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CATIE
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« U=U. » Life4Me+ a lancé une campagne de sensibilisation dans les pays de langue russe d'Europe de l'Est et d'Asie centrale.

Percée extraordinaire, historique, révolutionnaire. Autant de mots utilisés pour décrire la découverte que le VIH indétectable est intransmissible sexuellement. Mais à quoi sert la science révolutionnaire si les gens ne sont pas au courant? Bruce Richman, force motrice d’I=I, décrit comment cette campagne naguère impopulaire a atteint la masse critique.

Lorsque mon médecin m’a dit en 2012 que je ne pouvais pas transmettre le VIH par le sexe parce que j’avais une charge virale indétectable, ma vie a changé. J’étais aux anges. Depuis des années j’avais tellement peur de transmettre le VIH à d’autres personnes que je ne m’étais pas ouvert à l’amour. Enfinm je me sentais libre. Mais cela m’a frappé que personne ne semblait parler de cette nouvelle extraordinaire.

Les sites d’information sur le VIH affirmaient que le risque de transmission du VIH persistait même si la charge virale était indétectable. J’ai commencé à parler à des chercheurs, à des directeurs de cliniques et à quelques leaders séropositifs de la communauté VIH. Ils étaient au courant de la recherche, mais elle semblait être un grand secret dans le domaine. On ne disait pas à la plupart des gens qu’ils ne pouvaient pas transmettre le VIH par voie sexuelle si leur charge virale était indétectable. Seule une minorité privilégiée était au courant. Des millions d’autres étaient laissés dans le noir, surtout les personnes déjà marginalisées par le système de santé.

J’ai senti qu’il fallait faire quelque chose pour répandre la nouvelle. Alors, à l’été 2015, j’ai commencé à collaborer avec d’autres militants et des chercheurs pour lancer la campagne Indétectable=Intransmissible (I=I) pour m’assurer que la nouvelle de cette percée scientifique concernant la transmission du VIH atteindrait les personnes qu’elle était censée aider.

J’avais créé des campagnes centrées sur des causes pour des personnes et des marques de haut profil auparavant, mais c’était la première fois que je m’embarquais dans une affaire si proche de mon cœur qui avait un si grand potentiel pour aider les gens et le domaine. J’ai laissé tomber les revenus de mes clients précédents, ai emménagé dans un studio de la ville de New York et me suis armé d’une foi absolue que la vérité et la science seraient mes guides.

Préparer le terrain

Il est stupéfiant de repenser à tout ce que la communauté I=I mondiale a accompli en si peu de temps. Il y a un peu plus de deux ans, notre petit groupe a commencé à rédiger la déclaration de consensus avec les chercheurs responsables des études historiques sur le traitement comme prévention, soit HPTN 052, PARTNER, Opposites Attract et la Déclaration suisse. Nous prévoyions utiliser cette déclaration comme outil de défense des droits pour obtenir des appuis influents aux données probantes confirmant qu’I=I. Lorsque nous avons lancé la déclaration de consensus à l’été 2016, nous nous croyions en possession du Saint Graal.  C’était un radeau de sauvetage dans un océan de stigmatisation liée au VIH.

Nous avions besoin de champions. I=I a reçu un souffle de vie lorsque l'innovant Dr Demetre Daskalakis du département de santé de New York l’a signé cet été-là et que la fiducie Terrence Higgins a pris les rênes au Royaume-Uni. Cependant, même après l’adhésion de la ville de New York et de plusieurs organismes américains puissants quelques mois plus tard, un manque frustrant d’acceptation de la science ou même de compréhension de l’importance du message persistait. J’avais souvent l’impression que notre radeau calait.

Réserves et résistance

La réponse initiale a été mitigée. Peu de gens reconnaissaient que I=I était vrai. Nous avons trouvé quelques visionnaires pour nous appuyer, mais la plupart des organismes VIH établis dans le monde disaient à nos militants qu’ils avaient tort et qu’ils constituaient même un danger pour la santé publique.

Les gens s’inquiétaient de la boîte de Pandore qui risquait de s’ouvrir si les personnes vivant avec le VIH abandonnaient les condoms, et de la montée des ITS qui s’ensuivrait. Certains s’inquiétaient de la possibilité que les gens ne comprennent pas qu’ils doivent prendre leurs médicaments tous les jours pour rester indétectables. Autrement dit, ils craignaient que les personnes vivant avec le VIH ne comprennent pas qu’il faut prendre les médicaments pour les faire agir. On nous disait que ce serait un désastre dans les endroits où les gens n’avaient pas accès au traitement et aux tests de la charge virale réguliers. Les personnes qui doutaient de la science croyaient que nous étions malhonnêtes et contrevenions à l’éthique.

