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CATIE
  • Des chercheurs ont analysé le progrès clinique d’Albertains ayant reçu un diagnostic d’hépatite C.
  • Seulement 3,4 % des patients ont guéri de l’hépatite C dans les deux ans suivant le diagnostic.
  • L’étude a souligné des goulets d’étranglement dans le parcours menant du diagnostic à la guérison.

Selon les estimations des chercheurs, environ 1 % des Canadiens auraient déjà été exposés au virus de l’hépatite C (VHC), lequel infecte le foie et cause de l’inflammation et des lésions dans cet organe vital. À mesure que la santé du foie se détériore, des complications surviennent, y compris une fatigue intense, des hémorragies internes, des infections abdominales graves, des lésions rénales, des problèmes de cognition et une insuffisance hépatique. L’infection au VHC est également associée à un risque accru de cancer du foie.

Dans le passé, le traitement du VHC reposait principalement sur des injections régulières d’interféron alpha. Ce traitement n’était pas très efficace et causait de nombreux effets secondaires débilitants. Par contre, au cours des dix dernières années des compagnies pharmaceutiques ont mis au point des régimes oraux pour le traitement du VHC qui sont constitués de médicaments appelés antiviraux à action directe (AAD). Pris une fois par jour pendant huit à 12 semaines, ces médicaments sont très efficaces et permettent d’obtenir des taux de guérison de 95 % ou plus. De plus, les AAD sont généralement bien tolérés.

La cascade des soins du VHC

Il existe plusieurs étapes à franchir pour aboutir à la guérison du VHC. Une version simplifiée du parcours menant du diagnostic au traitement et à la guérison s’appelle la cascade des soins du VHC; celle-ci est composée des étapes suivantes :

  • test de dépistage des anticorps anti-VHC : un résultat positif indique que la personne a été exposée au VHC
  • test de recherche du matériel génétique du VHC (test d’ARN) : un résultat positif révèle la présence d’une infection active
  • test de génotypage pour révéler la souche du VHC dont la personne est atteinte
  • orientation du patient vers un professionnel de la santé d’expérience ayant déjà soigné et traité des personnes atteintes du VHC
  • offre d’un traitement contre le VHC suivie de la rédaction d’une ordonnance pour ce dernier
  • test de sang après la fin du traitement pour confirmer que l’infection au VHC a été guérie

Il est à noter que certaines descriptions de la cascade peuvent comporter plus ou moins d’étapes détaillées que celles de notre liste.

Il est important de suivre le fil des différentes étapes de la cascade des soins du VHC parce que les patients risquent de glisser entre les mailles du filet à différents moments et de voir ainsi diminuer leur chance d’être diagnostiquées, traitées et guéries.

En Alberta

Une équipe de chercheurs de l’Alberta a récemment publié son analyse de la cascade des soins du VHC dans sa province. Les chercheurs ont constaté que des « possibilités d’amélioration ont été signalées » à chaque étape de la cascade. Cette évaluation de la cascade des soins du VHC est importante et indique la voie à suivre pour accroître les occasions de dépistage du VHC, d’arrimage aux soins, de rétention en soins, de mise sous traitement et, finalement, de guérison. Espérons que l’analyse albertaine incitera d’autres provinces et territoires à évaluer l’état actuel de leur cascade des soins.

Détails de l’étude

Les chercheurs se sont concentrés sur les participants qui avaient un PHN valide (personal healthcare number, numéro de soins de santé personnel) et qui avaient passé un test de dépistage des anticorps anti-VHC positif entre janvier 2009 et décembre 2016.

Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • 64 % d’hommes, 36 % de femmes
  • 69 % vivaient à Calgary ou à Edmonton
  • 12 % avaient contracté le VHC à l’extérieur du Canada
  • 21 % étaient des Autochtones
  • 37 % s’injectaient des drogues ou s’en étaient injecté dans le passé
  • 14 % consommaient de l’alcool à l’excès
  • 9 % vivaient dans une situation de logement instable
  • 9 % avaient des antécédents d’incarcération
  • 2 % avaient la co-infection au VIH
  • 1 % avaient la co-infection au VHB
  • génotypes courants du VHC : génotype 1 – 63 %; génotype 2 – 11 %; génotype 3 – 23 %

Résultats

Flot de la cascade

Au début, la cascade comptait 6 154 personnes porteuses d’anticorps anti-VHC. Ce chiffre équivaut à 100 % des membres du groupe à l’étude. Un résultat positif au test de dépistage des anticorps anti-VHC veut dire que les personnes en question avaient déjà été exposées au VHC, mais cela ne révèle pas la présence d’une infection active. Il a donc fallu effectuer un autre test pour rechercher le matériel génétique (ARN) du virus. Notons que les chercheurs ont également employé le mot jalon pour désigner chaque étape de la cascade.

Test de recherche de l’ARN VHC

Lors de l’étape suivante de la cascade, les chercheurs ont constaté que 69 % des participants qui avaient des anticorps anti-VIH avaient passé un test sanguin pour déterminer si le matériel génétique du virus était présent. Sur l’ensemble des personnes ayant passé un test de recherche de l’ARN VHC, 76 % ont reçu un résultat positif, ce qui voulait dire qu’elles avaient une infection au VHC active.

Test de génotypage du VHC

Dans les pays à revenu élevé, il existe habituellement six groupes principaux, ou génotypes, du VHC. Il est important de savoir de quel génotype une personne est atteinte afin de pouvoir utiliser la bonne combinaison d’AAD. Selon les chercheurs albertains, seulement 38 % des participants à cette étude ont passé un test de génotypage.

Évaluation par un médecin d’expérience en matière de VHC

Un total de 34 % des participants à l’étude ont été examinés par un médecin qui avait déjà soigné et traité des personnes atteintes du VHC.

Prescription d’un traitement contre le VHC

Les chercheurs ont trouvé que 12 % des personnes inscrites à l’étude se sont fait prescrire des AAD.

Guérison

Seulement 3,4 % des participants ont guéri de l’infection au VHC dans les deux ans suivant le diagnostic.

Résultats importants

Selon les chercheurs, ils ont « signalé des lacunes considérables de la cascade des soins du VHC en Alberta ». L’équipe de recherche a ajouté que « très peu [de personnes ont guéri] dans les deux ans suivant le diagnostic [de l’infection au VHC] ».

L’équipe a soulevé un autre point important aussi : « Nous avons trouvé que les Autochtones, les femmes, les personnes mal logées et les personnes au revenu le plus faible étaient moins susceptibles d’atteindre les jalons de la cascade des soins ».

Nouvelles infections

Les chercheurs n’ont pas enquêté sur la présence d’infections au VHC non diagnostiquées. Ils ont toutefois affirmé ceci : « si nous estimons de façon conservatrice » que le nombre de participants à cette étude « représente 75 % des cas de VHC en Alberta, il se serait produit 8 389 nouvelles infections par le VHC au cours de la période de notre étude, et seulement 8,5 % des personnes en question se seraient fait prescrire un traitement antiviral ».

À retenir

Ces chercheurs albertains ont mené une étude rétrospective. Autrement dit, ils ont extrait des données de santé recueillies à une fin particulière puis les ont réanalysées pour se faire une idée de ce qui se passait dans la cascade des soins du VHC. Notons aussi que la période de suivi était de relativement courte durée. Or, au cours de l’étude, les traitements offerts pour combattre le VHC ont changé, et l’accès aux AAD était originalement rationné en fonction de l’ampleur des lésions subies par le foie des patients.

Malgré ces bémols, l’étude albertaine revêt une grande importance. Elle a exposé des lacunes dans les soins du VHC offerts dans le cadre de la cascade de la province. En reconnaissant ces lacunes, le ministère de la Santé et les autorités de la santé publique pourront prioriser et déployer des interventions susceptibles d’aider les gens à entrer et à rester dans la cascade des soins afin qu’ils puissent guérir. Cette étude albertaine sert à une autre fin aussi : Elle rappelle aux autres provinces et territoires d’analyser leur cascade des soins du VHC afin qu’ils puissent suivre de près ce qui se produit pour les personnes recevant un résultat positif au test de dépistage des anticorps anti-VHC.

—Sean R. Hosein

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