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Des médecins de Barcelone ont récemment fait état d’une augmentation inattendue du taux de récurrence du cancer du foie parmi des personnes qui avaient suivi ou qui suivaient encore un traitement contre l’infection chronique au virus de l’hépatite C (VHC) associant de nouveaux médicaments oraux puissants appelés antiviraux à action directe (AAD). Tous les participants avaient été traités auparavant pour un cancer du foie. Et ils avaient été traités avec succès pour l’hépatite C par différentes combinaisons d’AAD. Dans leur rapport, les médecins de Barcelone se sont concentrés sur les patients traités pour le VHC entre octobre 2014 et décembre 2015.
Nous encourageons nos lecteurs à aborder ce rapport de Barcelone avec prudence. Le lien possible entre l’exposition aux AAD et la récurrence du cancer du foie pourrait être une association née du hasard. Même si des dizaines de milliers de personnes ont été traitées par AAD en Amérique du Nord et en Europe, les cliniques majeures n’ont pas signalé de nombreux cas de récurrence du cancer du foie parmi ces patients. Il est possible que l’analyse faite à Barcelone ait été faussée par inadvertance par le faible nombre de patients en question et par l’inclusion dans le rapport de personnes courant un risque très élevé de récurrence du cancer du foie.
Comme tous les participants avaient suivi un traitement contre le cancer du foie, on les considérait subséquemment comme guéris, et ils faisaient l’objet d’une surveillance clinique et de laboratoire de routine destinée à détecter le retour éventuel du cancer du foie. À titre d’exemple, notons que de nombreux patients passaient tous les six mois des examens tomodensitométriques, des IRM (imagerie par résonance magnétique) et des échographies du foie.
Les médecins de Barcelone se sont concentrés sur 58 participants qui avaient le profil moyen suivant :
Voici la répartition des traitements utilisés lors de la première apparition du cancer du foie :
Au moment où les médecins de Barcelone soumettaient leur rapport, ils soulignaient que 40 participants avaient été suivis pendant 12 semaines consécutives après la cessation du traitement par AAD. Sur ces 40 personnes, 39 (98 %) ont guéri de l’hépatite C.
Voici la situation des 18 autres participants :
Accent sur le cancer du foie après le traitement par AAD
Dans l’ensemble, le groupe entier de 58 participants a été suivi pendant près de six mois, et la situation actuelle de ses membres est la suivante :
Chez les trois participants morts, les décès sont survenus 12, 10 et cinq mois après le début du traitement par AAD.
Un total de 15 cas de récurrence du cancer du foie ont été détectés par tomodensitométrie ou IRM.
Les médecins de Barcelone affirment que le taux de récurrence du cancer du foie mentionné dans leur rapport est relativement élevé, soit près de 28 %. Ils ne croient pas que ce résultat soit attribuable à la détection très précoce des tumeurs grâce à un « dépistage plus intensif [du cancer du foie] ». De plus, les médecins ne croient pas que les AAD aient causé directement le cancer parce qu’ils n’ont pas trouvé d’indices probants à cet égard. Ils ont plutôt proposé une hypothèse complexe dont les éléments clés sont les suivants :
Nous signalons à nos lecteurs que cette hypothèse, quoique intéressante du point de vue immunologique, n’a pas été prouvée.
Les médecins de Barcelone soulignent que les revues d’essais cliniques sur les traitements à base d’interféron pour l’infection chronique au VHC n’ont trouvé aucun indice d’une augmentation du risque de cancer du foie. Même si cela est vrai, une méta-analyse effectuée par des chercheurs de l’Université de Toronto sur le traitement de l’hépatite C par interféron (mentionnée plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités) a révélé qu’un faible risque de du cancer du foie persistait après le traitement, même chez les personnes guéries de l’hépatite C. De plus, un rapport de Vienne, dont nous parlons également dans ce numéro de TraitementActualités, fait valoir que des cas de cancer du foie sont survenus parmi des personnes traitées par interféron mais pas par AAD. Dans le rapport en question, environ 11 % des participants traités par interféron ont présenté subséquemment un cancer du foie.
Des chercheurs à l’Université de Palerme en Italie ont revu le rapport de Barcelone. Ils ont publié l’avertissement suivant : « Il est difficile de faire une estimation définitive de la probabilité de la récurrence [du cancer du foie] ». Cette difficulté est attribuable à de nombreux facteurs (qui dépassent la portée de notre article).
Les médecins de Barcelone ont calculé un taux de récurrence du cancer du foie de 28 %. Selon l’équipe, ce taux dépassait ce à quoi ils s’attendaient. Cependant, selon les chercheurs italiens qui ont revu les données de Barcelone et recalculé le risque estimé de cancer du foie, le risque de récurrence aurait dû se situer entre 7 % et 13 %. Ainsi, les chercheurs italiens croient qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer. Soulignons que le nombre de patients sur lequel les deux équipes ont fondé leurs calculs est faible et qu’il faut faire preuve de beaucoup de prudence parce que ces estimations ne sont pas solides.
Il est possible que le rapport de Barcelone recèle un défaut majeur : la base de données sur laquelle il est fondé incluait par inadvertance un grand nombre de patients qui couraient un risque très élevé de récurrence de cancer du foie. Cela aurait pu fausser les conclusions.
Quelle que ce soit la raison définitive de l’augmentation apparente du taux de récurrence du cancer du foie signalée par les médecins de Barcelone, leur rapport a déclenché des désaccords et de la controverse. Dans l’espoir d’éclaircir cette question, de nombreuses personnes travaillant dans le domaine de l’hépatologie se tourneront maintenant vers des bases de données plus grandes portant sur des centaines voire des milliers de patients.
—Sean R. Hosein
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