Essentiellement, on nous disait de nous taire.

La connexion canadienne

La campagne a pris son élan en janvier 2017 lorsque Laurie Edmiston, directrice générale de CATIE, a exprimé son appui à I=I de façon non équivoque :

Nous tous, ici, chez CATIE, et par le fait même les gens de partout au monde, célèbrent l’avancée la plus importante dans le monde du VIH depuis l’avènement du traitement combiné efficace il y a 20 ans : les personnes vivant avec le VIH et ayant une charge virale indétectable durable peuvent déclarer avec confiance à leurs partenaires sexuels qu’elles ne sont pas contagieuses!

Lorsque Bob Leahy, éditeur de positivelite.com et principal défenseur canadien d’I=I, m’a fait part du soutien de CATIE, je ne pouvais pas parler parce que je sanglotais. La crédibilité et la portée de l’influence de CATIE ont aidé à mettre le message sur une trajectoire internationale.

La déclaration de CATIE et ses activités de défense des droits et éducatives continues ont pavé la voie pour d’autres organismes canadiens et à l’étranger qui ont adopté le message. Ces organismes reconnaissent maintenant qu’I=I doit être suivi d’un point d’exclamation et non d’un astérisque. Cela s’appuie sur le travail réalisé par Julio Montaner, directeur du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, et de ses collègues qui font la promotion du traitement comme prévention au Canada et partout dans le monde depuis de nombreuses années.

Les organismes canadiens ont entamé un dialogue ouvert et exigeant pour explorer les enjeux complexes liés à I=I, comme les déterminants sociaux de la santé, la criminalisation du non-dévoilement du VIH et la santé génésique de la femme. I=I figure parmi les principaux thèmes lors des conférences canadiennes sur le VIH et la santé sexuelle qui fixent les priorités du domaine, ainsi que lors des congrès organisés par et pour les personnes vivant avec le VIH partout au pays.

Chaque fois que je retourne au Canada, je me sens ému et inspiré par le travail novateur de nos partenaires canadiens.

L’élan international augmente

Peu de temps après l’adhésion de CATIE, d’autres organismes de recherche et de services VIH mondialement respectés lui ont emboîté le pas, et nous avons commencé à atteindre la masse critique. Leur appui était une validation exubérante que le message que nous criions sur tous les toits était non seulement factuel, mais aussi révolutionnaire pour le domaine.

En septembre 2017, un moment historique a eu lieu à la United States Conference on AIDS (USCA) lorsque le Dr Anthony Fauci, un chef de file mondial de l’immunologie, a déclaré que « la science vérifie et valide réellement I=I ». Plus tard dans le même mois, grâce à un élan de données et du militantisme de notre communauté, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont confirmé qu’il n’existait « essentiellement aucun risque » de transmission sexuelle lorsque le VIH était indétectable. Cette mise à jour du message des CDC a eu un impact transformateur, non seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde.

I=I et des messages semblables sont en train de s’intégrer dans les politiques et les communications dans plusieurs régions du monde, notamment la Chine, l’Ouganda, le Koweït, la Malaysie, l’Angleterre, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Guatémala et le Vietnam.

J’étais submergé de joie de me trouver à Toronto lorsque le gouvernement canadien a déclaré son appui à I=I pour souligner la Journée mondiale du sida.

Des articles sur I=I ont paru dans plusieurs médias nationaux et internationaux, et le message a même été salué par le comité éditorial de la revue médicale prestigieuse The Lancet :

I=I est une campagne simple, mais extrêmement importante fondée sur des données scientifiques probantes. Elle a déjà réussi à influencer l’opinion publique, amenant davantage de personnes ayant le VIH (et leurs amis et familles) à comprendre qu’elles peuvent vivre longtemps en bonne santé, avoir des enfants et ne jamais s’inquiéter de transmettre l’infection à autrui. La clarté du message fera en sorte qu’il sera plus facile de promouvoir les bienfaits irréfutables du traitement et d’encourager de plus en plus de personnes ayant le VIH à se faire traiter, ce qui rapprochera la communauté VIH de l’atteinte de la cible 90-90-90 de l’ONUSIDA d’ici 2020 et de l’éradication totale de la stigmatisation injuste et désuète à laquelle font face encore de nombreuses personnes vivant avec le VIH.

