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CATIE

Au Canada et dans les autres pays et régions à revenu élevé comme l’Australie, les États-Unis et l’Europe occidentale, la grande accessibilité des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelées thérapies antirétrovirales ou TAR) a donné lieu à une réduction considérable de la mortalité due aux infections liées au sida depuis leur introduction en 1996. La puissance de la TAR est telle que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que les jeunes adultes qui contractent le virus aujourd’hui et qui commencent sans tarder le traitement aient des chances de vivre jusqu’à l’âge de 80 ans ou plus.

Il faut toutefois souligner que cette prévision optimiste ne peut se réaliser que si les patients prennent la TAR tous les jours en suivant les posologies à la lettre et que s’ils n’ont pas d’affection médicale grave coexistante comme une dépendance ou un trouble de santé mentale ou émotionnelle non traité ou encore une infection non maîtrisée par un microbe susceptible d’endommager le foie, tels les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C.

Alors que le nombre d’infections liées au sida diminue, les chercheurs constatent que les problèmes de santé non liés au VIH deviennent de plus en plus pressants. Mentionnons, à titre d’exemple, que les problèmes touchant le cœur et le système circulatoire, les poumons, le foie et les reins suscitent plus d’intérêt à l’époque actuelle.

Une étude suisse

Des chercheurs suisses ont récemment évalué l’impact de la consommation de drogues sur la santé et le bien-être des personnes vivant avec le VIH. Ils ont trouvé que les personnes qui utilisaient des drogues — que ce soit par injection ou un autre moyen — affichaient un taux de survie réduit comparativement aux personnes séropositives qui n’en utilisaient pas. Selon les chercheurs, cet impact des drogues sur la survie serait attribuable au fait que la dépendance et ses conséquences nuisent considérablement à la vie des personnes séropositives, entraînant l’interruption du traitement, l’abandon des soins et des résultats malheureux sur le plan de la santé.

Comprendre la dépendance

Dans un éditorial publié plus tôt cette année dans la revue Nature, les chercheurs ont résumé ainsi les préoccupations d’ordre biologique liées à l’usage de drogues et à la dépendance :

« [Les images obtenues par résonance magnétique] du cerveau [des utilisateurs de drogues] révèlent des altérations dans des régions essentielles à l’apprentissage, à la mémoire, au jugement, à la prise de décisions et à la maîtrise du comportement. Les drogues imitent des [signaux chimiques] naturels, de sorte que des messages faux ou anormaux se transmettent [à l’intérieur du cerveau]. Le système de récompense central du cerveau est excessivement stimulé et inondé du [signal chimique] dopamine. Le cerveau s’adapte à cette inondation en limitant sa capacité de répondre à la dopamine, de sorte que [les utilisateurs de drogues] consomment de plus en plus afin de faire grimper encore plus, [par inadvertance], le taux de dopamine. »

Les auteurs de l’éditorial ajoutent : « Le déclenchement des systèmes de mémoire subconscients aboutit au conditionnement, de sorte que des éléments environnementaux comme des personnes ou des endroits particuliers déclenchent des envies incontrôlables ».

La perte de lucidité

Les drogues peuvent en effet altérer le cerveau et amener les utilisateurs à changer de priorités et d’objectifs, de sorte que la dépendance finit par l’emporter sur l’alimentation ou d’autres besoins. Les récentes recherches menées auprès de personnes dépendantes à la cocaïne laissent croire que cette drogue perturbe la région cérébrale qui favorise la lucidité et la conscience de soi par rapport à son problème de drogue. Cette découverte est importante parce que, d’ordinaire, cette perte de lucidité est largement attribuée à des problèmes psychologiques comme le déni ou le désir de minimiser sa conscience de la dépendance ou encore la perte de volonté.  

Espérons que, à l’avenir, davantage de personnes prendront conscience du lien entre la dépendance et les raisons biologiques de la perte de lucidité et que l’on finira par mieux comprendre les problèmes inhérents à la dépendance.

Guérir la dépendance

Les personnes qui utilisent des drogues ont besoin d’aide et d’encouragement pour entamer le processus qui leur permettra de reconnaître leur dépendance et de s’en affranchir pour de bon. Pour assurer le rétablissement à long terme, il est particulièrement important de régler les problèmes de santé mentale et émotionnelle à l’origine de la consommation. Pour ce faire, il est important que les personnes qui se remettent d’une dépendance aient accès à une gamme de services répondant à leurs besoins, tels que des conseils, un aiguillage, du counseling auprès de travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres et médecins de famille. Une gamme de services d’une telle largeur — incluant le dépistage de l’hépatite C, l’aide au logement, le soutien à l’apprentissage des activités de la vie quotidienne — est nécessaire parce que la dépendance tenace peut avoir un grand impact sur la vie d’une personne et sa capacité à fonctionner. Si les sources de la dépendance ne sont pas réglées, le potentiel énorme de la TAR pour prolonger la vie ne pourra se réaliser chez toutes les populations lourdement touchées par le VIH.

Dans le prochain bulletin de Nouvelles CATIE, nous parlerons en détail de l’étude suisse mentionnée plus tôt dans cet article.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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