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Vancouver
Vancouver STOP Project
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Introduction

Faire le pont entre les approches de soins occidentales et celles des Premières nations

Au cœur du quartier Downtown Eastside à Vancouver, le programme TAHAH [« Towards Aboriginal Health and Healing » (pour la santé et la guérison des peuples autochtones)] offre un réseau de soutien aux membres des Premières nations qui vivent avec le VIH et doivent composer avec d’innombrables fardeaux sociaux et de santé, dont l’itinérance, la pauvreté et l’utilisation aiguë de drogues ou d’alcool. Au cœur de l’histoire personnelle de chaque client se trouve une méfiance à l’égard des institutions de soins traditionnelles en raison de traumatismes personnels, historiques et institutionnels. 

TAHAH est une initiative de traitement, de soins et de soutien pour le VIH qui vise à favoriser la stabilité des clients et à améliorer leur état de santé général grâce à une intervention clinique et de proximité. TAHAH a recours à la médecine occidentale ainsi qu’aux pratiques et au savoir traditionnels et contemporains des Premières nations. Des pairs intervenants communautaires autochtones et un Aîné travaillent au sein d’une équipe interdisciplinaire qui comprend des infirmières et un responsable de la gestion intensive des cas pour offrir un soutien complet.  

Lorsque vous passez les portes de la Vancouver Native Health Society (VNHS), l’organisme qui héberge TAHAH, vous entrez dans un monde où les cultures des Premières nations sont visibles et tangibles. Malgré toute l’effervescence qui y règne, les clients et les employés sont très chaleureux et accueillent chaque personne qui entre. Vous verrez plusieurs choses se passer en même temps, allant de conversations informelles à des interventions de crise ou du triage médical. On y offre de la nourriture et on en partage. Des téléphones sonnent. Vous aurez aussi l’impression qu’il se passe encore plus de choses dans les coulisses.   

Le personnel de TAHAH vous dira qu’à mesure que les clients cheminent vers la guérison, ce sont tous les membres de la communauté ainsi que son tissu social qui en tirent profit.

Avec le soutien de la VNHS, AIDS Vancouver et l’initiative STOP (« Seek and Treat for Optimal Prevention of HIV/AIDS » — Chercher et traiter, pour une prévention optimale du VIH/sida), le programme TAHAH favorise la création de liens authentiques et thérapeutiques avec les membres des Premières nations vivant avec le VIH et qui sont tombés entre les mailles du filet du système de santé. Ces liens sont considérés comme un passage essentiel vers une meilleure santé et un bien-être accru.

En quoi consiste le programme?

TAHAH [« Towards Aboriginal Health and Healing » (pour la santé et la guérison des peuples autochtones)] est un programme d’interventions cliniques et de proximité qui aide les clients à stabiliser et améliorer leur état de santé général. Dans le cas des clients qui ne prennent pas d’antirétroviraux ou qui ne peuvent pas observer le traitement, le programme les aide à stabiliser les facteurs qui les empêchent d’envisager un traitement, de l’amorcer et de l’observer. Ce programme de soutien, de traitement et de soins s’adresse aux Autochtones extrêmement marginalisés du quartier Downtown Eastside de Vancouver qui vivent avec le VIH. Il se déroule dans les bureaux de la Vancouver Native Health Society (VNHS), un organisme qui fournit un éventail complet de services médicaux, sociaux et de counseling à la communauté du Downtwon Eastside.    

Typiquement, les clients sont aiguillés vers le programme TAHAH par des médecins, des infirmières, des travailleurs de soutien communautaires ou par l’entremise de Positive Outlook – un autre programme de la VNHS. Tous les clients de TAHAH sont aiguillés vers le programme parce qu’ils ont besoin d’un soutien plus poussé pour atteindre et maintenir une stabilité dans leur vie. Par exemple, un client qui se présente à la VNHS tous les jours pour le déjeuner offert dans le cadre du programme Positive Outlook peut être aiguillé vers TAHAH s’il ne prend pas d’antirétroviraux. Un autre client qui suit un traitement antirétroviral peut, quant à lui, faire l’objet d’un aiguillage parce qu’il n’arrive pas à observer son traitement à la méthadone.

Le programme TAHAH, qui dessert 25 à 30 clients actifs, est réalisé par une équipe multidisciplinaire composée d’infirmières, d’un Aîné, d’un responsable de la gestion intensive des cas et de pairs intervenants en santé communautaires qui travaillent tous en étroite collaboration les uns avec les autres. Les pairs sont des personnes autochtones séropositives qui vivent dans la communauté; ils facilitent l’implication des clients de TAHAH et les appuient.

