Gérer des affections multiples

 

 

De nombreuses personnes vivant avec le VIH ont également d’autres problèmes de santé chroniques. Certaines d’entre elles sont co-infectées par l’hépatite B ou C. D’autres vivent avec une maladie du cœur et d’autres encore souffrent de diabète, d’ostéoporose, d’insuffisance hépatique, de dépression ou d’autres affections. Plus on vieillit, plus cette situation est courante. De fait, diverses études ont révélé que trois personnes sur quatre de 65 ans et plus vivent avec plusieurs affections en Amérique du Nord.

Contrôler le seul VIH est un défi suffisant. Lorsqu’on y ajoute une ou plusieurs des autres affections mentionnées, qu’elles soient présentes avant le diagnostic de VIH ou qu’elles apparaissent après, prendre en charge sa santé peut devenir plus complexe. Il est donc utile de prendre connaissance des autres problèmes qui risquent de surgir et de savoir les prévenir. Nous espérons que ce chapitre vous aidera à y parvenir.

Quelques enjeux

Une approche en silos des soins de santé

La plupart des lignes directrices sur la pratique clinique, soit des documents conçus pour orienter les décisions des professionnels de la santé quant à la meilleure approche à suivre pour traiter une affection donnée, ne proposent pas de recommandations concernant les personnes atteintes d’affections multiples. Lors d’une étude d’envergure, moins de la moitié des lignes directrices évaluées prenaient en considération l’interaction d’affections nombreuses. Celles qui faisaient exception tenaient compte des besoins des personnes atteintes de deux affections chroniques, mais pas de trois ou plus.

Alors, si vous figurez parmi les nombreuses personnes atteintes du VIH qui souffrent d’hypertension et qui courent un risque accru d’ostéoporose, entre autres, votre médecin risque de ne pas disposer de lignes directrices pour compléter ses connaissances et son expérience. De plus, il est possible que vos rendez-vous trop courts, typiques chez le médecin, vous laissent peu de temps pour discuter des risques et bienfaits d’un plan de traitement complexe ou pour parler de vos préférences et de vos priorités.

Cela explique pourquoi de nombreux médecins suivent les lignes directrices particulières se rapportant à chaque affection dont leur patient est atteint. Cependant, lorsque les recommandations se contredisent, les personnes vivant avec le VIH et leurs soignants risquent de se sentir perplexes, et cela peut finir par compromettre la qualité des soins.

Complications de santé et interactions médicamenteuses

Les personnes ayant de nombreuses affections sont plus susceptibles de connaître des complications (problèmes de santé qui résultent d’une maladie, d’un traitement ou d’une intervention) que les personnes souffrant d’une seule affection. Quant à celles qui prennent des médicaments pour plusieurs problèmes, elles courent un risque accru d’interactions médicamenteuses (cela se produit lorsqu’un médicament modifie les effets d’un autre médicament, d’un aliment ou d’un supplément). Le risque de complications et d’interactions médicamenteuses est le plus élevé lorsqu’une personne se fait prescrire des médicaments par plus d’un médecin. Les drogues et les médicaments en vente libre sont aussi susceptibles d’interagir avec les médicaments anti-VIH et d’autres médicaments sur ordonnance.

C’est pourquoi il est tellement crucial que l’ensemble de votre équipe de soins soit au courant de tout ce qui concerne votre santé (médecins, infirmiers, pharmacien, professionnel de la santé mentale et autres). Pour prévenir les interactions médicamenteuses, il est toujours utile de faire exécuter toutes ses ordonnances dans la même pharmacie.

Soins fragmentés

Si vous vivez avec plus d’une affection comme de très nombreuses personnes, vous risquez d’avoir à gérer différents médecins et autres professionnels de la santé, ainsi que bon nombre de rendez-vous, tests diagnostiques, médicaments et recommandations. Toutefois, vous êtes plus qu’un simple assemblage de parties corporelles et d’affections disparates : vous êtes une personne entière et méritez des soins coordonnés centrés sur les besoins du patient.

Choses utiles

Malgré tous les défis auxquels vous risquez de faire face en vivant avec de nombreuses affections, soyez assuré que vous pouvez prendre des mesures pour obtenir les meilleurs soins possibles. Voici quelques suggestions.

Essayez de trouver un médecin avec qui vous pouvez établir une bonne relation

Il est important que votre médecin connaisse bien le VIH et qu’il travaille en partenariat avec vous afin de vous donner les meilleurs soins possibles. Votre médecin sera un partenaire indispensable durant votre parcours avec le VIH. Cherchez une personne digne de confiance à qui vous pourrez parler ouvertement et honnêtement, quelqu’un qui vous traitera avec le respect que vous méritez.

Pour optimiser la prise en charge de nombreuses affections, voici quelques questions à poser à votre médecin :

  • Quels médecins participeront à mes soins?
  • Quelle expérience ces médecins ont-ils en ce qui concerne la collaboration avec d’autres professionnels de la santé et la prise en charge de la combinaison particulière de maladies que j’ai?
  • Comment mes soins seront-ils coordonnés? Mes médecins et leur personnel vont-ils communiquer entre eux afin que tout le monde soit au courant des recommandations données par les autres?
  • Outre les problèmes qui risquent de surgir à cause d’une seule affection, ma combinaison particulière de problèmes provoquera-t-elle d’autres complications? Si oui, comment seront-elles prises en charge?

