Les variations du poids corporel et les modifications de la forme corporelle

Déterminer la cause

Les causes des modifications de la forme corporelle liées au VIH ne sont pas comprises à 100 pour cent. Dans certains cas, elles seraient le résultat d’une combinaison de facteurs : les effets secondaires des médicaments, les changements dus au renforcement du système immunitaire par les antirétroviraux et les effets de l’infection au VIH elle-même, surtout la façon dont le virus altère l’entreposage et l’utilisation des lipides sanguins. Dans d’autres cas, les modifications de la forme corporelle sont les mêmes qui s’observent chez les personnes séronégatives et sont la conséquence d’une mauvaise alimentation, du manque d’exercice et du vieillissement.

En plus du ralentissement graduel du métabolisme qui se produit couramment avec le vieillissement, la prise de poids peut survenir chez les personnes ayant le VIH de la même manière et pour les mêmes raisons que chez les personnes séronégatives. Comme tout le monde, les personnes vivant avec le VIH sont susceptibles de prendre du poids si elles consomment trop de mauvais aliments, si elles ne font pas d’exercice ou encore les deux. Il existe toutefois plusieurs facteurs liés au VIH qui risquent d’entraîner les variations du poids corporel et les modifications de la forme corporelle qui font partie du syndrome de lipodystrophie.

Certaines personnes atteintes du VIH perdent du poids. Une perte de poids planifiée est souvent le résultat de l’activité physique et de modifications alimentaires. Une perte de poids non intentionnelle peut avoir de nombreuses causes possibles, dont certaines sont liées au VIH et d’autres ne le sont pas. Les causes communes incluent les suivantes :

  • dépression causant une perte d’intérêt pour la nourriture
  • hyperthyroïdie, affection causée par une thyroïde hyperactive qui incite l'organisme à brûler rapidement les calories
  • problèmes de la bouche, des dents ou de la gorge qui rendent l'acte de manger douloureux
  • consommation de drogues
  • infections, dont celles causées par les parasites
  • cancer

Lorsque la perte de poids est extrême, on parle d’émaciation liée au VIH (également appelée cachexie ou syndrome de dépérissement). Même si ce problème s’observe bien plus rarement que dans le passé grâce à l’amélioration du diagnostic et du traitement du VIH, il se produit encore, surtout chez les personnes diagnostiquées tardivement. L’émaciation liée au VIH est un problème complexe qui nécessite une combinaison d’interventions, y compris une thérapie antirétrovirale, des stimulants de l’appétit si nécessaire, des suppléments appropriés pour accroître l’apport calorique et fournir des nutriments, une hormonothérapie substitutive appropriée (notamment à la testostérone), des suppléments de glutamine et des traitements pour n’importe quel problème qui compromet la consommation et l’absorption de la nourriture, tels que la nausée ou les problèmes de la bouche. Des traitements contre les infections peuvent aussi être nécessaires, ainsi qu’une thérapie par l’hormone de croissance humaine dans les cas avancés.

Syndrome de lipodystrophie

Le syndrome de lipodystrophie est le terme utilisé pour décrire une gamme de symptômes qui inclut les modifications de la forme corporelle et les changements du métabolisme. Entre autres, les modifications de la forme corporelle comprennent la perte et/ou la prise de graisse dans des régions spécifiques du corps.

La lipoatrophie est la perte de graisse dans le visage, les bras, les fesses et les jambes. À la suite de ce genre de perte adipeuse, il arrive que les veines paraissent gonflées sur les bras et les jambes et que les joues soient creuses. Il peut aussi se produire une perte de graisse ailleurs sur le visage.

La lipohypertrophie est une accumulation de graisse qui fait augmenter le volume des seins et de l’abdomen, en plus de créer des dépôts de graisse à la base de la nuque et sur les épaules auxquels on donne le nom de « bosse de bison ». Certaines personnes présentent aussi des lipomes, soit des bosses de graisse rondes et mobiles apparaissant sous la peau. Bien qu’ils ne soient pas cancéreux, on emploie parfois le terme « tumeurs adipeuses » pour décrire les lipomes.

Certaines études donnent à penser que la lipodystrophie se manifeste différemment chez les hommes et les femmes. Les femmes seraient plus susceptibles de présenter une accumulation de graisse dans l’abdomen et les seins. Pour leur part, les hommes seraient plus sujets à des pertes de graisse, notamment dans le visage, les bras, les fesses et les jambes. Il n’empêche que de nombreux hommes et femmes connaissent à la fois des gains et des pertes de graisse. Les chercheurs ne sont pas certains de l’origine de cette différence. Il se pourrait qu’elle soit liée aux hormones ou à la manière différente dont la graisse est brûlée dans le corps de l’homme et celui de la femme.