Une fois impliqués dans le programme, les clients ont accès à un éventail de soutiens sociaux et de santé par l’entremise de TAHAH. Des médecins de famille et des spécialistes des maladies infectieuses fournissent des services en clinique; des infirmières et des gestionnaires de cas desservent les clients en clinique et par des interventions de proximité.

Une fois qu’ils ont démontré qu’ils peuvent gérer leur propre traitement antirétroviral et qu’ils ont atteint une certaine stabilité dans plusieurs autres aspects de leur vie, les clients peuvent quitter le programme. Les clients qui déménagent à l’extérieur du quartier Downtown Eastside et qui ne reçoivent plus les services de la VNHS sont également considérés comme ayant terminé le programme.

Philosophie de soins

Le programme TAHAH utilise un modèle global de soins qui intègre les besoins physiques, spirituels/traditionnels, mentaux/émotionnels et sociaux des clients et employés. Les employés du programme ne font pas que fournir des soins médicaux de base et des traitements antirétroviraux; ils reconnaissent aussi le pouvoir de la musique et de l’art, les besoins de nourriture, de logement et de sommeil, ainsi que le besoin de traitements complets et individualisés contre la dépendance lorsqu’on soigne le VIH et d’autres maladies chroniques et débilitantes.

Intégrer les soins autochtones et occidentaux

TAHAH œuvre dans une perspective autochtone, ce qui signifie que les systèmes de connaissances occidentaux et autochtones sont considérés comme ayant la même valeur, et que les deux sont perçus comme étant des composantes essentielles de la prestation de soins de santé aux membres des Premières nations. Un médecin de la VNHS explique que, pour les praticiens occidentaux, le défi est de créer et de garantir l’espace professionnel requis pour intégrer les pratiques et les savoirs culturels des Premières nations.

À la VNHS, l’organisme qui héberge TAHAH, on reconnaît les points forts des deux systèmes de connaissances, ce qui favorise une ambiance de respect mutuel. Le Dr David Tu, médecin en chef de la VNHS, décrit la relation entre les traditions autochtones et occidentales en rappelant les plus anciens traités inscrits sur des ceintures Wampum. La ceinture à deux rangs illustrée ci-dessous représente la relation entre les Premières nations et les peuples colonisateurs. Ils sont comme deux canoës qui partagent la même rivière : chacun a ses propres façons de faire, mais ce sont des frères égaux.

http://www.wampumchronicles.com/

http://www.wampumchronicles.com/

La VNHS a établi ce respect mutuel au fil de nombreuses années passées à resserrer les liens entre ces deux communautés et par l’intégration de la roue médicinale à tous ses programmes et services. La roue médicinale enseigne le respect et l’inclusion. TAHAH embauche des employés et des bénévoles qui respectent les deux formes de savoir et qui veulent être guidés par la roue médicinale.

Raison d'être du programme

Deux grands virages à la VNHS ont mené à la création du programme TAHAH. Déjà en 2005, l’amélioration des médicaments anti-VIH permettait aux personnes séropositives de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Les soins anti-VIH offerts à la VNHS à l’époque passaient graduellement d’un modèle adapté aux maladies infectieuses à un modèle axé sur la gestion des maladies chroniques. Ce nouveau modèle a permis à l’équipe de se concentrer sur des objectifs de soins à plus long terme pour les clients, y compris l’autogestion par le patient. Ce changement a aussi amené la VNHS à élaborer des programmes aptes à réduire les obstacles auxquels certaines personnes font face dans l’accès à des traitements anti-VIH.

Même si cette approche a mené à des améliorations considérables dans le traitement anti-VIH pour les clients autochtones de la VNHS, il était évident que certains Autochtones séropositifs vivant dans la communauté continuaient de tomber entre les mailles du filet et ne recevaient pas de soins de santé appropriés. Le modèle de soins de santé normalisé et peu restrictif offert à la clinique était mal adapté aux besoins de santé et aux circonstances sociales complexes de ces personnes.  

Au même moment (2005-2007), la VNHS prenait part à un projet de recherche dans le cadre duquel quatre membres des Premières nations vivant avec le VIH ont reçu une formation pour devenir chercheurs communautaires. Les quatre pairs ont suivi un programme intensif d’un an à l’Université Simon Fraser et ont acquis un éventail de compétences, dont la capacité d’offrir un soutien solide à leurs pairs. Ces personnes étaient des clients du programme Positive Outlook de la VNHS et ce travail d’entraide leur a permis de s’intégrer davantage dans l’organisme.

