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Les benzodiazépines et la xylazine ont commencé à apparaître de manière inattendue dans certaines substances non réglementées, en particulier le fentanyl [de rue], et sont à l’origine de nombreux problèmes en matière de santé. Une compréhension plus approfondie de cette situation et des problèmes de santé qui en découlent permettra aux prestataires de services de mieux intervenir et d’en limiter les méfaits.

Les benzodiazépines et la xylazine

Les benzodiazépines sont des sédatifs qui ralentissent l’activité de l’organisme. Elles produisent des sensations de calme, de relaxation musculaire et de somnolence1,2. Les benzodiazépines sont prescrites pour traiter l’anxiété, les troubles du sommeil et les crises d’épilepsie, pour traiter le sevrage alcoolique et pour induire une sédation pendant certaines interventions médicales1,2. Les effets secondaires des benzodiazépines, variables selon la dose, comprennent des symptômes tels que des étourdissements, des difficultés d’apprentissage, des pertes de mémoire, une diminution de la fréquence respiratoire et des hallucinations1.

Au nombre des benzodiazépines utilisées, très fréquemment, à des fins médicales, citons le lorazépam (Ativan), l’alprazolam (Xanax) et le diazépam (Valium). La plupart des benzodiazépines que l’on trouve dans l’approvisionnement obtenu illégalement sont des benzodiazépines non médicales telles que l’étizolam, le flualprazolam et le bromazolam2. On entend par benzodiazépines à usage non médical les benzodiazépines et les substances apparentées qui ont été produites illégalement ou détournées de source autorisée2. De nombreuses benzodiazépines à usage non médical n’ont pas été homologuées au Canada et n’ont jamais été mises à l’essai chez l’humain ou des animaux2.

La xylazine avait été initialement mise au point pour le traitement de l’hypertension3. Cependant, lorsqu’il s’est avéré qu’elle provoquait une sédation excessive, son usage chez l’humain n’a pas été approuvé3. La xylazine est désormais utilisée par les vétérinaires comme sédatif et relaxant musculaire3.

Les données probantes actuelles concernant son utilisation chez l’humain indiquent que la xylazine ralentit l’organisme et peut induire une relaxation musculaire et une sédation, et soulager la douleur4. Il semble également qu’elle soit associée à un large éventail d’effets secondaires, notamment une diminution des capacités respiratoires, des effets cardiovasculaires (p. ex., baisse de la tension artérielle, diminution de la fréquence cardiaque, constriction des vaisseaux sanguins) et d’autres effets (p. ex., augmentation de la glycémie, réduction du contrôle de la vessie)3–6.

Dans quelles régions et dans quelles drogues trouve-t-on des benzodiazépines et de la xylazine?

Les données probantes actuelles peuvent nous éclairer sur les tendances générales concernant la présence de benzodiazépines et de xylazine dans l’approvisionnement en substances non réglementé au Canada. Cependant, la majorité des localités ne sont pas en mesure d’assurer une surveillance détaillée et opportune de cet approvisionnement (programmes d’analyse des drogues, surveillance des eaux usées, données des laboratoires de toxicologie, etc.). Il est donc difficile de surveiller la présence, le(s) type(s) et la prévalence des sédatifs dans chaque marché local de substances non réglementé.

Plusieurs types de benzodiazépines à usage non médical ont été découverts dans l’approvisionnement en substances non réglementé au Canada depuis au moins 20182,7. Selon les données d’analyse des drogues saisies par les services de maintien de l’ordre en 2021, les benzodiazépines ont été le plus souvent découvertes combinées à des opioïdes tels que le fentanyl (60,7 %; ce qu’on appelle parfois de la « benzodope »), mais aussi seules (27,8 %) et plus rarement mélangées à des stimulants (5,4 %)2. Leur prévalence dans le marché non contrôlé a augmenté rapidement dans certaines régions pendant la pandémie de COVID-198. Les données de 2021 indiquent que c’est en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta que les opioïdes à usage illicite contenaient le plus souvent des benzodiazépines, même si on a découvert ces substances combinées à des opioïdes dans plusieurs autres provinces et territoires2.