Bien que certaines personnes considèrent les changements d’ordre adipeux comme un problème « cosmétique », ils peuvent causer de l’inconfort considérable dans les situations suivantes :

  • La bosse de bison cause de la difficulté à dormir, des maux de tête ou de la douleur au cou, de sorte qu’il est difficile de tourner le cou ou les épaules; cela risque de compromettre la vision périphérique et de rendre difficile la conduite d’un véhicule;
  • La graisse abdominale cause des problèmes de respiration, de digestion ou de dos;
  • La perte de graisse faciale et les modifications de la forme corporelle causent de la détresse émotionnelle, l'isolement et la non-observance des médications.

De plus, des changements d’ordre métabolique peuvent avoir lieu à l’intérieur du corps, notamment l’augmentation des taux de sucre, de cholestérol et d’autres lipides dans le sang.

Médicaments antirétroviraux

Plusieurs classes de médicaments antirétroviraux ont été associées à l’accumulation de graisse. Les inhibiteurs de la protéase (IP) peuvent altérer le fonctionnement de certaines enzymes nécessaires au maintien de cellules adipeuses saines et fonctionnelles et de taux de lipides sanguins normaux. La conséquence est l’accumulation de graisse. Les IP les plus anciens pourraient être plus susceptibles de causer l’accumulation de graisse, alors qu’au moins deux des IP les plus récents, soit l’atazanavir (Reyataz) et le darunavir (Prezista), n’ont pas été associés à ce problème lors des études menées à ce jour.

Les analogues nucléosidiques causent l’accumulation de graisse chez certaines personnes, peut-être parce qu’ils contribuent à la résistance à l’insuline, un problème associé à l’accumulation de graisse abdominale. Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et les inhibiteurs de l’intégrase sont associés bien moins fréquemment à l’accumulation de graisse.

On associe le plus couramment la perte de graisse à deux des analogues nucléosidiques les plus vieux, soit la d4T (Zerit) et l’AZT (Retrovir et dans le Combivir et le Trizivir). Les chercheurs croient que ces médicaments endommagent les mitochondries, qui sont en quelque sorte les centrales énergétiques des cellules. Les dommages en question peuvent faire en sorte que les cellules adipeuses cessent de fonctionner normalement et qu’il se produit des distorsions de leur forme. Dans certains cas, les cellules meurent. Si un nombre suffisant de cellules adipeuses subissent des dommages mitochondriaux, cela peut causer la fonte de tissu adipeux dans le visage et d’autres parties du corps.

On n’a pas fait de lien entre la perte de graisse et les analogues nucléosidiques suivants :

  • 3TC (lamivudine et dans le Combivir, le Trizivir et le Kivexa)
  • FTC (emtricitabine et dans le Truvada, l'Atripla, le Complera et le Stribild)
  • ténofovir (Viread et dans l'Atripla, le Truvada, le Complera et le Stribild)
  • abacavir (Ziagen et dans le Trizivir et le Kivexa)

Il n’est pas clair si la ddI (Videx EC) cause la perte de graisse. (Notons que ce médicament est rarement utilisé de nos jours au Canada.)

On a déjà associé la perte de graisse à l’analogue non nucléosidique éfavirenz (Sustiva et dans l’Atripla), mais le mécanisme causal en question n’est pas connu.

Il est difficile de corriger les changements dans la distribution de la graisse associés à la lipodystrophie. La meilleure option consiste à choisir des médicaments qui sont moins susceptibles de causer de tels changements. De plus, en restant à l’affût de tout changement de ce genre — certaines personnes prennent régulièrement des photos de leur visage ou de leur corps afin de pouvoir faire des comparaisons —, on peut détecter tout problème avant que des dommages importants se produisent.

En ce qui concerne la lipoatrophie, les essais cliniques ont permis de constater que le remplacement des vieux analogues nucléosidiques par le ténofovir ou l’abacavir pouvait aider. D’ordinaire, la perte de graisse s’arrête une fois que les médicaments problématiques sont abandonnés; chez certaines personnes, on peut même constater une certaine correction de la perte de graisse. Or la restauration de la graisse n’est habituellement que partielle et se produit généralement très lentement, les changements visibles pouvant mettre entre six mois et plusieurs années à paraître. De façon générale, les personnes qui connaissent les meilleurs résultats en ce qui concerne la restauration de la graisse après avoir changé de médicaments sont celles qui n’ont pas pris les médicaments problématiques pendant longtemps et qui n’ont pas connu de perte de graisse importante.

