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Les travailleuses et travailleurs du sexe portent un fardeau disproportionnellement lourd en ce qui a trait au VIH, autant au Canada qu’à l’échelle mondiale. Ce fardeau naît en grande partie de facteurs structuraux (tels que la criminalisation, la violence physique et sexuelle, la stigmatisation et le manque d’accès aux services) qui contribuent à la vulnérabilité des travailleurs(es) du sexe au VIH. Il existe une masse croissante de données internationales révélant les méfaits sociaux et sanitaires causés par la criminalisation du travail du sexe. Face à cette réalité, on réclame de plus en plus la décriminalisation du travail du sexe au Canada et dans d’autres pays. Cet article examine certaines approches en cours au Canada et ailleurs dans le monde qui aident à améliorer l’accès des travailleurs(es) du sexe aux services de prévention et de soins du VIH dans un contexte criminalisé. Les approches de prévention du VIH combinées, qui incluent des réponses structurales et communautaires, se sont montrées des éléments cruciaux d’une réponse efficace au VIH.

Le fardeau mondial de VIH parmi les travailleurs(es) du sexe

Les travailleurs(es) du sexe – adultes qui consentent à échanger des actes sexuels contre de l’argent – portent un fardeau disproportionné du VIH au Canada et à l’échelle mondiale à cause de facteurs structuraux (criminalisation, violence, stigmatisation, mauvaises conditions de travail) qui limitent leur capacité d’agir de sorte à prévenir le VIH, notamment en utilisant correctement et régulièrement le condom.1,2 Au Canada, le fardeau de VIH est le plus lourd parmi les travailleurs(es) du sexe de la rue, et le virus est souvent acquis auprès de partenaires intimes non commerciaux.

Les travailleurs(es) du sexe représentent une population diverse. Bien que la majorité se compose de femmes qui vendent leurs services à des clients masculins (acheteurs de sexe), il existe aussi des populations importantes de travailleurs du sexe masculins et trans (personnes transgenres, transsexuelles et bispirituelles) au Canada et dans la plupart des contextes mondiaux.3,4 Certains travailleurs(es) du sexe travaillent indépendamment (p. ex., dans la rue ou par le biais d’annonces placées en ligne/dans les journaux), alors que d’autres sont au service d’une tierce partie (p. ex., un gérant, un teneur de comptes ou une agence d’escortes) et ce, dans une variété d’endroits :

  • établissements de commerce sexuel formels et lieux avec services internes (salons de massage, centres d’amélioration de la santé, bordels)
  • lieux de divertissement (bars, boîtes de nuit)
  • services externes ou à domicile ou autres lieux intérieurs informels (p. ex., hôtels, saunas)
  • dans la rue ou en lieux publics (ruelles, parcs)

En 2015, une revue exhaustive de toutes les recherches sur le VIH et le travail du sexe menées au cours des six années précédentes a révélé que les seules interventions de prévention biomédicales et comportementales n’avaient qu’un impact modeste sur la modification du cours de l’épidémie de VIH parmi les travailleurs(es) du sexe. En revanche, selon la revue, les recherches révèlent régulièrement que les facteurs structuraux (ceux que la personne ne peut contrôler) ont l’impact le plus important sur les risques de transmission du VIH dans le contexte du travail du sexe.2 Cette revue faisait partie d’une série spéciale sur le travail du sexe et le VIH publiée dans la revue médicale The Lancet qui a été lancée lors d’une session spéciale de la conférence AIDS 2014 à Melbourne, en Australie. Les co-auteurs et réviseurs de la série incluaient une équipe diverse d’universitaires et de travailleurs(es) du sexe.5

Déterminants structuraux : barrières et facilitateurs de la prévention du VIH

La criminalisation du travail du sexe

La recherche démontre régulièrement que la criminalisation du travail du sexe et la réponse policière à ce dernier continuent d’avoir les effets suivants : elles obligent les travailleurs(es) du sexe à choisir des endroits plus cachés à l’intérieur et dans la rue; elles réduisent leur capacité de sélectionner avec soin leurs clients et de négocier les conditions des transactions sexuelles, tel l’usage du condom; elles limitent l’accès aux services de santé, y compris les soins du VIH.2,6 Le harcèlement policier et l’application des lois ont été liés de façon indépendante à l’augmentation de la violence, au refus des clients d’utiliser un condom et à la crainte des travailleurs(es) du sexe de porter des condoms sur eux.7