Les leçons apprises à la VNHS pendant l’adoption d’un modèle de gestion des maladies chroniques et l’intégration de pairs intervenants communautaires dans l’organisme ont façonné le modèle de programme adopté pour TAHAH. Afin d’impliquer avec succès les membres de la communauté qui avaient besoin d’un soutien poussé pour stabiliser leur vie de manière à avoir accès à des soins normalisés, on a élaboré une approche de gestion intensive des cas où les pairs qui ont suivi la formation sont devenus le personnel de base du programme.

Les objectifs du programme TAHAH étaient alignés sur ceux du projet STOP, y compris l’objectif d’améliorer l’accès aux soins et aux traitements anti-VIH. En 2011, TAHAH a commencé à fonctionner avec l’appui financier de STOP.

Mise en œuvre du programme

Lieu

Le programme TAHAH se déroule à la Vancouver Native Health Society (VNHS), une des cliniques les plus achalandées du quartier Downtown Eastside à Vancouver. Fondée en 1991, la clinique utilise une approche axée sur la réduction des méfaits pour traiter et appuyer ses clients. En plus d’un large éventail de services de santé, la VNHS offre plusieurs services de réduction des méfaits : traitement à la méthadone, counseling en matière de dépendance, sensibilisation au diabète, le programme Sheway (soutien aux femmes et à leurs enfants aux prises avec des problèmes de dépendance) et le programme Positive Outlook. Les clients de TAHAH ont pleinement accès à l’éventail de soutiens cliniques et sociaux offerts par la VNHS.

La VNHS préconise un modèle de collaboration pour la prestation des soins, les traitements et la prévention. L’organisme a établi des partenariats avec d’autres services cliniques et communautaires de Vancouver comme l’hôpital St. Paul et BC Housing, et aide ses clients à avoir accès à ces autres services.

Lien avec le programme Positive Outlook

TAHAH est un sous-programme de Positive Outlook, dont la VNHS est également l’hôte. Positive Outlook fournit des soins, des traitements et des services de soutien aux personnes vivant avec le VIH. En plus de soins infirmiers et de services d’intervention de proximité, le programme offre du counseling en matière de dépendance, des services de travail social, des régimes médicamenteux avec soutien complet, des petits déjeuners et déjeuners complets, une banque alimentaire hebdomadaire et un programme de supplément au loyer. Positive Outlook fonctionne sept jours sur sept. Les clients de TAHAH peuvent donc y avoir accès pendant le week-end quand TAHAH est fermé.

De nombreux clients de TAHAH ont recours aux services de Positive Outlook sous une forme ou une autre – par ex., petits déjeuners et déjeuners quotidiens, le centre de jour. Le personnel de TAHAH peut aborder et suivre ses propres clients lorsqu’ils utilisent les services de Positive Outlook. Les deux programmes tiennent aussi une conférence de cas commune chaque matin; cette interaction unique est très importante puisqu’elle permet d’assurer une continuité des soins aux clients et d’offrir un soutien aux employés.

Pairs intervenants en santé

Les pairs intervenants en santé sont une composante essentielle de TAHAH. Le programme emploie quatre personnes à raison de quatre heures par semaine chacune. Tous les pairs qui travaillent à TAHAH sont des clients du programme Positive Outlook. Ils ont commencé à effectuer du travail avec les pairs en 2005 dans le cadre d’un projet de recherche communautaire mené en partenariat avec l’Université Simon Fraser. Ce partenariat a permis aux pairs de suivre un programme de formation d’un an comme chercheurs communautaires et d’acquérir des connaissances et des compétences de base en lien avec leur rôle de pair.

La plupart des pairs intervenants en santé – qui eux-mêmes doivent encore relever plusieurs des défis que rencontrent les clients de TAHAH – travaillent avec la VNHS depuis 2006, ce qui démontre à quel point ils sont dévoués à leur travail.

Le gestionnaire de cas ou une infirmière rencontre les pairs intervenants en santé chaque semaine pour faire le bilan, cerner les aspects à améliorer, résoudre les problèmes et s’assurer que les pairs s’occupent activement de leur propre santé et veillent à éviter l’épuisement professionnel.  

TAHAH est en train de revitaliser son système de soutien aux pairs intervenants en santé afin d’aider ceux-ci à fournir les meilleurs services possibles aux clients. Étant donné le nombre restreint de clients suivis par TAHAH, sans compter l’engagement des pairs actuels et l’intensité de la formation qui leur est fournie – deux éléments difficiles à reproduire – TAHAH ne recrute pas de nouveaux pairs intervenants en santé.