Suppléments

Étant donné le lien entre la lipoatrophie et les dommages aux mitochondries, certaines personnes tentent de prévenir ou de réparer les lésions mitochondriales en prenant une combinaison des suppléments suivants :

  • multivitamine puissante contenant le complexe intégral des vitamines B et une large gamme d’antioxydants (vitamine C, caroténoïdes, sélénium et autres)
  • acétyl-L-carnitine (500 mg, trois fois par jour avec les repas)

On peut ajouter un supplément distinct de N-acétyl-cystéine (NAC; 600 mg, trois fois par jour avec les repas) afin d’accroître le taux de glutathion, car la carence en cet antioxydant est une possibilité dans le contexte de l’infection au VIH. Parlez à votre médecin ou pharmacien de tous les suppléments que vous prenez afin qu’ils puissent vous aider à faire les bons choix en fonction de vos autres problèmes de santé et traitements.

Stéroïdes anabolisants, exercice et stimulateurs de l’hormone de croissance

Le recours aux stéroïdes anabolisants et à l’exercice peut aider à accroître la quantité de « tissu maigre », y compris la masse musculaire, mais cette combinaison n’a pas d’impact favorable important sur la perte ou l’accumulation de graisse. Lors d’études menées auprès de personnes recevant les stéroïdes oxymétholone ou nandrolone, la masse musculaire a augmenté, mais il n’y a pas eu de réduction de la graisse accumulée, et l’on a constaté des baisses inquiétantes du taux de cholestérol HDL (le cholestérol sain). Chez les personnes recevant l’oxymétholone, il s’est aussi produit des augmentations des taux d’enzymes hépatiques, ce qui laissait soupçonner la présence de toxicité au foie. Ni l’oxymétholone ni la nandrolone ne sont disponibles sur ordonnance au Canada.

De façon générale, l’exercice seul s’est révélé inutile ou peu utile comme moyen de perdre la graisse associée à la lipodystrophie. Il reste que l’exercice procure de nombreux autres bienfaits, comme l’amélioration de la condition cardiovasculaire, du bien-être mental et de l’estime de soi.

Le médicament tésamoréline (Egrifta) est disponible au Canada. Ce dernier libère une forme synthétique de l’hormone de croissance. Il est approuvé pour le traitement de l’accumulation de graisse liée au VIH. Les essais cliniques ont permis de constater que l’Egrifta réduisait le volume de graisse abdominale viscérale, mais il fallait qu’il soit utilisé pendant longtemps; lorsqu’on cessait d’utiliser le médicament, la graisse abdominale revenait. Le médicament est cher et est utilisé seulement par les personnes bénéficiant d'une assurance privée pour la couverture des médicaments. Le coût de ce médicament n'est pas subventionné par les  listes de médicaments des provinces/territoires.

Chirurgies, produits de comblement du visage et thérapies connexes

La liposuccion permet d’enlever de la graisse dans certaines régions du corps, et certains s’en sont servis avec succès dans le cas des bosses de bison et des lipomes. On peut effectuer une chirurgie standard pour réduire le volume des seins, mais la graisse revient au fil du temps dans certains cas. Ni la liposuccion ni les autres techniques chirurgicales ne peuvent être utilisées sur l’abdomen à cause du risque élevé d’hémorragies.

Pour aider à combler les joues creuses et à restaurer une apparence plus volumineuse au visage, on a recours à une variété de produits de comblement et d’autres thérapies. Les résultats varient. De fait, certains traitements ont des inconvénients sérieux et des complications risquent de survenir, alors il est important de choisir avec soin. Ces chirurgies peuvent coûter cher; parlez à votre médecin pour déterminer si elles sont couvertes dans votre région.

Au Canada, on a recours à deux produits de comblement du visage non permanents, soit l’acide poly-L-lactique (Sculptra) et l’hydroxyapatite de calcium (Radiesse). Les deux nécessitent de multiples injections dans les zones du visage touchées par la perte de graisse. Ces produits de comblement stimulent la production de collagène près des sites d’injection. Le collagène continue à croître pendant plusieurs mois après les injections, ce qui aide à accroître le volume du visage.

Le changement de l’apparence du visage dure habituellement de 12 à 18 mois environ, après quoi un autre traitement est nécessaire pour maintenir les résultats. Même si certaines personnes perçoivent l’impermanence des résultats comme un désavantage, cela peut être en fait un avantage. Si un excès de collagène se manifestait dans une zone donnée, il finirait par disparaître avec le temps. Et si vos propres cellules adipeuses commençaient à se rétablir, vous n’auriez pas d’excès de volume sous la peau. Il est important de choisir un chirurgien plasticien ou un dermatologue qui a beaucoup d’expérience avec l’usage de ces produits de comblement.

