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Montréal
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Le programme Beyond Prison Walls (BPW) repose sur un modèle de soins pluridisciplinaires qui permet d’arrimer les personnes récemment libérées de prison à un traitement de l’hépatite C en milieu communautaire. La mise en œuvre du programme BPW commence avant la sortie de prison : les analyses de sang préalables au traitement sont effectuées par un·e infirmier·ère, et la planification de la sortie est réalisée par un·e travailleur·se social·e et un·e intervenant·e-pivot. À la sortie de prison, l’intervenant·e-pivot facilite l’arrimage aux soins en planifiant les rendez-vous, en y accompagnant les personnes concernées et en assurant le suivi afin d’aider les participant·e·s à entamer le traitement. Les personnes qui ont participé au programme BPW étaient plus susceptibles à hauteur de 70 % d’être arrimées à des soins que les personnes ayant bénéficié de la norme de soins. 

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Description du programme

Les personnes qui ont été incarcérées sont touchées de manière disproportionnée par l’hépatite C au Canada. Les obstacles aux soins en prison et les priorités concurrentes qui se présentent après la libération (p. ex. situation de logement précaire) font en sorte que les personnes ne reçoivent ni diagnostic ni traitement. Le programme Beyond Prison Walls (BPW) a été conçu pour améliorer l’arrimage aux soins liés à l’hépatite C des individus libérés de l’Établissement de détention de Montréal (EDM), la plus grande prison provinciale pour hommes du Québec. Le programme BPW a fait appel à une équipe pluridisciplinaire composée d’un·e infirmier·ère, d’un·e travailleur·se social·e et d’un·e intervenant·e-pivot chargé·e de faciliter l’arrimage aux soins liés à l’hépatite C après la libération. Les participants étaient admissibles s’ils étaient âgés de 18 ans ou plus et devaient passer entre 2 et 12 semaines à l’EDM, c’est-à-dire assez longtemps pour confirmer la présence d’une infection à l’EDM, mais généralement pas assez pour terminer le traitement en prison.

Dépistage de l’hépatite C avant la libération, analyses de sang et arrimage aux soins 

Pendant leur incarcération, les participants se voient proposer par l’infirmier·ère un test de dépistage des anticorps anti-VHC au point de service. Ceux dont le résultat du test est positif passent une prise de sang en vue d’un test de détection de l’ARN sur place, et l’infirmier·ère leur communique les résultats et leur fournit des conseils lors d’une deuxième visite. Les individus présentant une infection active effectuent également des analyses de sang préalables au traitement (p. ex. fonction hépatique, tests de dépistage du VIH et de l’hépatite B) et passent en revue les options thérapeutiques avec l’infirmier·ère au cours de la deuxième visite. 

L’assistant·e social·e procède à une évaluation des besoins avec l’individu concerné afin de cerner les obstacles susceptibles d’entraver l’arrimage aux soins (p. ex. logement, protection d’assurance maladie), d’évaluer ses besoins en matière de réduction des méfaits (p. ex. favoriser une utilisation à moindres risques des drogues) et de l’orienter vers des services communautaires après sa remise en liberté. Avant qu’un participant ne soit libéré de l’EDM, l’intervenant·e-pivot tente de le rencontrer au moins deux fois et fixe la date de l’instauration du traitement dans les 30 jours suivant sa réintégration dans la communauté. Les personnes sont mises en liaison avec leur médecin traitant lorsque c’est possible, ou avec un autre prestataire de soins qui exerce dans un lieu accessible. Les participants consentent à ce que leur dossier médical soit divulgué, ce qui permet aux prestataires de la communauté de recevoir les analyses de sang préalables au traitement, et à l’équipe du programme BPW de confirmer le début et la fin du traitement. Comme de nombreuses personnes n’ont pas accès à un téléphone après leur libération, l’intervenant·e-pivot recueille également les coordonnées des personnes à contacter en cas d’urgence (membres de la famille, pairs et  travailleur·euse·s en soins de santé) et fournit aux participants le numéro de téléphone du programme BPW afin de les inciter à rester en contact avec l’équipe après leur libération.

Arrimage aux soins après la libération et suivi de l’intervention

Une fois qu’un participant a réintégré la communauté, l’intervenant·e-pivot essaye de le joindre, soit directement, soit par son réseau de personnes à contacter en cas d’urgence, une semaine avant son rendez-vous de traitement de l’hépatite C. Les participants sont considérés comme perdus de vue si l’intervenant·e-pivot n’a pas pu les joindre après trois tentatives, espacées chacune de 24 heures. Les participants que l’intervenant·e-pivot a réussi à joindre reçoivent un rappel de rendez-vous et se voient proposer d’être accompagnés à leur rendez-vous. L’intervenant·e-pivot adresse un second rappel à tous les participants 24 heures avant leur rendez-vous, qu’ils aient ou non choisi d’être accompagnés. 

