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CATIE
  • Des chercheurs américains ont créé un service de messagerie texte pour améliorer l’observance de la PrEP.
  • Les professionnels de la santé ont utilisé PrEPmate pour envoyer des messages et des rappels aux utilisateurs de la PrEP.
  • Les utilisateurs du service étaient plus susceptibles de prendre la PrEP telle que prescrite et de respecter leurs rendez-vous.

Nombre d’essais cliniques ont révélé que la prophylaxie pré-exposition (PrEP) réduisait considérablement le risque d’infection par le VIH. Un élément clé de la PrEP consiste à prendre une combinaison de deux médicaments — le ténofovir DF et FTC — vendus sous le nom de marque Truvada. La PrEP existe aussi en formulations génériques. Au Canada, les autorités réglementaires ont approuvé l’utilisation quotidienne de la PrEP pour les personnes courant un risque élevé de contracter l'infection par le VIH. Il n’empêche que certains médecins prescrivent la PrEP intermittente (également dite « à la demande ») aux hommes gais, bisexuels et aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HARSAH) parce que les essais cliniques ont trouvé que ce régime réduisait également le risque d’infection par le VIH dans ce groupe. La PrEP nécessite également des tests de dépistage réguliers du VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS), ainsi que d’autres évaluations. Ces tests doivent être effectués avant que la PrEP commence puis habituellement tous les trois mois par la suite.

Un problème qui a émergé des études et dans les cliniques réside dans la difficulté qu’éprouvent certaines personnes à prendre la PrEP exactement comme elle est prescrite, à respecter leurs rendez-vous réguliers auprès des professionnels de la santé et à se présenter aux laboratoires pour passer des tests.

Des recherches menées aux États-Unis ont révélé que les jeunes hommes gais, bisexuels et hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) courent un risque plus élevé de se faire infecter par le VIH. De plus, au moins deux études menées dans ce pays auprès d’adolescents et de jeunes hommes ont permis de constater des taux plus faibles d’observance de la PrEP. Dans une tentative d’améliorer la capacité des jeunes à suivre fidèlement la PrEP (et de maintenir ainsi la protection contre le VIH), des chercheurs à San Francisco et à Chicago ont créé une intervention conçue pour les téléphones mobiles. Dotée du nom de code PrEPmate, l’intervention est fondée sur l’échange de messages textes entre les professionnels de la santé et les utilisateurs de la PrEP. Les chercheurs ont testé le service dans un essai clinique randomisé auprès de jeunes hommes vivant à Chicago. Ils ont trouvé que les utilisateurs de PrEPmate étaient considérablement plus susceptibles de respecter leurs rendez-vous médicaux réguliers et d’avoir un taux élevé de ténofovir DF dans leur sang que les participants qui n’utilisaient pas PrEPmate.

Origine de PrEPmate

L’idée qui a fait naître PrEPmate est fondée sur une étude de recherche canadienne sur l’observance. Il y a environ une décennie, des scientifiques canadiens ont conçu un outil consistant en l’envoi d’un simple message texte par téléphone mobile pour rappeler aux gens de prendre leurs médicaments; le service était destiné aux personnes séropositives vivant en Afrique orientale. Les chercheurs ont mené un essai clinique randomisé au Kenya auprès de personnes suivant un traitement anti-VIH (TAR). Ils ont trouvé que le service aidait à améliorer la capacité des personnes à atteindre et à maintenir une charge virale supprimée.

Les chercheurs de San Francisco se sont inspirés de l’étude kenyane et des données d’une étude pilote menée auprès d’utilisateurs de la PrEP afin de créer PrEPmate.

Selon les créateurs de PrEPmate, l’intervention est « fondée sur l’information, la motivation et la théorie comportementale en matière de changement de comportement ». PrEPmate inclut des messages textes et une présence en ligne conçus pour améliorer l’observance de la PrEP parmi les jeunes HARSAH. Le programme envoyait des messages « check-in » (prendre des nouvelles), ainsi que des rappels quotidiens sur la prise des médicaments accompagnés de ce que les chercheurs appelaient des « fun facts and trivia » (faits amusants et info d’intérêt général).  Les rappels quotidiens étaient envoyés pendant les deux semaines suivant le début de la PrEP, « avec l’option de continuer à recevoir des rappels pendant toute la durée de l’étude ». L’heure de l’envoi des rappels a été choisie par les participants.