Repérage des clients potentiels de TAHAH

Les clients de TAHAH sont des personnes autochtones vivant avec le VIH dans des conditions de marginalisation extrême et dans une grande instabilité pouvant être liée ou non à leur statut sérologique (par ex., elles n’observent pas leur thérapie antirétrovirale ou ne sont pas en mesure d’en entamer une). Cette instabilité peut aussi être liée à d’autres aspects sociaux ou de santé de leur vie (par ex., itinérance, difficultés à observer le traitement à la méthadone). Presque tous les clients vivent avec une dépendance et certains ont des problèmes de santé mentale.

Tous les clients sont aiguillés vers le programme par un fournisseur de soins de santé, habituellement un médecin de la VNHS ou un employé du programme Positive Outlook. Il arrive aussi que l’aiguillage soit effectué par un membre de l’équipe d’intervention de proximité de STOP. Les personnes qui adressent les patients savent reconnaître l’instabilité dont il est question plus haut et recommandent les clients qui ont besoin d’un soutien plus poussé que ce qu’elles sont en mesure de leur offrir.

Lorsqu’une personne manifeste un certain intérêt envers les services offerts par TAHAH, un processus d’implication plus intensif s’enclenche. Une infirmière de TAHAH et le gestionnaire de cas abordent la personne dans les bureaux de la VNHS, chez elle, dans la rue ou encore lorsqu’elle visite le programme Positive Outlook pour lui parler de TAHAH. Ils peuvent aussi aborder quelqu’un directement dans la communauté lorsqu’ils effectuent de l’intervention de proximité. Dans tous les cas, le but de ce premier contact est de présenter le programme et de commencer à bâtir un lien de confiance entre la personne et TAHAH.   

Implication initiale et continue du client : bâtir la confiance et la stabilité

L’un des principaux buts du programme TAHAH est de réduire la transmission du VIH en assurant l’accès aux traitements anti-VIH. Cependant, il faut parfois déployer des efforts considérables pour aider le client à acquérir une certaine stabilité avant qu’il ne soit prêt à envisager un traitement anti-VIH. Cette recherche de stabilité peut inclure un examen des besoins de survie fondamentaux du client – comme le logement et la nourriture – et de ses autres problèmes de santé.

Lorsqu’on détermine qu’une personne pourrait tirer profit des services de TAHAH, les infirmières et le gestionnaire de cas entament une évaluation douce mais détaillée. En utilisant un formulaire d’accueil sous forme de roue médicinale, ils peuvent dresser un profil complet du client et commencer à élaborer un régime de soins. Il est toutefois rare que le processus d’admission s’effectue en une seule visite puisque la plupart des clients de TAHAH doivent composer avec plusieurs problèmes complexes. L’équipe échelonnera plutôt l’évaluation sur une certaine période afin de ne pas accabler le client.

TAHAH fait preuve d’une grande souplesse et organise différentes activités chaque jour pour répondre aux besoins uniques de chaque client. Chaque matin, l’infirmière de service et le gestionnaire de cas du programme commencent par rencontrer le personnel de Positive Outlook puisque tous les clients de TAHAH sont aussi des clients de ce programme. L’infirmière et le gestionnaire de cas se concertent ensuite entre eux pour discuter des besoins des clients et élaborer un plan pour la journée. C’est au cours de ces discussions qu’ils décident si un pair intervenant en santé devrait participer ou non au régime de soins d’un client. Tous les clients ne sont pas nécessairement jumelés à des pairs. La décision de faire appel à un pair dépend entièrement des besoins particuliers de chaque client.

Bien que chaque client entretient une relation unique avec TAHAH, tous les participants font typiquement l’objet d’une gestion de cas intensive après leur admission afin qu’on puisse combler leurs besoins immédiats. Par exemple, un client peut se voir offrir l’accès à un logement sécuritaire, un traitement contre des infections ou des soins pour des plaies. On aide aussi les clients à avoir un accès initial (et ensuite de façon soutenue) à des tests de la charge virale et des comptes de CD4 afin d’évaluer leur état de santé relativement à leur statut sérologique. Les employés de TAHAH communiqueront ensuite avec les médecins de famille, les spécialistes, les pairs intervenants en santé et d’autres fournisseurs externes de soins de santé et de services sociaux afin de s’assurer que les clients reçoivent les soins complets dont ils ont besoin. Le soutien est intensif et très adapté aux besoins du client.