Les personnes qui acceptent d’être accompagnées rencontrent l’intervenant·e-pivot à un endroit convenu à l’avance et sont accompagnées principalement en transports publics (tous les frais sont pris en charge). Les résultats des analyses de sang initiales sont communiqués aux prestataires de la communauté au moment du rendez-vous pour que le traitement puisse être instauré le jour même; toutefois, les décisions relatives au traitement sont laissées à l’appréciation des prestataires. L’intervenant·e-pivot fixe des rendez-vous supplémentaires et propose au participant de l’accompagner jusqu’au moment où il entame son traitement. Les personnes qui sont réincarcérées dans les 90 jours suivant leur libération peuvent continuer à bénéficier des services d’intervention-pivot et d’arrimage. Si le traitement a été entamé dans la communauté, les personnes réincarcérées continuent de recevoir le traitement à l’EDM.

Résultats

Dans le cadre d’une étude quasi-expérimentale, deux groupes séquentiels ont été constitués à l’aide d’un échantillonnage de commodité de manière à comparer les taux d’arrimage aux soins dans les 90 jours suivant la libération entre le groupe du programme BPW et celui de la norme de soins (dépistage sur demande, bilan sanguin complet avant traitement et prise de rendez-vous avec un prestataire de soins exerçant dans la communauté avant la sortie de prison).

En ce qui concerne le groupe de la norme de soins, 300 individus ont accepté de participer et 48 d’entre eux (15 %) ont passé le test de dépistage des anticorps anti-VHC. La moitié de ceux qui ont passé le test (24) étaient porteurs d’anticorps, et parmi ces derniers, 79 % (19) étaient porteurs de l’ARN du virus de l’hépatite C. 

En ce qui concerne le groupe du programme BPW, 644 individus ont accepté de participer et tous ont passé un test de dépistage des anticorps anti-VHC au point de service. Neuf pour cent d’entre eux (56) étaient porteurs d’anticorps, et 36 % d’entre eux (20) étaient porteurs de l’ARN du virus de l’hépatite C. 

Les participants aux groupes de la norme de soins et du programme BPW présentaient des caractéristiques similaires sur le plan de l’âge moyen (46 et 45 ans), de la situation de logement précaire (42 % et 50 %) et des diagnostics de troubles de la santé mentale (42 % et 55 %). Tous les participants ont déclaré avoir déjà utilisé des drogues injectables et la plupart d’entre eux (62 %) n’avaient pas de prestataire de soins primaires.

Parmi les 20 individus porteurs de l’ARN du virus de l’hépatite C dans le groupe du programme BPW, 80 % (16) ont été arrimés aux soins dans les 90 jours suivant leur libération, contre seulement 11 % (2) des individus dans le groupe de la norme de soins. Parmi les 20 individus porteurs de l’ARN du virus de l’hépatite C dans le groupe du programme BPW, 65 % (13) ont entamé un traitement et 40 % (8 sur 20) l’ont achevé et ont été guéris. L’intervenant·e-pivot a réussi à joindre 95 % (19) des participants porteurs de l’ARN du virus de l’hépatite C dans le groupe du programme BPW (un participant n’a pas fourni de coordonnées). Parmi ceux-ci, 74 % (14) ont souhaité être accompagnés par l’intervenant·e-pivot à leurs rendez-vous de prise en charge de l’hépatite C; en moyenne, cet·te intervenant·e a fixé deux rendez-vous par participant.

Les participants au programme BPW étaient plus susceptibles à hauteur de 70 % d’être arrimés aux soins que les personnes ayant bénéficié de la norme de soins. Parmi les participants au programme BPW, l’arrimage aux soins était lié à la prise de contact avec l’intervenant·e-pivot après la libération; les participants au programme BPW que l’intervenant·e-pivot avait réussi à joindre étaient plus susceptibles à hauteur de 64 % d’être arrimés aux soins que ceux qui ne l’avaient pas été. De même, les participants qui ont accepté d’être accompagnés à leur rendez-vous avaient 27 % plus de chances d’être arrimés aux soins que ceux qui ne l’ont pas fait.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Les résultats de cette étude indiquent qu’un modèle de soins pluridisciplinaire intégrant la planification de la sortie avant la libération et le suivi après la libération est un moyen efficace d’arrimer les personnes incarcérées aux soins liés à l’hépatite C dans la communauté. Plus particulièrement, les intervenant·e·s-pivots jouent un rôle crucial dans le processus d’arrimage. L’arrimage aux soins peut nécessiter d’importantes démarches de suivi. Cependant, il était essentiel de parvenir à joindre les participants au sein de la communauté pour veiller à ne pas les perdre de vue alors qu’ils devaient composer avec des priorités concurrentes après leur mise en liberté. En outre, comme il arrive que les personnes ayant connu la prison soient réincarcérées, la collaboration entre les services correctionnels et les prestataires de services communautaires permet de réduire les obstacles à la prise en charge et de limiter les interruptions de soins.

Ressources connexes

Des services de navigation pour les patient·e·s atteint·e·s d’hépatite C sont nécessaires pour arrimer les gens aux soins après l’incarcérationNouvelles CATIE

Unlocking the Gates : des services correctionnels à la communautéBlogue de CATIE

Renforcer les soins liés à l’hépatite C : du système correctionnel à la collectivitéWebinaire de CATIE

Référence

Kronfli N, Mambro A, O’Brien A et al. A pre-post study of the impact of a multidisciplinary model of care on linkage to hepatitis C care following release from prison: the Beyond Prison Walls study. International Journal of Drug Policy. 2025 Sep 1;143:104873.