Les participants utilisant PrEPmate qui voulaient recevoir le soutien du personnel de l’étude étaient contactés par texto ou téléphone. La composante en ligne de PrEPmate incluait de l’information sur la PrEP, ainsi que des vidéos affichées par des jeunes qui avaient pris la PrEP en dehors de l’étude. Les chercheurs ont également établi un forum d’utilisateurs protégé par mot de passe et modéré par le personnel où les participants pouvaient « discuter des enjeux liés à la PrEP avec d’autres participants utilisant PrEPmate ».

PrEPmate a été comparé à la norme de soins en matière de PrEP, laquelle comporte les éléments suivants, selon les chercheurs :

  • « évaluation des risques de VIH »
  • « bref counseling sur l’observance thérapeutique et la réduction des risques »
  • « évaluation clinique et prise en charge médicale »
  • « accès à un téléavertisseur pour joindre un clinicien en cas de besoin »
  • visionnement d’une vidéo « expliquant comment la PrEP agit dans le corps »
  • « réception de rappels sur les visites en clinique par téléphone selon les normes de la clinique locale »

Les chercheurs ont exclu les volontaires qui ne pouvaient s’engager à respecter les rendez-vous réguliers en clinique et au laboratoire qui doivent accompagner la prise de la PrEP.

Détails de l’étude

Les participants ont été répartis au hasard dans un rapport de 2 : 1 pour recevoir soit PrEPmate (81 hommes) soit la norme de soins (40 hommes) pendant 36 semaines. Tous les participants recevaient gratuitement la PrEP de la clinique de l’étude. Pour essayer de simuler les conditions du monde à l’extérieur des essais cliniques, les participants devaient cependant payer leurs visites en clinique et les services de laboratoire.

Les participants avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :

  • âge : 24 ans
  • 95 % d’entre eux s’identifiaient comme des hommes; les autres participants s’identifiaient comme « transgenres ou gender queer »
  • principaux groupes ethnoraciaux : 36 % d’Hispaniques, 28 % de Noirs, 26 % de Blancs
  • 73 % ont dévoilé une consommation problématique d’alcool
  • 21 % ont reçu un résultat positif à un test de dépistage de chlamydia, de gonorrhée ou de syphilis
  • les symptômes de dépression étaient relativement courants parmi tous les participants; après la randomisation, on a détecté de tels symptômes chez 40 % des participants du groupe PrEPmate et chez 22 % des participants du groupe recevant la norme de soins

Résultats

Dans l’ensemble, comparés aux personnes recevant la norme de soins, les chercheurs ont trouvé que les participants utilisant PrEPmate étaient considérablement plus susceptibles de répondre aux critères suivants :

  • assistance aux rendez-vous en clinique : 86 % contre 71 %
  • fortes concentrations protectrices de ténofovir dans le sang : 72 % contre 57 %

Ces différences sont restées significatives après que les chercheurs ont tenu compte de la présence ou de l’absence de symptômes de dépression. De plus, les facteurs comme la race/l’ethnie, le revenu, le niveau de scolarité et l’accès à des assurances privées n’ont pas eu d’impact sur les résultats de l’étude.

Même si ces résultats sont très encourageants, il faut signaler les tendances décevantes suivantes observées par les chercheurs vers la fin de l’étude (semaine 36 environ) : davantage de participants des deux groupes de l’étude ne se présentaient pas pour leurs visites à la clinique et « seulement 57 % des utilisateurs de PrEPmate avaient un taux sanguin protecteur de ténofovir, ce qui laisse croire que des efforts additionnels pourraient être nécessaires pour faire durer l’observance à long terme ».

Effets indésirables

Les événements malheureux qui peuvent survenir lors d’un essai clinique sont qualifiés d’ « effets indésirables » par les chercheurs. Ces effets peuvent être causés par les médicaments à l’étude, des problèmes de santé préexistants ou encore par d’autres facteurs comme les accidents. Dans la présente étude, un seul effet indésirable grave s’est produit : un jeune homme est devenu gravement dépressif et avait des pensées suicidaires. Il appartenait au groupe recevant la norme des soins. Même si une enquête a révélé que sa maladie n’était pas attribuable aux médicaments à l’étude, les médecins ont retiré le jeune homme de l’étude afin que sa dépression puisse être traitée.

Infections transmissibles sexuellement

Aucun participant n’a contracté l’infection par le VIH.

Au cours de l’étude, les chercheurs ont trouvé que les taux des autres ITS ont baissé parmi les participants.