La violence physique et sexuelle

Au Canada, comme dans d’autres contextes où le travail du sexe est criminalisé, les taux de violence physique et sexuelle à l’endroit des travailleurs(es) du sexe sur les lieux de travail sont alarmants. Les actes violents sont commis par des clients, des personnes faisant semblant d’être des clients, des policiers, des gérants exploiteurs et d’autres personnes.8 La violence physique et/ou sexuelle est l’un des moteurs les plus puissants du risque de VIH parmi les travailleurs(es) du sexe. On a montré que la violence et les menaces de violence réduisent le contrôle qu’ont les travailleurs(es) du sexe sur les transactions avec les clients, y compris leur capacité à négocier les risques sexuels et l’usage du condom.6,8

La violence et la peur de la violence ont également été liées à la réduction de l’accès aux services de santé et sociaux et à la protection policière, surtout parmi les travailleurs(es) du sexe les plus marginalisés et les plus visibles, y compris les Autochtones, les immigrants et d’autres personnes racialisées.

Au Canada, la violence persistante envers les travailleurs(es) du sexe et l’incapacité de la police et des fournisseurs de services de la contrer ont créé une méfiance profonde à l’égard des services de santé, sociaux et policiers.9

La stigmatisation

Les recherches révèlent que la stigmatisation augmente considérablement les risques de transmission du VIH parmi les travailleurs(es) du sexe parce qu’elle les isole du continuum de soins du VIH (prévention, dépistage, traitement, soins et soutien).10 À Vancouver, la stigmatisation du travail du sexe, la peur de se faire exposer comme travailleur(se) du sexe et la discrimination de la part des professionnels de la santé figurent parmi les plus importantes barrières institutionnelles aux soins signalées par les travailleurs(es) du sexe.11 La stigmatisation a un impact disproportionné sur les personnes les plus criminalisées et les plus marginalisées, dont les Autochtones, les immigrants, les migrants et les minorités sexuelles et de genre. Les travailleurs(es) du sexe trans et masculins éprouvent de la stigmatisation liée à la transphobie, à l’homophobie et à la perception qu’ils ont transgressé des normes de genre.3,4

Le manque d’accès aux services

L’accès sous-optimal aux services de prévention, de traitement et de soins du VIH parmi les travailleurs(es) du sexe demeure une préoccupation importante dans de nombreux contextes mondiaux. Les données laissent croire que les lacunes de l’accès et de la portée des services ne pourront être comblées que parallèlement à des efforts communautaires visant la modification des structures.

Le cas de Mombasa offre un bon exemple. Dans cette ville du Kenya, les efforts déployés par les travailleuses du sexe pour élargir à grande échelle les programmes et les interventions sur le terrain ont été minés par la police, qui ciblait les fournisseurs de services et l’usage de condoms comme preuves suffisantes justifiant l’arrestation.2 Une autre préoccupation réside dans le nombre limité de recherches menées, autant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, qui documentent les expériences vécues des travailleurs(es) du sexe et leur intérêt pour les interventions biomédicales comme le traitement et la prophylaxie pré-exposition (PrEP), ainsi que les barrières auxquelles ils font face pour y avoir accès.12 Les données disponibles portent à croire que plusieurs des moteurs structuraux qui augmentent les risques de VIH, comme la criminalisation, l’activité policière, la violence et la stigmatisation, ont un impact sur l’accès des travailleurs(es) du sexe aux services de santé sexuelle et génésique et aux services de soins du VIH, ainsi que leur rétention dans ces derniers.2,4

Pratiques prometteuses en matière de VIH : Vers un changement des politiques dirigé par la communauté

Approches internationales

À la lumière des données probantes exposant les méfaits de la criminalisation du travail du sexe, des experts de partout au monde ont réclamé la décriminalisation en soutenant qu’elle est nécessaire à une réponse efficace au VIH. La Nouvelle-Zélande et certaines régions d’Australie ont décriminalisé le travail du sexe et assuré ainsi l’accès des travailleurs(es) aux mêmes normes de santé et de sécurité professionnelles en vigueur dans les autres domaines de travail. Cette mesure a donné lieu à une baisse des risques pour la santé des travailleurs(es) du sexe et à une augmentation de l’accès aux services de santé et sociaux et de la portée de ceux-ci.13

