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La maltraitance des enfants et la violence conjugale peuvent causer des traumatismes psychologiques dont les séquelles durent de nombreuses années. Des études menées auprès de femmes victimes de violence à l’âge adulte laissent croire que celles-ci sont plus susceptibles de s’adonner à des comportements qui augmentent beaucoup leur risque de contracter le VIH, y compris les rapports sexuels non protégés avec de nombreux partenaires et la consommation d’alcool et de drogues. De plus, selon nombre d’études menées auprès de personnes séropositives, les antécédents de sévices sexuels subis durant l’enfance sont communs.

Les chercheurs d’une clinique VIH de Calgary ont pris connaissance d’une série d’incidents de violence conjugale qu’avaient subis certains de leurs patients et ont décidé de lancer une étude sur ce problème. Spécifiquement, ils ont mené une étude pilote auprès de centaines de patients afin de dépister des cas d’abus. Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a constaté que 35 % de leurs patients avaient été exposés à des comportements abusifs. De plus, les abus subis avaient eu un impact sur l’intention ou la capacité des patients de se faire soigner pour le VIH. Depuis l’étude pilote, la clinique de Calgary a intégré le dépistage de la violence conjugale dans l’évaluation de routine de ses patients et encourage d’autres cliniques à lui emboîter le pas.

Détails de l’étude

Tous les patients qui se sont fait soigner à la Southern Alberta HIV Clinic de Calgary entre juin 2009 et janvier 2010 ont subi un dépistage visant à découvrir différentes sortes d’abus, comme suit :

  • physique
  • sexuel
  • psychologique
  • émotionnel
  • négligence
  • isolement
  • intimidation
  • financier (contrôle de l’accès à l’argent et de la façon dont il est dépensé)

Lorsqu’un participant dévoilait avoir subi des abus, l’entretien se poursuivait pour explorer la nature de la maltraitance. Afin de pouvoir reconnaître des situations à haut risque, le personnel de la clinique demandait aux patients de décrire dans quelle mesure ils se sentaient en sécurité dans le cadre de leur relation actuelle. Les patients qui ne se sentaient pas en sécurité étaient immédiatement dirigés vers la travailleuse sociale de la clinique afin que les interventions nécessaires puissent avoir lieu. On dirigeait aussi nombre de patients vers d’autres services (travailleurs sociaux, psychologues) lorsqu’ils demandaient une aide psychosociale.

Résultats

Au total, 853 patients ont été évalués durant la période de l’étude; 34 % d’entre eux ont dévoilé des antécédents d’abus, comme suit :

  • 14 % de cas de violence conjugale
  • 10 % de cas d’abus subis durant l’enfance
  • 10 % de cas d’abus subis durant l’enfance et à l’âge adulte

De tous les participants ayant dévoilé des cas d’abus, près de 60 % disaient avoir subi plus d’une sorte de maltraitance. Les chercheurs ont également trouvé un lien concret entre les abus qui ont été subis durant l’enfance et ceux plus tard à l’âge adulte.

Démographie

À l’instar de nombre d’études antérieures, celle menée à Calgary a permis de constater que les femmes étaient considérablement plus susceptibles que les hommes d’avoir subi des abus. Les chercheurs ont également trouvé ce qui suit :

  • Les Canadiens autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) avaient le taux d’abus le plus élevé (61 %).
  • Les patients qui s’identifiaient comme des Noirs affichaient les taux d’abus les plus faibles, tant durant l’enfance qu’à l’âge adulte. Mentionnons que la plupart (97 %) des participants noirs étaient des immigrants originaires de l’Afrique subsaharienne. Comme certaines études menées dans cette région ont révélé des taux élevés de violence conjugale, il n’est pas clair pourquoi le taux de dévoilement d’abus était relativement faible dans cette étude chez cette population. L’équipe de chercheurs a souligné que, selon le Rapport canadien de surveillance de la santé des femmes de 2003, « les femmes nées à l’extérieur du Canada rapportent des taux moins élevés de tous les types de violence, comparativement aux femmes canadiennes ».
  • Les femmes hétérosexuelles (41 %) étaient plus susceptibles de dévoiler des antécédents d’abus que les hommes hétérosexuels (26 %).
  • Environ 34 % des hommes gais disaient avoir été victimes d’abus, comme 44 % des patients bisexuels des deux sexes.
  • Les personnes qui s’injectaient de la drogue étaient plus susceptibles de subir des abus (environ 50 %) que les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (31 %).

Problèmes de santé mentale préexistants

Lors de leur évaluation des participants ayant fait l’objet du dépistage, les chercheurs ont trouvé que beaucoup d’entre eux avaient des problèmes de santé mentale sous-jacents, dont les suivants :

  • 25 % des participants ont fait état d’antécédents de dépression
  • 15 % des participants ont fait état d’antécédents d’anxiété
  • 11 % avaient des pensées suicidaires ou avaient fait des tentatives de suicide

Les participants qui signalaient ce genre de problèmes étaient plus susceptibles d’avoir subi des abus.

Comportements visant l’amélioration de la santé

Dans le cadre de la présente étude, les personnes qui dévoilaient avoir subi des abus étaient plus susceptibles d’avoir retardé la recherche de soins et d’un traitement pour l’infection au VIH, comparativement aux personnes n’ayant pas signalé d’antécédents d’abus.

Dépistage

Le programme de dépistage a été bien reçu par le personnel de la clinique et les participants. Bien que 97 % des participants aient répondu aux questions se rapportant à la maltraitance lors du dépistage initial, les autres participants ont eu besoin de discuter plus longuement avec les infirmières et les médecins avant de dévoiler des incidents d’abus. Ce résultat porte à croire que l’établissement d’une relation de confiance avec ses professionnels de la santé favorise le dévoilement complet chez les patients. Les chercheurs de Calgary ont fait valoir que l’interaction continue avec les mêmes employés de la clinique favorisait un « dialogue ouvert » entre les professionnels de la santé et les patients. Ils ont ajouté que leur clinique VIH était perçue comme un lieu sûr par certains patients qui n’avaient de relation de confiance avec personne d’autre à qui ils pouvaient parler des abus subis.

Intervention immédiate

Neuf participants ont eu besoin d’une intervention immédiate, et la clinique leur a facilité « la transition vers un refuge sûr, éloignant ainsi [ces] patients d’un risque immédiat de violence ».

Résumé

Les chercheurs ont fait valoir que les taux élevé d’abus dans la communauté VIH qu’ont révélés cette étude et d’autres « souligne la nécessité d’interventions axées sur la violence conjugale et de programmes de sensibilisation ciblant directement les personnes vivant avec le VIH ». L’équipe de Calgary a affirmé que les professionnels de la santé qui veillent aux soins des personnes séropositives « doivent prendre conscience des taux élevés d’abus chez leurs patients et promouvoir le dépistage, compte tenu de l’impact considérable de la violence conjugale sur l’accès régulier aux soins, la santé mentale et la santé physique. »

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Siemieniuk RA, Krentz HB, Gish JA, Gill MJ. Domestic violence screening: prevalence and outcomes in a Canadian HIV population. AIDS Patient Care and STDs. 2010 Dec;24(12):763-70.