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CATIE
  • La pandémie de la COVID-19 pourrait faciliter la propagation du VIH, d’après un modèle informatique
  • Les nouvelles infections par le VIH augmenteraient de 9 % en raison de la perturbation des services de santé
  • Les nouvelles infections par le VIH pourraient décroître de 17 % en intégrant les dépistages de la COVID-19 et du VIH

La pandémie mondiale de la COVID-19 a imposé un réel fardeau aux systèmes de santé et a perturbé les soins médicaux de suivi de nombreuses personnes. Il est fort possible que ces perturbations causées par la pandémie créent des conditions qui facilitent la propagation du VIH, car certaines personnes ont de la difficulté à obtenir des services comme l’obtention d’ordonnances pour la PrEP (prophylaxie pré-exposition) et un dépistage du VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS).

Selon des rapports, la pandémie et les bouleversements qu’elle a entraînés — auto-isolement, distanciation physique, détresse psychologique — ont réduit, entre autres, l’accès aux programmes de distribution de seringues, au traitement de substitution aux opioïdes et aux services sociaux. À cause de toutes ces perturbations, il peut être plus difficile de joindre les populations vulnérables, ce qui pourrait faciliter la propagation du VIH et d’autres infections.

Une équipe de chercheurs affiliés à des universités prestigieuses américaines, aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et au Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique a mis au point un modèle informatique afin d’examiner l’incidence des perturbations causées par la pandémie de la COVID-19 sur la trajectoire de l’épidémie du VIH. Cette simulation par ordinateur a également permis aux chercheurs de connaître les effets obtenus lorsque le dépistage du SRAS-CoV-2 (virus à l’origine de la COVID-19) était proposé à plus de gens au même moment que celui du VIH. Dans le cas du VIH, il s’agissait d’un dépistage avec option de retrait (opt-out), qui consiste à effectuer automatiquement un test à moins que le patient s’y refuse. La simulation a été conçue pour des villes américaines clés. Selon les chercheurs, il est nécessaire d’augmenter le dépistage du VIH parce que, selon leurs estimations, 14 % des personnes vivant avec le VIH aux États-Unis ne savent pas qu’elles ont cette infection. De plus, des études antérieures ont révélé que le dépistage du VIH est une intervention d’un bon rapport coût-efficacité qui non seulement dirige les personnes nouvellement diagnostiquées vers des soins et un traitement, mais contribue aussi à réduire le nombre d’infections par le VIH à l’avenir.

Les chercheurs ont étudié divers scénarios se rapportant à l’incidence de la pandémie de la COVID-19. Ils ont trouvé que la simulation par ordinateur prévoyait des augmentations variables des nouvelles infections par le VIH, selon le degré de la perturbation des services et des changements de comportement. La simulation a également révélé qu’avec une intervention d’envergure fondée sur un programme conjoint de dépistage de la COVID-19 et du VIH il ne serait pas impossible de parer à des milliers de nouveaux cas de VIH. Une telle campagne aurait des effets durables puisque les personnes nouvellement diagnostiquées se verraient proposer des soins et un traitement contre le VIH, ce qui stabiliserait leur état de santé et préviendrait la transmission du virus. Ces effets s’avéreraient rentables à long terme.

Détails de l’étude

Les villes suivantes faisaient l’objet de l’étude :

  • Atlanta
  • Baltimore
  • Los Angeles
  • Miami
  • New York
  • Seattle

Pour simuler la propagation du VIH, l’équipe s’est servie de données provenant d’études de grande qualité.

Les chercheurs ont estimé les perturbations et les changements que la pandémie provoquerait dans les systèmes de santé et les comportements à risque entre le 1er mars 2020 et le 28 février 2021. Ils ont supposé qu’environ 66 % des adultes se faisant proposer un test de dépistage du VIH accepteraient l’offre. Cette estimation est fondée sur les résultats d’un essai clinique randomisé sur un service de dépistage avec option de retrait offert en salle des urgences d’un grand hôpital.

Résultats

Les simulations par ordinateur ont produit trois résultats principaux :

  • Selon les estimations des chercheurs, dans « le meilleur des scénarios », la perturbation des services de santé et autres serait minime, et il se produirait une réduction de 50 % des comportements à risque liés au sexe et à l’injection de drogues. De plus, il n’y aurait pas de programme de dépistage amélioré pour le VIH et la COVID-19. Dans ce scénario, la simulation a laissé croire que le nombre d’infections par le VIH diminuerait de 16,5 % au cours des cinq prochaines années.
  • Dans « le pire des scénarios », on ne constaterait aucune réduction des comportements à risque associés au VIH, et il se produirait une réduction de 50 % de la prestation des services, selon les chercheurs. On observerait par conséquent une augmentation de 9 % des nouvelles infections par le VIH.
  • La simulation a révélé que « la mise sur pied d’un programme conjoint de dépistage du VIH et du SRAS-CoV-2 pourrait réduire de près de 17 % le nombre de nouvelles infections par le VIH sur cinq ans si 90 % [des personnes] se voyaient proposer un test de dépistage du VIH [et qu’environ 60 % d’entre elles l’acceptaient] ».

Même si une telle stratégie pourrait coûter cher initialement, la simulation a permis de constater que l’investissement dans le dépistage serait « rentable à long terme dans toutes les villes ». Les chercheurs ont calculé spécifiquement qu’un programme de dépistage conjoint de grande envergure coûterait entre 20 et 220 millions $ US.

À retenir

Aucune étude n’est parfaite, et il importe de noter que la simulation y figurant était fondée sur des suppositions qui pourraient être raffinées. Par exemple, selon les chercheurs, si la perturbation des services de santé s’avérait plus grave et de plus longue durée, ou si moins de personnes que prévu acceptaient de se faire tester, « par rapport aux niveaux [de dépistage du VIH] ambitieux que nous avons proposés, le nombre estimé de cas de VIH additionnels possibles serait même plus élevé ».

Notons aussi que la perturbation des services de santé pourrait se résoudre rapidement si les systèmes de santé et la population parvenaient à s’adapter aux changements entraînés par la pandémie.

Incidence sur l’hépatite C

Il est probable que les perturbations causées par la pandémie du coronavirus ne se fassent pas sentir que dans l’épidémie du VIH. Des rapports anecdotiques portent à croire que l’épidémie du virus de l’hépatite C en subit également les effets, car moins de personnes se font tester et commencent un traitement pour cette infection qu’avant la pandémie. Cela laisse penser que nombre de pays et de régions pourraient accuser des retards dans l’atteinte de l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la Santé, soit l’élimination du VHC comme menace pour la santé publique d’ici 2030.

À l’avenir

La proposition audacieuse de combiner le dépistage de la COVID-19 et le dépistage du VIH mérite plus d’attention parce qu’elle pourrait permettre de freiner simultanément la propagation du SRAS-CoV-2 et du VIH et améliorer la santé des populations touchées.

—Sean R. Hosein

Ressources

Agissons maintenant pour combattre les profondes inégalités et mettre fin aux pandémies : Synthèse de rapport mondial – ONUSIDA

Stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale, 2016–2021 ­– OMS

Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada ­– Réseau canadien sur l’hépatite C (CanHepC)

RÉFÉRENCES :

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