La présence de xylazine dans l’approvisionnement en substances non réglementé a commencé à susciter des inquiétudes au Canada en 2019. Bien qu’elle reste relativement faible dans la majeure partie du pays, sa prévalence a augmenté rapidement en 2021 et 20224. Le plus souvent, on détecte la xylazine mélangée à d’autres drogues, en particulier le fentanyl (mélange parfois appelé « tranqdope »). Parmi les drogues saisies par les services de maintien de l’ordre entre mai 2022 et avril 2023, 99 % des échantillons contenant de la xylazine contenaient également du fentanyl, et 52 % contenaient du fentanyl et des benzodiazépines9. Durant la même période, on a très rarement détecté de la xylazine mélangée à des stimulants (0,3 % des échantillons contenant de la méthamphétamine, 0,2 % des échantillons contenant de la cocaïne)9. En avril 2023, on a décelé de la xylazine dans neuf provinces ou territoires, le plus souvent en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec4.

Pourquoi trouve-t-on des benzodiazépines et de la xylazine dans l’approvisionnement en substances non réglementé?

La présence de benzodiazépines et de xylazine dans les opioïdes vendus sur le marché illicite peut s’expliquer par plusieurs raisons, notamment les suivantes :

  • Les effets des benzodiazépines et de la xylazine peuvent ressembler à ceux du fentanyl; par ailleurs ces agents peuvent servir à ajouter du volume ou du poids aux drogues. C’est un moyen d’utiliser moins de fentanyl dans la production et de réduire les coûts4,8,10.
  • Les benzodiazépines et la xylazine sont des substances à longue durée d’action : leurs effets peuvent durer entre 7 et 15 heures, et entre 8 et 72 heures, respectivement2,5,10. Ajoutées au fentanyl, elles peuvent en prolonger et en renforcer les effets, et masquer sa courte durée d’action (30 minutes à une heure)3,4,10,11.

Certaines personnes aiment les effets de la « benzodope » ou de la « tranqdope ». La présence de benzodiazépines ou de xylazine permet à certaines personnes d’éviter plus longtemps les effets du sevrage des opioïdes et de consommer des drogues moins fréquemment, ce qui représente une économie d’argent10. Pour d’autres, la présence de sédatifs n’est pas souhaitable car elle peut accroître les méfaits des drogues.

L’ajout de sédatifs aux opioïdes s’inscrit dans le contexte d’une évolution plus générale du marché des drogues non réglementé. Cette évolution s’est traduite par l’ascension des drogues de synthèse, qui ont supplanté sur le marché les drogues à base de matières organiques (ainsi, le fentanyl a détrôné l’héroïne, la méthamphétamine a supplanté la cocaïne)10,12. Les lois et politiques de prohibition sont un facteur déterminant dans l’avènement des sédatifs. En effet, la prohibition a eu pour conséquence dommageable l’absence de contrôle de la teneur et de la qualité des substances consommées, et a permis la croissance d’un marché illicite dans lequel il est plus profitable et moins coûteux de produire des drogues de plus petite taille et plus puissantes10,13,14.

Les benzodiazépines et la xylazine font-elles augmenter le risque de décès lié à la contamination des drogues?

Le fentanyl reste le principal facteur de décès lié à la contamination des drogues au Canada15. On ne sait pas si l’ajout de benzodiazépines ou de xylazine aux opioïdes dans l’approvisionnement non contrôlé contribue directement à l’augmentation du risque de décès lié à la contamination des drogues. Cette éventualité soulève des préoccupations, et ce, pour plusieurs raisons :