TAHAH établit des contacts avec ses clients de plusieurs manières. Les clients peuvent se présenter sur place pour consulter le gestionnaire de cas, mais la majorité du travail de soutien a lieu dans la rue et chez les clients. Les infirmières, le gestionnaire de cas et les pairs intervenants en santé font un travail d’intervention de proximité considérable en effectuant un suivi actif auprès des clients et en s’occupant des problèmes de santé pressants. Que ce soit lors des visites des clients sur place ou des activités d’intervention de proximité des employés, on constate que les clients sont souvent aux prises avec des problèmes plus urgents et plus immédiats que leur statut sérologique. Ces interventions de première ligne aident également à établir une relation solide. Il se forme donc, dans ce contexte, des liens authentiques et thérapeutiques qui, alliés à un accès accru à un soutien pour la survie – nourriture, abri, etc. – aident les clients de TAHAH à améliorer graduellement leur bien-être.         

Traitement anti-VIH sur place et accès à des moyens de guérison

Les clients de TAHAH ont accès sur place à des spécialistes en VIH, des médecins de famille, des infirmières et divers professionnels paramédicaux. Le savoir, les cérémonies et les soutiens traditionnels des Premières nations sont aussi offerts à la clinique, souvent par l’entremise d’un aîné, ce qui peut fortement influencer la capacité et la volonté d’un client à recourir à des services sociaux et de santé occidentaux. L’équipe de TAHAH travaille avec un client pendant plusieurs mois et utilise la gestion intensive des cas, les soins cliniques et la navigation dans le système pour l’aider à acquérir une stabilité accrue et à se préparer au traitement antirétroviral. Ce travail comprend une sensibilisation continue aux défis auxquels le client pourrait faire face durant le traitement, surtout pendant le premier mois. Les pairs intervenants en santé peuvent être très utiles à cette étape des soins dans le cas des clients qui sont particulièrement hésitants à entreprendre le traitement. Les pairs et les clients peuvent discuter entre eux de ce que c’est réellement que d’amorcer un traitement anti-VIH.

Lorsqu’un client choisit d’avoir recours à un traitement anti-VIH, il travaille en étroite collaboration avec le spécialiste en VIH présent sur place et se soumet aux tests appropriés de résistance et de génotype avant d’entreprendre le traitement. Les clients reçoivent habituellement leurs médicaments de l’une des deux façons suivantes : à la pharmacie adjacente à la VNHS et avec laquelle VNHS a une très bonne relation, ou par l’entremise du programme de médicaments de Positive Outlook. Lorsque des clients ne se présentent pas au programme Positive Outlook pour cueillir leurs médicaments, les employés font du travail d’intervention de proximité pour essayer de les leur livrer. Si des employés savent pertinemment qu’un client n’a plus de médicaments et sont incapables de le trouver pour lui en fournir d’autres, ils avertissent son médecin.    

En assurant une gestion de cas intensive et une surveillance clinique continue, ainsi qu’un accès aux soins traditionnels des Premières nations, les employés de TAHAH aident les clients à respecter leur régime thérapeutique et peuvent déterminer si les soins offerts à un client devront être modifiés (ex. : modifier la combinaison de médicaments ou l’intensité du soutien). Les médecins et le spécialiste des maladies infectieuses travaillent sur place et en étroite collaboration avec l’équipe et le client afin de suivre l’observance du traitement et les progrès réalisés.   

Les activités décrites ci-dessus font partie d’un modèle de soins intensif et individualisé qui met l’accent sur les soins axés sur le client et l’autonomie de celui-ci. Bien que TAHAH cherche à soutenir les clients par de l’éducation, du soutien et du counseling par les pairs, le programme promeut aussi le droit des clients de choisir et de prendre des décisions éclairées quant à leur santé et leur bien-être.

« Finissants » du programme TAHAH

Lorsqu’un client a atteint une stabilité dans plusieurs aspects de sa vie (par ex., il a un logement stable et suit son traitement anti-VIH depuis un certain temps), il peut cesser de participer au programme. Habituellement, les clients ne quittent TAHAH que lorsqu’ils sont stables ou qu’ils déménagent en dehors de la communauté du Downtown Eastside (et cessent d’avoir recours aux services de la VNHS).

Les clients qui vivent des réalités complexes peuvent mettre beaucoup de temps à bâtir un fondement solide et stable pour leur vie. L’équipe de TAHAH doit travailler à un rythme qui convient au client et aborder les questions qui sont les plus importantes pour celui-ci. Bien que certains participants passent éventuellement à autre chose, le pourcentage de clients qui terminent le programme est peu élevé étant donné le temps que peuvent mettre certains à se stabiliser. Les relations qu’ils forgent à long terme avec les clients sont très importantes pour les membres de l’équipe de TAHAH et ces derniers continueront de fournir un soutien au besoin. Toutefois, la faible proportion de « finissants » représente un défi pour TAHAH puisque le programme ne peut accueillir que quelques cas à la fois. Si aucun participant ne termine le programme, il n’y a pas de place pour de nouveaux clients. Il n’y a typiquement qu’un ou deux « finissants » par année.