Perspectives et utilisation de PrEPmate

Les chercheurs ont sondé l’opinion des participants ayant utilisé PrEPmate et ont trouvé les commentaires très favorables, comme suit :

  • 88 % ont rapporté qu’il était « très/quelque peu utile »
  • 83 % ont rapporté qu’ils voulaient continuer d’utiliser PrEPmate après la fin de l’étude
  • 92 % recommanderaient PrEPmate à d’autres personnes

La majorité (61 %) des demandes d’assistance envoyées par PrEPmate durant l’étude se rapportait à l’obtention de rendez-vous en clinique. Les demandes de counseling n’ont constitué que 14 % des demandes, et toutes les autres se rapportaient à une grande variété de sujets.

À retenir

L’observance thérapeutique est un problème pour de nombreuses jeunes personnes qui doivent prendre des médicaments tous les jours, que ce soit pour l’hypertension, un taux de cholestérol anormal, le diabète de type 2 ou le traitement ou la prévention du VIH, et il n’existe aucune intervention de soutien à l’observance qui est simple et parfaite. Dans ce contexte, la création et la mise à l’essai d’un outil de soutien à l’observance comme PrEPmate est utile. En général, cette intervention à plusieurs composantes pour téléphone intelligent s’est révélée efficace pour motiver une majorité de jeunes participants à respecter leurs prises de médicaments et leurs rendez-vous en clinique de façon continue. PrEPmate est un bon pas en avant en ce qui concerne le maintien de l’observance de la prise de Truvada, au moins à court terme. Cependant, étant donné le déclin de l’observance observé au fil du temps, il est probable que PrEPmate a besoin d’être peaufiné encore.

L’utilisation des téléphones intelligents est très répandue, surtout parmi les jeunes. Il est donc probable que l’intérêt pour les interventions en matière d’observance de la PrEP qui utilisent cette technologie augmentera à l’avenir.

Ressources

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) par voie orale – Feuillet d’information

Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIH – Groupe de travail sur la prévention biomédicale du Réseau canadien pour les essais VIH des IRSC

La prophylaxie préexposition au virus de l'immunodéficience humaine : Guide pour les professionnels de la santé du Québec – Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Guidance for the use of Pre-Exposure Prophylaxis (PrEP) for the prevention of HIV acquisition in British Columbia  – Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique (en anglais seulement)

8 questions sur la PrEP pour les gars – Ressource pour les clients disponible en ligne et en version imprimée

La PrEP pour les populations peu étudiées : Examiner les questions sur l’efficacité et l’innocuitéPoint de mire sur la prévention

Ressources sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP)

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Liu AY, Vittinghoff E, von Felten P, et al. Randomized controlled trial of a mobile health intervention to promote retention and adherence to pre-exposure prophylaxis among young people at risk for human immunodeficiency virus: The EPIC study. Clinical Infectious Diseases. 2018; in press.
  2. Holloway IW, Dougherty R, Gildner J, et al. Brief Report: PrEP uptake, adherence, and discontinuation among California YMSM using geosocial networking applications. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2017 Jan 1;74(1):15-20.
  3. Hosek SG, Rudy B, Landovitz R, et al. An HIV pre-exposure prophylaxis demonstration project and safety study for young MSM. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2017 Jan 1;74(1):21-29.
  4. Hosek SG, Landovitz RJ, Kapogiannis B, et al. Safety and feasibility of antiretroviral pre-exposure prophylaxis for adolescent men who have sex with men aged 15 to 17 years in the United States. JAMA Pediatrics. 2017 Nov 1;171(11):1063-1071.
  5. Lester RT, Ritvo P, Mills EJ, et al. Effects of a mobile phone short message service on antiretroviral treatment adherence in Kenya (WelTel Kenya1): a randomised trial. Lancet. 2010 Nov 27;376(9755):1838-45.
  6. Smillie K, Van Borek N, Abaki J, et al. A qualitative study investigating the use of a mobile phone short message service designed to improve HIV adherence and retention in care in Canada (WelTel BC1). Journal of the Association of Nurses in AIDS Care. 2014 Nov-Dec;25(6):614-25.
  7. van der Kop ML, Muhula S, Nagide PI, et al. Effect of an interactive text-messaging service on patient retention during the first year of HIV care in Kenya (WelTel Retain): an open-label, randomised parallel-group study. Lancet Public Health. 2018 Mar;3(3):e143-e152.