  • En cas de consommation simultanée de sédatifs et d’opioïdes, les interactions entre ces substances peuvent faire en sorte que leurs effets combinés (p. ex., en ce qui concerne la réduction des capacités respiratoires) soient plus importants que ceux de l’un ou l’autre de ces médicaments pris seuls. Cela peut faire augmenter le risque de décès2.
  • En cas de consommation simultanée de sédatifs et d’opioïdes, il peut être plus difficile de réagir à une surdose ou aux effets toxiques des produits2. En effet, les benzodiazépines et la xylazine peuvent entraîner un état de sédation ou d’inconscience, même après l’administration de naloxone pour contrer la surdose d’opioïdes et après que la respiration est redevenue normale.
  • La présence de benzodiazépines a été attestée chez une proportion importante de personnes décédées des suites d’une contamination de drogues au Canada16–18. La présence de xylazine a été attestée chez une proportion croissante de personnes décédées des suites d’une contamination de drogues aux États-Unis, presque toujours associée au fentanyl9,19.

Toutefois, la puissance variable des sédatifs et des opioïdes dans l’approvisionnement en drogues non réglementé rend difficile de déterminer si la présence de sédatifs fait augmenter le risque de décès. La présence de sédatifs peut être en cause lorsqu’une personne présente un épisode de contamination de drogues, mais la quantité et la puissance de ces substances – seules ou combinées à des opioïdes – ne sont pas toujours suffisantes pour avoir contribué à la surdose20. Par exemple, en Ontario, la proportion de décès liés à la contamination des drogues dont on a établi que les benzodiazépines y avaient directement contribué est beaucoup plus faible que la proportion de ces décès où la présence de ces drogues a été attestée17,18. En date d’avril 2023, on n’a signalé aucun décès directement attribuable à la xylazine au Canada9. D’autres études sont nécessaires si l’on veut mieux comprendre le rôle de la xylazine et des benzodiazépines dans le risque de décès lié à la contamination des drogues.

Quels sont les effets sur la santé des benzodiazépines et de la xylazine présentes dans le marché des drogues non réglementé?

Les données dont nous disposons indiquent que les benzodiazépines et la xylazine présentes dans l’approvisionnement en drogues non réglementé causent d’importants méfaits chez les personnes qui utilisent des drogues.

Sédation prolongée

La xylazine et les benzodiazépines peuvent provoquer une sédation prolongée, ce qui signifie que les personnes qui en prennent restent dans un état de sédation ou d’inconscience pendant de longues périodes3,8. Cela peut causer divers méfaits, par exemple :

  • Les personnes en état de sédation ou d’inconscience prolongée sont plus vulnérables au vol, aux agressions physiques et aux agressions sexuelles2,3,8,21.
  • Elles ont des pertes de connaissance durant lesquelles la notion du temps et le souvenir de ce qu’elles ont fait disparaissent (dans le cas des benzodiazépines uniquement)2,8,21. Les pertes de connaissance peuvent les amener à prendre des risques qu’elles ne prendraient pas autrement, et les rendre vulnérables au vol et aux agressions physiques et sexuelles8.
  • Elles peuvent rester longtemps dans des positions corporelles incommodes (p. ex., qui entravent la circulation sanguine) ou dans des conditions dangereuses (p. ex. à l’extérieur, dans le froid ou au soleil)2,3. Le risque d’escarres, d’engelures et de coups de chaleur est alors plus élevé3.

Une sédation prolongée peut également compliquer les interventions visant à neutraliser la toxicité des drogues, et s’avérer difficile à traiter pour les intervenant·e·s, que ce soit dans un cadre communautaire ou dans une structure de services. Par exemple, les services de consommation supervisée (SCS) et les sites de prévention des surdoses (SPS) n’ont pas été conçus pour assurer le soutien continu des personnes en état de sédation prolongée. Par ailleurs, d’autres situations d’urgence médicale (p. ex. hypoglycémie) peuvent être prises à tort pour un état de sédation prolongée.