Aujourd’hui, I=I est largement accepté par la communauté scientifique et médicale mondiale. Plus de 600 partenaires communautaires, y compris les associations de recherche et de santé publique de 75 pays, se sont joints à la campagne. En Europe orientale et Asie centrale : H=H; au Vietnam : K=K; au Brésil : I=I; aux Pays-Bas : N=N; en Turquie : B=B.

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« Nous sommes les indétectables. Nous ne pouvons pas vous transmettre le VIH. » Capture d'écran d'une vidéo produite par la Gay Men's Health Charity du Royaume-Uni

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« Les séropositifs ont beaucoup de choses à nous transmettre. Mais pas le virus du sida. » Élément d'une campagne de l'organisme français AIDES

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« Mission : #indétectable. Séropositif. N'est plus infectieux. » Affiche de l'organisme Aide Suisse contre le Sida

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« Indétectable = Intransmissible ». Aux États-Unis, le groupe Pride for Youth a fait connaître le message I=I aux résidants de Long Island et à des gens partout à New York

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« J'ai le VIH. Je ne suis pas contagieux. Les données scientifiques montrent que les personnes ayant le VIH qui prennent régulièrement leur traitement et qui ont une charge virale indétectable ne peuvent pas transmettre le virus. » Élément d'une campagne de marketing social lancée en Italie par la LILA (Ligue italienne pour la lutte contre le sida)

L’impact transformateur
 

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Dire I=I, ou toute autre version du message, est encore révolutionnaire. Il s’agit de la remise en question la plus radicale du statu quo depuis que nous avons appris il y a 22 ans que la thérapie antirétrovirale pouvait nous sauver la vie.

I=I est en train de transformer les vies sociales, sexuelles et reproductives des personnes vivant avec le VIH. Nos partenaires utilisent ce message comme un argument puissant en faveur de la santé publique afin d’améliorer l’accès au traitement et au test de la charge virale et de promouvoir l’adoption du traitement, l’observance thérapeutique et la rétention dans les soins. Ils démantèlent la stigmatisation de façon sans précédent en changeant ce que veut dire vivre avec le VIH.

Je suis continuellement ému lorsque j’entends parler de l’impact que cette information est en train d’avoir sur la vie des gens. Un homme qui a tenté de se suicider après son diagnostic se sent de nouveau humain et est devenu éducateur pour faire connaître I=I à autrui. Une militante VIH qui s’est isolée contre toute relation pendant plus de 15 ans de peur de transmettre le virus a maintenant des fréquentations et est en train de chercher l’amour. Une femme sent qu’elle peut enfin être intime avec son époux après plus de 20 ans d’insécurité et d’inquiétude à l’idée que le condom puisse se briser. Et d’autres encore parlent du sentiment de liberté et d’espoir  et ça signifie tout.

I=I 2018 : Célébrez, Activez, Démarrez

Nous allons partager ce message lors de la pré-conférence I=I de Sida 2018 à Amsterdam, le dimanche 22 juillet. L’événement sera organisé par la Prevention Access Campaign en partenariat avec AIDS United, Broadway Cares / Equity Fights AIDS, CATIE, la fondation Elton John, Housing Works, l’ICASO, l'International Community of Women Living with HIV, l’International Preparedness Coalition, NASTAD, la fiducie Terrence Higgins et The Well Project. L’entrée sera gratuite pour les délégués de Sida 2018. Pour en savoir plus, visitez UequalsU2018.eventbrite.com.

Bruce Richman est directeur général fondateur du mouvement primé I=I de la Prevention Access Campaign. Il se consacre à la philanthropie mondiale depuis plus de deux décennies, développant interventions et campagnes de subventionnement et de marketing social sur une gamme d’enjeux incluant la stigmatisation du VIH et la prévention, le développement durable, l’obésité infantile, la prévention de la violence et l’autonomisation des filles et des femmes. Il a collaboré avec de nombreux gens et marques, dont Donna Karan, Ellen DeGeneres, l’archevêque Desmond Tutu, Bob Marley Foundation, Sephora et Cartier. Il a obtenu sa maîtrise en éducation et son diplôme en droit à l’Université Harvard.

Pour écouter les témoignages émouvants de personnes de partout dans le monde, visitez #UEQUALSU / @PreventionAC et www.preventionaccess.org/news.

Pour lire une FAQ sur I=I et les témoignages de Canadiens et Canadiennes, consultez « I=I » dans le numéro de l’été 2017 de Vision positive.