Il existe deux autres produits de comblement non permanents que l’on utilise parfois dans le cas de la fonte de graisse faciale. L’acide hyaluronique est une substance qui est une composante normale des tissus conjonctifs. Les versions synthétiques de l’acide hyaluronique (tel le Juvederm ou le Restylane) sont injectées dans le visage. La durée des résultats varie. Le collagène est utilisé depuis longtemps pour le traitement des rides du visage.

Les résultats varient largement selon les personnes qui utilisent les produits de comblement pour la perte de graisse faciale, mais ils ne sont pas généralement de longue durée. La compétence du médecin qui effectue les injections est importante pour obtenir les meilleurs résultats. Aucune étude n’a été menée pour évaluer ces produits dans les cas de fonte de graisse faciale liée au VIH, mais les anecdotes parlent d’améliorations ayant duré jusqu’à six mois.

Il existe plusieurs produits de comblement permanents pour le traitement de la fonte de graisse faciale, dont le polyalkylimide, le polyméthacrylate de méthyle, les implants et l’huile de silicone. Le polyalkylimide (Bio-Alcamid) est un produit synthétique qui est approuvé au Canada pour le traitement de la fonte de graisse faciale. Il doit être injecté plusieurs fois dans le visage. On a fait état de graves problèmes liés à ce produit, y compris des infections aux sites des injections, dont certaines surviendraient longtemps après l’intervention initiale. Selon d’autres rapports, ce produit serait susceptible de migrer loin du site de l’injection originale. Le Bio-Alcamid peut aussi causer des bosses sur le visage. Bien qu’il soit possible de l’enlever, l’intervention en question est douloureuse et coûteuse, et il est plus difficile de la pratiquer si le produit est en place depuis longtemps. Comme elles sont plus conscientes des nombreux problèmes associés au Bio-Alcamid, de nombreuses sociétés de chirurgiens plasticiens ne recommandent plus l’utilisation de ce produit.

Le polyméthacrylate de méthyle (PMMA; Artefill, Precise, Metacrill) est un composé synthétique utilisé en chirurgie cosmétique comme produit de comblement permanent du visage. Tous ces produits contiennent de petites particules de PMMA. On effectue normalement de nombreuses injections de PMMA dans la peau, mais des techniques différentes ont été utilisées dans d’autres pays.

Les implants de polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) (SoftForm, Gore-Tex) et les implants de silicone dure sont utilisés pour combler les grandes zones creuses du visage. Ces implants solides peuvent causer des problèmes chez les personnes aux prises avec une grave fonte de graisse faciale parce que les bords des implants risquent d’être visibles. Certains médecins recommandent que ces implants soient utilisés en combinaison avec un produit qui stimule la production de collagène, l’idée étant que la production de collagène sera suffisante au fil du temps pour que l’implant soit moins visible. Il y a un risque de complications postopératoires, y compris infections et cicatrisation. Les implants peuvent aussi coûter très cher.

L’huile de silicone a déjà été utilisée pour traiter la lipoatrophie liée au VIH, mais l’utilisation d’injections de silicone liquide demeure controversée. Des rapports de cas et une étude particulière ont dégagé des résultats positifs quant à la correction de la lipoatrophie liée au VIH, mais d’aucuns se préoccupent du risque d’effets secondaires, y compris de l’inflammation persistante, la migration du produit et des réactions inflammatoires appelées granulomes. Une fois injectée, la silicone liquide ne peut être enlevée. Le coût varie selon la quantité d’huile nécessaire et les frais exigés pour faire les injections, mais il peut être très élevé. Les implants d’huile de silicone ne sont pas largement utilisés au Canada, et leur innocuité à long terme chez les personnes vivant avec le VIH n’est pas claire.

Enfin, la transplantation de graisse autologue consiste à prélever de la graisse sur une partie du corps afin de l’injecter dans le visage. Comme les personnes souffrant de lipoatrophie risquent d’avoir perdu beaucoup de graisse sous-cutanée, il peut être difficile d’en trouver assez pour l’injecter dans le visage. Il n’en demeure pas moins que cette intervention peut être efficace pour restaurer l’apparence normale du visage lorsqu’elle est pratiquée par un chirurgien plasticien compétent. Un ou deux traitements sont suffisants dans un premier temps, mais des traitements ultérieurs seront nécessaires pour maintenir les bienfaits. Les résultats durent aussi peu que trois mois chez certaines personnes et jusqu’à un an ou plus chez d’autres.