Les premières lignes directrices sur la prévention, le traitement et les soins du VIH et des infections transmissibles sexuellement (ITS) chez les travailleurs(es) du sexe ont été publiées en 2012 par l’OMS/ONUSIDA et le Réseau mondial des projets sur le travail du sexe (NSWP). Ces lignes directrices réclament l’abrogation de toutes les lois criminelles ciblant le travail du sexe (autrement dit la décriminalisation intégrale de cette activité) comme une approche nécessaire de prévention de VIH fondée sur des données probantes.1 Un cadre de politiques sur la décriminalisation est maintenant appuyé intégralement par des organismes de santé publique et de droits de la personne internationaux, y compris la Commission mondiale sur le VIH et la loi, l’ONUSIDA, le Fonds des Nations Unies pour les populations (UNFPA), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et, plus récemment, Amnistie internationale.

L’expérience canadienne

Au Canada, l’échec des gouvernements consécutifs à contrer les impacts inefficaces et nuisibles des lois criminalisant le travail du sexe depuis des décennies a fait naître un mouvement populaire parmi les travailleurs(es) du sexe pour contester les lois nuisibles devant les tribunaux. En décembre 2013, la contestation fondée sur la Charte (Bedford c. Canada) lancée par trois travailleuses du sexe (Terri Jean Bedford, Amy Lebovitch et Valerie Scott) a donné lieu à une décision historique et unanime de la Cour suprême du Canada qui dénonçait les lois criminalisant le travail du sexe comme des violations de la sécurité, de la santé et des droits de la personne des travailleurs(es) du sexe.

Lors de cette affaire, la « Coalition VIH » (Gender and Sexual Health Initiative [GSHI] du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, du Réseau juridique canadien VIH/sida et de la HIV Legal Clinic of Ontario [HALCO]) a fondé son intervention formelle devant la Cour suprême sur les données accablantes révélant les méfaits de la criminalisation pour la santé et la sécurité des travailleurs(es) du sexe. Malheureusement, vers la fin de 2014, le gouvernement conservateur a introduit une nouvelle législation – la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE) – qui adoptait une approche fondée sur la « demande finale » en matière de travail du sexe. Cette loi criminalisait la plupart des aspects de ce travail, dont les acheteurs de sexe (clients), les tierces parties et l’auto-publicité, tout en maintenant le statut légal de la vente du travail du sexe.

La recherche montre clairement que la décriminalisation du travail du sexe pourrait avoir l’impact le plus important sur les épidémies de VIH associées à cette industrie, en permettant d’éviter 33 % à 46 % des infections par le VIH parmi les travailleurs(es) du sexe et leurs clients au cours de la prochaine décennie au Canada, au Kenya et en Inde. Ce progrès serait réalisé grâce à la suppression de la violence et du harcèlement policier et à l’augmentation de l’accès à des espaces de travail intérieurs plus sécuritaires. Telles que résumées dans une lettre ouverte adressée au gouvernement conservateur précédent et signée par plus de 500 chercheurs et experts en santé publique canadiens et internationaux, les données probantes portent collectivement à croire que la législation en vigueur au Canada, qui cible les clients, les tierces parties et les espaces d’auto-publicité, a le potentiel de favoriser la violence et de compromettre la capacité des travailleurs(es) du sexe à prévenir le VIH. De plus, elle limite l’accès aux initiatives d’éducation à la santé sexuelle, de prévention et de soins. En effet, des recherches menées par la GSHI en collaboration avec les Sex Workers United Against Violence (SWUAV) et la Pivot Legal Society ont démontré que les nouvelles lignes directrices du service policier de Vancouver, introduites en 2013 avant la LPCPVE, qui ciblent les clients et les tierces parties mais pas les travailleurs(es) du sexe, n’ont causé aucune différence dans les taux de violence à l’endroit des travailleurs(es) du sexe dans l’année suivant l’introduction des lignes directrices. Des travailleurs(es) du sexe ont relaté des histoires semblables en ce qui concerne les dangers pour les sécurité et leur capacité de contrôler leur santé sexuelle et la prévention du VIH.14,15 Parmi les travailleurs du sexe masculins et trans de Vancouver, la perte de Boystown (une « balade de rue ») dans le West End depuis une décennie a donné lieu à un glissement vers la sollicitation en ligne dans l’industrie du sexe masculine. En collaboration avec HUSTLE de la Health Initiative for Men, le GSHI a mené une étude communautaire auprès de travailleurs du sexe masculins et trans et de leurs clients avant l’introduction de la législation LPCPVE. Ils ont trouvé que l’auto-publicité en ligne augmentait la sécurité et la protection contre le VIH chez les travailleurs(es) du sexe grâce à l’usage de caméras Web pour sélectionner les clients et négocier les conditions des transactions, y compris les approches de prévention du VIH.16

