus longue durée sur l'impact possible des inhibiteurs de l'intégrase sur la faiblesse musculaire. Voilà une piste de recherche importante car d'autres inhibiteurs de l'intégrase seront disponibles à l'avenir, et il faudra que leur capacité potentielle de déclencher la faiblesse musculaire soit évaluée. Les résultats préliminaires d'essais en cours sur deux autres inhibiteurs de l'intégrase laissent penser que le taux de créatine kinase augmente anormalement chez environ 5 % des personnes traitées, ce qui laisse soupçonner la dégradation des muscles.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Lee FJ, Amin J, Bloch M, et al. Skeletal muscle toxicity associated with raltegravir-based combination antiretroviral therapy in HIV-infected adults. In: Program and abstracts of the 14th International Workshop on Co-morbidities and Adverse Drug Reactions in HIV, 19 – 21 July, 2012, Washington DC. Abstract 015.