Ressources requises

Ressources humaines

TAHAH emploie une infirmière à temps plein (le poste est divisé entre deux employées à temps partiel); un gestionnaire de cas qui travaille 32 heures par semaine; des pairs intervenants en santé qui travaillent chacun quatre heures par semaine; et un aîné qui travaille  dix heures par semaine pour tous les programmes de la VNHS.

Les employés de TAHAH travaillent en étroite collaboration les uns avec les autres selon un modèle de leadership coordonné et non hiérarchique. Le titulaire de chaque poste amène un ensemble particulier de compétences; il y a cependant une grande fluidité entre les différents rôles quant à la façon dont les liens sont établis avec les clients et les soutiens offerts.

Tous les employés de TAHAH travaillent d’abord et avant tout à établir et à maintenir des relations de confiance avec les clients. Il y a aussi d’autres responsabilités rattachées à chaque poste, comme il en est question ci-dessous.

Le rôle des infirmières consiste à cerner les problèmes de santé les plus pressants auxquels les clients font face et qui n’ont souvent aucun lien avec leur statut sérologique. En fournissant des soins de santé immédiats et nécessaires, les infirmières établissent une relation de confiance avec les clients et s’engagent avec eux dans un dialogue thérapeutique et éducatif. Elles encouragent aussi les clients à passer des tests sanguins afin de surveiller la charge virale et le compte de CD4, et elles les renseignent sur les choix de traitement. De plus, les infirmières rappellent aux clients leurs rendez-vous médicaux et les y accompagnent.

Le rôle du gestionnaire de cas est d’augmenter l’accès du client aux services favorisant la stabilisation. Ces services comprennent souvent un logement, de la nourriture et des prestations d’invalidité. Le gestionnaire de cas rappelle aussi au client ses rendez-vous chez le médecin et les spécialistes, et l’y accompagne. Grâce à une gestion de cas intensive, il assure la fluidité entre les différents aspects des soins fournis aux clients.

L’Aîné de TAHAH est bien connu et respecté dans le quartier Downtown Eastside. Sa participation au programme fournit une voie essentielle vers le savoir, les traditions et les cérémonies des Premières nations – des éléments auxquels les clients accordent souvent beaucoup de valeur, mais qui existent en quantité limitée dans leur vie. L’aide offerte pour renouer avec les traditions culturelles autochtones peut être une source de force et de guérison pour les clients des Premières nations. L’aîné offre également un soutien pratique et philosophique aux pairs et au reste de l’équipe de TAHAH en faisant la promotion du savoir autochtone dans les soins et le soutien apportés aux clients du programme.

Les pairs intervenants en santé sont des clients du programme Positive Outlook et chacun s’identifie comme étant une personne autochtone séropositive. Deux des quatre pairs vivent encore dans le quartier Downtown Eastside. Les pairs sont attentifs aux besoins des clients et soutiennent ces derniers de plusieurs façons. Ils peuvent, par exemple, agir comme proches auprès des clients qui vivent dans un isolement extrême. Ils rendent visite aux clients à l’hôpital, leur parlent de leur traitement anti-VIH et de la vie avec le VIH, les accompagnent à leurs rendez-vous et les aident à s’orienter lorsqu’ils commencent à utiliser les ressources disponibles.