Approches communautaires

Les interventions communautaires dirigées par les travailleurs(es) du sexe (tels les programmes dirigés par ces derniers, les services de soutien par les pairs, les interventions sur le terrain et les centres de jour) fournissent une occasion cruciale pour rejoindre les travailleurs(es) du sexe et leur fournir un soutien fondamental en « rencontrant les gens là où ils se trouvent ».1,5 Outre les services de soutien et les centres de jour, il existe au Canada plusieurs organismes populaires dirigés par des travailleurs(es) du sexe qui mènent les interventions de revendication communautaires et de prévention du VIH visant leurs pairs depuis de nombreuses années, y compris Stella à Montréal, Maggies à Toronto, POWER à Ottawa, SWUAV, HUSTLE et PACE à Vancouver, et de nombreux autres. Ces interventions ont été associées à une réduction des risques de VIH et à une utilisation accrue du continuum de services de soins du VIH, des services de santé génésique et de traitement des dépendances. Étant donné ces liens, ainsi que la méfiance historique à l’égard des services de santé et de soutien, il existe un potentiel important fondé sur des données probantes pour intégrer les services de prévention du VIH dans les centres de jour et les services dirigés par des travailleurs(es) du sexe. Il existe un besoin urgent de services de santé et sociaux adaptés aux cultures pour les travailleurs(es) du sexe immigrants, migrants, racialisés et autochtones, afin de répondre aux besoins et aux risques structuraux particuliers (stigmatisation, barrières linguistiques, défis en lien avec l’immigration) de ces populations. Deux services (SWAN et Butterfly) fournissent des soutiens cruciaux aux travailleurs(es) du sexe immigrants et migrants au Canada.

Les stratégies communautaires dirigées par les travailleurs(es) du sexe, telles que l’interaction avec la police, les professionnels de la santé et d’autres intervenants, qui visent à réduire la stigmatisation sociale et la discrimination chez les professionnels de la santé envers les travailleurs(es) du sexe, se sont révélées très prometteuses. Nombre de municipalités canadiennes et américaines ont accompli des progrès grâce à des groupes d’intervention urbains chargés de contrer la stigmatisation et la violence à l’endroit des travailleurs(es) du sexe (p. ex., réformes des licences pour protéger les travailleurs(es) du sexe, éducation du public), notamment en favorisant un dialogue entre les travailleurs(es) et la police. Il existe toutefois des recherches limitées documentant les impacts et les barrières socio-légales auxquels les villes font face pour instaurer des mesures protégeant la sécurité des travailleurs(es) du sexe, ce qui continue de limiter leur capacité de réaliser intégralement et d’étendre la portée des changements potentiels.17

Les services de santé et de sécurité au travail dirigés par les travailleurs(es) du sexe et fondés sur les pairs qui sont adaptés aux travailleurs(es) du sexe grâce à des soins intégrés répondant à leurs préoccupations de santé sexuelle, physique et mentale se sont montrés très efficaces pour impliquer les travailleurs(es) du sexe dans la prévention et les soins du VIH et pour aborder les enjeux de santé personnelle plus larges.18 La St. James Infirmary à San Francisco offre un exemple prometteur de pratiques exemplaires suivant le modèle de l’ONU/OMS.1 Elle fournit gratuitement des services médicaux et sociaux confidentiels à des travailleurs(es) du sexe actuels et anciens. Les services incluent des soins médicaux (soins primaires, counseling et dépistage du VIH et d’ITS), un programme de seringues et d’aiguilles, des interventions dans la rue et les autres lieux de travail et des ateliers d’éducation par les pairs. De plus, l’infirmerie offre des présentations générales sur le travail du sexe et des formations approfondies sur la santé et les approches de réduction des méfaits aux professionnels de la santé et des services sociaux de la région de San Francisco.