Avant de commencer à prendre un nouveau médicament, posez toujours les questions suivantes à votre médecin ou à votre pharmacien : est-il possible que ce médicament interagisse avec les autres médicaments que je prends déjà? Quels effets secondaires pourraient se produire?

Soyez votre propre coordonnateur des soins

Dans un monde idéal, vous auriez quelqu’un pour coordonner et surveiller tous les soins que vous recevez, mais la plupart d’entre nous n’ont pas cette chance. Vous savez peut-être d’expérience qu’il ne faut pas présumer que votre médecin de soins primaires soit au courant de tout. Il est donc possible que vous ayez à suivre le fil des recommandations provenant de différents secteurs et à informer vos médecins des résultats de vos tests, des recommandations des autres professionnels de la santé et des médicaments que vous prenez. Un infirmier ou un travailleur social pourrait vous aider à le faire. En ce qui concerne vos médicaments, votre pharmacien pourrait vous être utile.

Notez tout changement se rapportant à votre état de santé

Il peut être utile de tenir un journal de vos symptômes physiques et émotionnels afin de pouvoir montrer à votre médecin un registre de tout ce que vous éprouvez. Il est bien plus facile de noter les symptômes au fur et à mesure qu’ils se produisent que de se les rappeler plus tard.

Le Dossier de santé personnel peut être utilisé à cette fin. Imprimez ces pages et utilisez-les pour noter vos antécédents médicaux, tous les médicaments que vous prenez, tous les symptômes que vous éprouvez et le nom et les coordonnées de tous vos professionnels de la santé, ainsi que les sujets dont vous voulez parler lors de votre prochain rendez-vous chez le médecin. Si vous le préférez, vous pouvez toujours créer votre propre journal de santé.

Assurez-vous de montrer votre liste de symptômes et de médicaments à votre médecin. C’est la meilleure façon de veiller à ce que les renseignements pertinents se trouvent entre les mains de votre médecin et non au fond de votre dossier médical.

Prenez soin de votre santé mentale

Vivre avec plusieurs affections et gérer de nombreux rendez-vous et médicaments peuvent causer beaucoup de stress, surtout au début. Se sentir malade, surtout si vous avez de la douleur ou devez annuler certaines de vos activités quotidiennes, peut être démoralisant. Comme votre santé physique peut influencer votre santé mentale, et vice versa, votre bien-être émotionnel a lui aussi besoin d’attention (voir aussi « Renforcer son bien-être émotionnel »).

Prenez des mesures pour prévenir les interactions médicamenteuses

En ce qui concerne les médicaments que vous prenez, votre pharmacien peut être une excellente ressource. De nombreuses pharmacies vérifient la possibilité d’interactions entre tous les médicaments que vous obtenez auprès d’elles. Si vous fréquentez plus d’une pharmacie pour faire exécuter vos ordonnances, il va de soi qu’il faut informer chaque pharmacie de tous les médicaments que vous prenez actuellement.

Vous pouvez également vérifier la possibilité d’interactions vous-même en visitant les sites www.guidetherapeutiquevih.com ou www.hiv-druginteractions.org (en anglais seulement).

Plus vous prenez de médicaments, plus il est probable que les interactions possibles n’ont pas été évaluées. Les interactions entre les différents médicaments anti-VIH sont habituellement connues, mais cela n’est pas nécessairement le cas si vous combinez vos médicaments anti-VIH avec un médicament contre l’hypertension, le diabète ou l’arthrite.

Une grande étude canadienne a révélé que les personnes atteintes de plus d’une affection, ainsi que les personnes âgées, étaient souvent exclues des essais cliniques. Les chercheurs ont constaté que 81 pour cent des résultats d’essais cliniques publiés dans les revues médicales les plus prestigieuses n’incluaient pas de patients souffrant de problèmes médicaux coexistants. Par conséquent, il est possible que l’information relative à l’innocuité ou à l’efficacité d’un nouveau médicament chez les personnes atteintes de plusieurs affections n’existe pas. Il est donc encore plus important que vous notiez les symptômes que vous éprouvez afin que les effets secondaires possibles soient détectés.

Renseignez-vous le plus possible

Enfin et surtout, le fait de vous renseigner sur vos problèmes de santé vous procurera un plus grand sentiment de contrôle. Vous pourrez faire des choix plus éclairés en ce qui concerne vos soins et vos traitements. Les personnes vivant avec le VIH sont depuis longtemps des pionnières à cet égard : elles assistent aux conférences sur le traitement du VIH, participent aux forums communautaires sur les nouveautés dans le domaine du VIH, se renseignent sur les plus récents traitements et, bien sûr, lisent des guides comme celui-ci.

Plus que toute autre population de patients dans l’histoire de la médecine, depuis les premiers jours de l’épidémie, les personnes vivant avec le VIH travaillent de façons innombrables pour s’éduquer et éduquer les autres sur les meilleurs moyens de faire face au VIH. Si vous vivez avec de nombreuses affections, voilà un excellent modèle à suivre. Renseignez-vous sur toute affection que vous avez (cherchez de l’information auprès de sources fiables) et apportez les résultats de vos recherches à vos rendez-vous avec votre médecin.

Essayez de ne pas vous décourager. Y aura-t-il des journées difficiles? Sans doute. Y aura-t-il des hauts et des bas avec une affection ou une autre? Bien sûr. Cependant, si vous vous engagez sérieusement à combattre non seulement le VIH mais aussi toute autre affection qui surgit en cours de route, vous aurez de très bonnes chances de vivre longtemps et bien et d’être encore là pour célébrer les progrès du traitement à venir.