Défis

  1. Le temps nécessaire pour établir des relations. Le traumatisme historique et institutionnel qu’ont vécu les clients de TAHAH les a rendus méfiants à l’égard des services sociaux et de santé. En outre, plusieurs clients vivent dans une instabilité qui les empêche de se prévaloir des services normalisés. Il faut donc beaucoup de temps pour bâtir des relations – peut-être plus qu’il n’en faudrait avec d’autres communautés.
  2. La nature transitoire de la population. La clientèle éphémère et une pénurie locale de logements constituent des obstacles à la prestation de services par TAHAH. Les clients ont besoin de logements stables pour être en mesure d’établir des contacts réguliers.
  3. Défis liés au maintien d’une relation thérapeutique. Maintenir une relation thérapeutique avec un client de TAHAH est tout aussi difficile que d’en établir une. Les employés doivent faire preuve de patience, de résolution et d’assurance, tout en travaillant au rythme du client et dans le respect des priorités de ce dernier. Au fil du temps, les priorités du client et des intervenants communautaires se rejoignent et tendent vers un engagement à utiliser les services. Cet alignement évolue naturellement au fur et à mesure que les clients se sentent respectés par les intervenants et que leurs besoins essentiels comme le logement, la nourriture et un sentiment d’appartenance à la communauté sont comblés.  
  4. Enjeux liés aux ressources humaines. Embaucher et retenir des employés qualifiés et compétents est un défi constant. Les clients de TAHAH font face à des problèmes multiples et le soutien qu’ils requièrent exige un nombre considérable d’heures de travail. TAHAH gère donc un nombre restreint de cas et limite les nouvelles inscriptions aux personnes qui ont le plus besoin des services.
  5. Éthique de l’autonomie du patient. Il y a souvent des débats sur la capacité des clients à prendre les « bonnes » décisions concernant leur bien-être lorsqu’ils ont des problèmes de santé mentale non traités, des problèmes de développement, des dépendances aiguës ou une combinaison de ceux-ci. Cela pose un défi constant pour les employés qui tentent de comprendre pourquoi certains clients – surtout ceux qui sont malades ou mourants - refusent les traitements et les soins. À l’avenir, il serait utile que TAHAH embauche, à temps partiel ou au besoin, un consultant spécialisé en éthique, en troubles cognitifs, en santé mentale et/ou en autonomie du patient.
  6. Défis pour les pairs intervenants en santé. Passer du rôle de simple participant au programme Positive Outlook à celui de travailleur de soutien a été un défi pour tous les pairs qui évoluent au sein de l’équipe. Les autres membres de l’équipe, quant à eux, ont dû apprendre à évaluer le niveau d’encadrement et de soutien requis (ou non) par les pairs et à reconnaître ces anciens « clients » comme de nouveaux employés qui ont maintenant accès à un espace de travail et à des dossiers qui leur étaient auparavant inaccessibles. Les pairs intervenants en santé ont dû s’habituer aux responsabilités afférentes à leurs nouveaux postes, y compris la prise en charge de leur propre santé et le travail solidaire. L’embauche de pairs comme intervenants en santé communautaires exige d’importants investissements en ressources humaines pour le soutien, la formation et l’encadrement.
  7. Défis associés à l’intégration des cultures et pratiques de guérison des Premières nations. L’inclusion des cultures et pratiques de guérison des Premières nations est essentielle, mais pas toujours facile. Bien que TAHAH soit situé sur le  territoire traditionnel de la nation Coast Salish, définir ce qui constitue des pratiques de guérison « autochtones » n’est pas toujours facile lorsqu’on travaille avec des peuples autochtones urbains très diversifiés qui ne partagent pas nécessairement la même culture, la même histoire ou la même langue. De plus, des stéréotypes « panindiens » sont souvent appliqués à toutes les communautés des Premières nations. TAHAH cherche à supprimer ces croyances. Enfin, créer et garantir l’espace professionnel requis pour l’intégration des pratiques et savoirs culturels des Premières nations représente aussi un défi pour les praticiens occidentaux.

Évaluation du programme

Dans le cadre de son entente de financement avec le projet STOP Vancouver, TAHAH est tenu de mener des évaluations continues des indicateurs cliniques du bien-être des clients. Les employés de TAHAH rendent aussi compte des éléments suivants :

  • le nombre de clients recevant un soutien actif de TAHAH
  • le nombre de clients ayant terminé le programme
  • le nombre de clients suivis par un médecin de famille (à la VNHS ou ailleurs)
  • le nombre de clients qui suivent un traitement anti-VIH et qui ont une charge virale de moins de 200 copies/ml
  • le nombre de clients ayant un compte de CD4 de moins de 200 cellules/mm3 et qui ne suivent pas de traitement anti-VIH
  • le nombre de clients qui ont rempli des formulaires de demande pour obtenir un logement social ou des prestations d’invalidité
  • le nombre de clients ayant obtenu un logement social ou des prestations d’invalidité
  • le nombre de clients qui disent jouir d’une sécurité alimentaire.

TAHAH évalue son succès à l’aide des indicateurs susmentionnés et d’après l’opinion des employés quant aux progrès réalisés par les clients dans l’atteinte d’une stabilité à long terme – une chose difficile à évaluer. Les employés évaluent ce progrès en examinant les changements positifs, petits ou grands, dans la vie des gens (par ex., signes indiquant que le client est de plus en plus résolu à recourir à des soins de santé et à des services connexes).