Tolérance et sevrage

L’utilisation, intentionnelle ou non, de substances contenant de la xylazine ou des benzodiazépines peut rendre les personnes concernées tolérantes à celles-ci8,22. La tolérance aux benzodiazépines peut survenir rapidement, en l’espace de quatre semaines d’utilisation régulière2. On ne sait pas exactement combien de temps il faut pour qu’un individu devienne tolérant à la xylazine. Si la consommation de sédatifs présents dans les substances illicites diminue pour une raison quelconque (p. ex., changements concernant les produits illicites, traitement d’un trouble lié à l’utilisation de substances, incarcération), les personnes concernées peuvent présenter des symptômes inattendus de sevrage des benzodiazépines ou de la xylazine.

Les symptômes de sevrage sont les suivants :

  • Parmi les symptômes de sevrage des benzodiazépines, qui peuvent être mortels, citons l’anxiété, les nausées, la diminution de l’appétit, la diarrhée, la confusion, la désorientation, les hallucinations et les convulsions8,23,24.
  • Les mécanismes de sevrage de la xylazine ne sont pas encore bien compris. Les symptômes signalés sont graves et peuvent comprendre l’irritabilité, l’anxiété, les maux de tête, l’accélération de la fréquence cardiaque et l’hypertension10,22,25.

Le sevrage des benzodiazépines peut menacer le pronostic vital et nécessite l’intervention de professionnel·le·s de la santé23,24. Même si l’on en sait moins sur le sevrage de la xylazine, les prestataires de soins de santé peuvent également intervenir dans la prise en charge des symptômes26.

Plaies liées à l’utilisation de la xylazine

L’utilisation de la xylazine a été associée à l’apparition de plaies cutanées caractéristiques. Chez les personnes qui utilisent des drogues, les plaies sont généralement causées par des bactéries qui pénètrent dans l’organisme au moment de l’injection. Ces bactéries se trouvent généralement au point d’injection ou près de celui-ci. En revanche, les plaies liées à l’utilisation de la xylazine peuvent apparaître à des sites qui n’ont pas servi de point d’injection3,5 et peuvent aussi toucher des personnes qui n’utilisent pas leur drogue par voie intraveineuse22. On ne sait pas encore pourquoi la xylazine provoque des plaies, mais l’hypothèse d’un effet sur l’appareil circulatoire a été avancée3,5,22 ou encore, on suppose que cette substance endommage les tissus cutanés27.

Les plaies liées à l’utilisation de la xylazine peuvent varier en apparence, mais dans la plupart des cas3,5 :

  • elles recouvrent une grande surface (plus de 10 cm de diamètre);
  • elles ressemblent à des brûlures ou à des ulcérations;
  • elles se présentent d’abord sous la forme d’abcès ou d’ulcères répartis en grappe, qui finissent par s’étendre pour former une plaie de plus grande taille;
  • elles présentent des signes de nécrose (mort tissulaire) au centre (p. ex., rougeur, boursouflures, liquide gris s’écoulant de la plaie, tissu noir);
  • elles apparaissent rapidement et s’aggravent plus vite que les autres types de plaies.

Le traitement de ces plaies nécessite généralement des soins médicaux. Davantage d’études de recherche s’imposent pour nous permettre de comprendre les raisons pour lesquelles la xylazine provoque des plaies si caractéristiques et si problématiques22.

Incidences pour les prestataires de services et les décisionnaires

Les prestataires de services doivent savoir que l’approvisionnement en substances non réglementé dans leur communauté peut contenir des sédatifs et s’y préparer. Les mesures à prendre peuvent consister à fournir de l’information, à adapter les programmes et les services en fonction des nouveaux besoins, et à préconiser ou à modifier des politiques en vue de favoriser la réduction des méfaits.