Malgré les nombreux programmes communautaires, il existe encore des lacunes importantes dans les ressources nécessaires pour étendre la portée des services, et peu de services de soutien destinés aux travailleurs(es) du sexe reçoivent un financement lié à la santé et au VIH au Canada.

Essentiellement, la recherche porte à croire que les approches structurales et communautaires demeurent les plus importantes pour contrer le fardeau de VIH considérable et les lacunes de l’accès aux soins destinés aux travailleurs(es) du sexe et sont nécessaires pour assurer la santé et les droits de la personne de cette population. Il est essentiel de soutenir les programmes communautaires dirigés par les travailleurs(es) du sexe et de reconnaître les contextes locaux et les besoins des communautés de travailleurs(es) du sexe pour réussir la prévention du VIH au sein de cette population, tant au Canada que partout dans le monde.

Approches sur les lieux de travail

Les données démontrent le rôle que jouent les « contextes de travail plus sécuritaires » et le soutien au logement pour réduire la violence et les risques de VIH parmi les travailleurs(es) du sexe et ce, par le biais de pratiques de gestion positives sur les lieux de travail.2 Les programmes de ce genre ont augmenté l’accès aux ressources en prévention et réduction des méfaits, les orientations vers des services de santé et de soutien et la capacité des travailleurs(es) du sexe à collaborer. À Vancouver, la collaboration entre les travailleurs(es) du sexe (p. ex., mesures favorisant la confiance, entraide, sentiment de connexion) s’est révélée le tampon le plus fort contre le refus des clients de porter un condom, ce qui souligne encore le rôle crucial joué par les travailleurs(es) du sexe dans la réponse au VIH.19 En Colombie-Britannique, on a montré que des modèles novateurs de soutien au logement pour femmes seulement (Atira Women’s Resource Society et Raincity Housing) permettaient aux travailleuses du sexe les plus marginalisées – celles qui travaillaient auparavant dans la rue – d’avoir accès à des espaces de travail intérieurs plus sécuritaires qui leur donnaient un contrôle accru sur les transactions d’ordre sexuel, la violence et les stratégies de prévention du VIH. Ils leur permettaient également d’obtenir plus facilement des protections sanitaires, sociales et policières.20 À l’heure actuelle, un grand nombre de ces interventions se font à petite échelle et se déroulent dans un flou juridique. Le besoin de ressources pour aider la communauté à renforcer, à étendre et à évaluer ces modèles est urgent.

Vers l’avenir

Nous savons maintenant que le renforcement à grande échelle des services de prévention et de soins du VIH, tels que les programmes dirigés par les travailleurs(es) du sexe et les pairs, l’accès aux condoms, les services mobiles et d’intervention sur le terrain et l’orientation vers les soins du VIH, constitue un défi de taille, voire une impossibilité dans certains cas, dans les juridictions où les travailleurs(es) du sexe continuent d’être criminalisés et stigmatisés, ainsi que des cibles de violence et de harcèlement policier.

En dernière analyse, la combinaison d’approches de prévention du VIH incluant des réponses structurales et communautaires demeure essentielle à la prévention du VIH auprès des travailleurs(es) du sexe.2,5,6 À mesure que le nouveau gouvernement canadien cherche à corriger les méfaits causés par la législation LPCPVE introduite en 2014, la décriminalisation du travail du sexe sera une étape cruciale pour assurer l’accès à la prévention du VIH et soutenir le rôle central que jouent la communauté et les travailleurs(es) du sexe dans la protection de la santé et des droits de la personne de cette population.

 

Références

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À propos de l’auteur

La Dre Kate Shannon est directrice de la Gender & Sexual Health Initiative  du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, Chaire de recherche sur la santé sexuelle mondiale et le VIH/sida et professeure agrégée de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique. Ses intérêts en recherche incluent la santé sexuelle et des genres, la recherche et les politiques en matière de VIH/sida touchant les populations marginalisées au Canada et dans le monde. Elle se consacre avec engagement à la recherche pour orienter les politiques et les pratiques visant à réduire les inégalités sociales et de santé sexuelle et à avancer les droits de la personne des populations touchées.