Leçons tirées

  1. Il est essentiel de connaître les histoires, les cultures et les philosophies des peuples autochtones en matière de santé. Un soutien doit être offert aux fournisseurs de soins de santé afin de les sensibiliser au contexte historique et aux cultures des peuples autochtones du Canada et à la façon dont ceux-ci perçoivent la santé. Pour les Premières nations, la santé est bien plus que la simple absence de maladie. Leur vision de la santé est également influencée par leur expérience historique et personnelle de la colonisation.
  2. Il faut beaucoup de temps pour bâtir et maintenir des relations thérapeutiques, mais cela en vaut la peine. Établir des relations thérapeutiques avec des personnes qui sont méfiantes à l’égard des systèmes de santé et qui ont vécu des traumatismes peut être long. Ces relations sont cependant essentielles si l’on veut aider les clients à avoir accès à un plus large éventail de choix en matière de santé.
  3. Les pairs intervenants en santé peuvent forger un lien unique avec les clients. Les pairs fournissent de l’information et incarnent les habiletés requises pour naviguer le paysage extrêmement complexe de la vie dans la rue, de l’infection au VIH et de l’utilisation de drogues ou d’alcool.
  4. Les programmes doivent pouvoir être adaptés aux besoins des clients. TAHAH évolue continuellement afin de s’adapter aux besoins de ses clients; le programme conçoit la santé comme étant un processus graduel qui se poursuit tout au long de la vie. L’atteinte d’un bien-être après une infection au VIH, un traumatisme, l’utilisation de drogues ou d’alcool ou des dépendances est perçue comme étant un cheminement. On entend souvent dire que les employés de TAHAH « marchent aux côtés des clients » sur le chemin de la guérison.
  5. Les équipes de soins de santé multidisciplinaires sont essentielles pour fournir les meilleurs soins possibles. La présence de spécialistes sur place favorise une approche globale aux problèmes de santé et des processus d’aiguillage peu restrictifs.
  6. Il faut aborder les déterminants sociaux de la santé. Une personne ne peut pas participer aux décisions concernant sa propre santé – par ex., l’amorce d’un traitement anti-VIH – si elle ne dispose pas d’un logement sécuritaire et abordable, d’une source de revenus fiable et d’un médecin de famille qui comprend les complexités des dépendances, des problèmes de santé mentale et des maladies liées à la pauvreté.

Matériel du programme

Coordonnées

TAHAH

Gestionnaire de cas : 604-369-5996

Infirmière : 604-369-3640

Programme Positive Outlook 604-254-9937

Vancouver Native Health Society
441, rue Hastings Est
Vancouver, C.-B.
Canada

Introduction au projet STOP HIV/AIDS

Le projet « Seek and Treat for Optimal Prevention of HIV/AIDS » ou STOP était un projet pilote de quatre ans (2010-2013) financé par le gouvernement de la Colombie-Britannique à un coût de 48 millions de dollars. Ce projet visait à améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH et à réduire le nombre de nouvelles infections par le VIH en adoptant une approche proactive en matière de santé publique pour repérer les personnes vivant avec le VIH, les arrimer à des programmes de soins et de traitement du VIH et les aider à suivre leurs programmes de soins. Le projet visait aussi à rehausser l’expérience des personnes vivant avec le VIH ou le sida dans toutes leurs interactions avec les services sociaux et de santé et à améliorer de façon considérable l’arrimage et l’implication dans tout le continuum des services de prévention, de dépistage, de diagnostic, de soins, de traitement et de soutien liés au VIH.

Le projet STOP a été mis en œuvre à Vancouver et à Prince George. Il regroupait de nombreux programmes distincts et interreliés menés dans des cliniques, des hôpitaux ou en milieu communautaire, ainsi que des programmes axés sur les politiques mis sur pied grâce à la collaboration d’un nombre important d’intervenants. À Vancouver, les organismes Vancouver Coastal Health et Providence Health Care ont joint leurs forces pour créer le Vancouver Project. Ce partenariat a permis aux deux organismes de partager les tâches de gouvernance, de financement et de production de rapports pour plusieurs des initiatives menées à Vancouver entre 2011 et 2013.

En 2011, le projet STOP de Vancouver a fourni des fonds au programme TAHAH qui, jusque-là, n’avait été qu’un projet de recherche. Ces ressources ont permis à TAHAH de se poursuivre au-delà de l’échéance du projet de recherche en fournissant un financement soutenu pour les postes d’aîné, de gestionnaire de cas et de pair intervenant en santé. Alors que des infirmières avaient été embauchées lors des premières années du projet de recherche, il n’avait ensuite plus été possible de financer ces postes. Les fonds provenant de STOP ont permis à TAHAH d’embaucher deux infirmières de Vancouver Coastal Health à temps partiel et ainsi d’augmenter sa capacité à servir ses clients. Ces deux postes ont procuré un autre avantage : maintenant que ses propres infirmières travaillaient à TAHAH, Vancouver Coastal Health a pu forger une relation unique avec le programme.