L’information peut porter sur les sujets suivants :

  • La teneur de l’approvisionnement local en substances non réglementé. Il peut s’agir de données provenant des services d’analyse des drogues concernant les fluctuations de la teneur ou de la puissance des drogues, et de témoignages de personnes qui utilisent des substances concernant leurs effets particuliers ou inattendus.
  • Les méfaits possibles et les signes à surveiller (p. ex., sédation prolongée, perte de connaissance, apparition de lésions inhabituelles) chez les personnes qui utilisent des substances et dans leurs cercles. Il est important d’éviter les messages sensationnalistes ou alarmistes au sujet des transformations de l’approvisionnement en substances non réglementé, car cette stratégie peut aggraver la stigmatisation des personnes qui utilisent des drogues.
  • Savoir où se procurer et comment utiliser les bandelettes réactives aux benzodiazépines et à la xylazine, et quelles sont les limites de ces produits. Les bandelettes réactives ne sont pas d’une fiabilité absolue et peuvent seulement indiquer la présence ou l’absence d’une drogue donnée. Elles ne permettent pas, par exemple, d’indiquer la quantité de substance présente, de détecter tous les types de benzodiazépines et de déceler la xylazine en très petites quantités28,29.
  • Savoir ce qu’il faut faire en cas de surdose associée à une sédation prolongée, notamment pratiquer en priorité la respiration artificielle toutes les cinq secondes et administrer de la naloxone. La naloxone doit être administrée toutes les trois à cinq minutes jusqu’à ce que la respiration redevienne normale (au moins 10 respirations par minute et absence de bruits de suffocation ou de gargouillement).
  • Ce qu’il faut faire pour aider une personne en état de sédation prolongée. Il faut notamment s’assurer qu’elle ne présente pas d’autre situation d’urgence médicale, qu’elle ne soit pas dans une position anormale, que ses articulations soient protégées et que ses voies respiratoires soient dégagées, de la coucher sur une surface lisse, de la retourner au moins toutes les deux heures et de veiller à ce qu’elle reste au chaud et au sec3.
  • Des stratégies d’utilisation de substances à moindres risques visant à réduire la vulnérabilité des personnes aux agressions, au vol et à d’autres méfaits liés à une sédation prolongée. Il s’agit notamment de les inviter à utiliser des substances en compagnie d’une personne de confiance et à s’adresser à un SCS ou un SPS, si c’est possible.
  • Pratiques à moindres risques d’injection et d’utilisation de substances. Dans le cas de la xylazine, il s’agit notamment d’éviter les injections sous-cutanées ou intramusculaires, si possible. Au moment de s’injecter de la xylazine, il faut veiller à ce que l’aiguille soit à l’intérieur d’une veine afin d’éviter que la substance ne s’infiltre dans les muscles ou les tissus environnants. Cette précaution permet de réduire le risque d’apparition de plaies6.
  • Information destinée aux personnes qui utilisent des drogues, concernant le traitement des plaies et les signes indiquant qu’une plaie nécessite une consultation médicale. Les plaies liées à l’utilisation de la xylazine ont été associées à une stigmatisation et à une discrimination plus marquées de la part des professionnel·le·s de la santé, ce qui crée des obstacles aux soins21. Il est important de discuter des plaies et de leur traitement dans une perspective non moralisatrice, axée sur la réduction des méfaits3. Ces discussions peuvent porter sur les moyens de garder les plaies propres et couvertes, sur les mesures à prendre pour éviter les injections à l’intérieur ou autour des plaies, et sur les signes d’aggravation des plaies3,27.
  • Information destinée aux professionnel·le·s de la santé, concernant le traitement des plaies liées à l’utilisation de la xylazine. L’aspect inquiétant des plaies liées à l’utilisation de la xylazine ne doit pas amener à penser que celles-ci sont impossibles à traiter ou que des mesures extrêmes, telles que l’amputation, s’imposent3. Le traitement de ces plaies n’est pas encore normalisé, mais il consiste à changer fréquemment les pansements, à utiliser des bandages propres et humides et à couvrir les plaies exposées27.

 Les mesures prises à l’échelle des programmes peuvent être les suivantes :

  • Adapter les politiques organisationnelles de manière à pouvoir faire face aux cas de sédation prolongée. On pourrait augmenter les effectifs, modifier les heures d’ouverture et nouer des partenariats avec d’autres services afin de garantir la continuité des soins dispensés aux personnes en état de sédation prolongée.
  • Adapter les modalités organisationnelles de manière à pouvoir faire face aux cas de sédation prolongée. Cela peut consister à élaborer des lignes directrices définissant les étapes de l’évaluation des personnes concernées afin de s’assurer qu’elles ne présentent pas d’autres situations d’urgence médicale (p. ex., traumatisme crânien, hyperglycémie ou hypoglycémie). Il peut également s’agir de veiller à ce que les personnes en état de sédation prolongée puissent bénéficier de l’équipement et des conseils nécessaires (p. ex., surveiller les concentrations d’oxygène, les placer sur des matelas la tête bien soutenue, les retourner régulièrement, conserver leurs effets personnels en lieu sûr).
  • Fournir un accès aux services d’analyse des drogues. Les organismes qui ne disposent pas d’appareils d’analyse de drogues peuvent distribuer des bandelettes réactives et s’associer à des organismes locaux ou régionaux qui en possèdent30.
  • Aider les personnes concernées à obtenir des soins des plaies accessibles et non stigmatisants. On peut faire intervenir du personnel infirmier spécialisé dans le traitement des plaies au sein de la communauté, assurer un accès permanent aux produits de traitement des plaies (p. ex., par le biais d’interventions de proximité ou sur place) et constituer des équipes de soins pluridisciplinaires en vue de faciliter le traitement des plaies en milieu hospitalier, le cas échéant3,27.
  • Élaborer et mettre en œuvre des politiques et des modalités de reconnaissance et de prise en charge des symptômes de sevrage des sédatifs dans le cadre du traitement par agoniste opioïde (TAO), du TAO injectable, d’autres programmes de traitement et de programmes d’approvisionnement plus sécuritaire. La prise en charge du sevrage des benzodiazépines est encadrée par certaines recommandations23,24, mais on est moins éclairé sur la prise en charge du sevrage de la xylazine26. Les points de vue et les besoins des personnes qui utilisent des drogues devraient jouer un rôle central dans l’élaboration et la mise en œuvre de ces politiques et modalités.

Parmi les mesures d’ordre politique, citons :

  • Financer l’élargissement des services d’analyse des drogues. L’analyse de la drogue peut aider les personnes concernées à prendre des décisions au sujet de leur consommation de drogues, à mieux faire face à la présence de benzodiazépines ou de xylazine dans les substances illicites et à surveiller l’approvisionnement en vue de détecter de nouveaux contaminants21.
  • Financer l’élargissement de l’accès aux TAO, aux TAO injectables et à un approvisionnement plus sécuritaire2. Ces services permettent de fournir des solutions pharmaceutiques de rechange aux drogues illicites, et peuvent jouer un rôle crucial dans la réduction de l’exposition aux benzodiazépines et à la xylazine à usage non médical.
  • Aborder les facteurs sous-jacents à la contamination et au caractère imprévisible de l’approvisionnement en drogues. On pourrait envisager d’autres solutions que les lois et politiques de prohibition (p. ex., des démarches de santé publique visant à réglementer les drogues illicites actuelles).
  • S’attaquer aux facteurs sociaux et structurels sous-jacents qui accroissent la vulnérabilité des personnes qui utilisent des drogues. Par exemple, l’accès à un logement stable est un moyen de prévenir la consommation à l’extérieur ou dans des situations présentant des risques accrus en cas de sédation prolongée.

Ressources connexes

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Révision externe des textes en anglais effectuée par : Steph Beaumont, Lachlyn Habermehl, Doris Payer et Samantha King

La production de cet article a été rendue possible grâce à un financement sous forme de contribution du Programme de Santé Canada sur l’usage et les dépendances aux substances (PUDS). Les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Santé Canada.

 

 

À propos de l’auteur

Magnus Nowell est le spécialiste en connaissances sur la réduction des méfaits chez CATIE. Il a travaillé par le passé dans le domaine de la recherche sur la réduction des méfaits, le logement et l’organisation communautaire. Il détient une maîtrise en promotion de la santé.