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  • Des études antérieures ont noté que les femmes trans étaient moins susceptibles d’avoir un taux de PrEP adéquat dans le sang
  • Une nouvelle étude a toutefois observé des concentrations efficaces du médicament chez les femmes et les hommes trans
  • Les chercheurs ont conclu que les résultats précédents étaient peut-être attribuables à un faible taux d’observance

Des essais cliniques ont révélé qu’un comprimé contenant deux médicaments anti-VIH réduisait considérablement le risque d’infection par le VIH chez les hommes gais et bisexuels qui le prenaient en respectant les consignes à la lettre. Le comprimé en question contient les médicaments anti-VIH ténofovir DF (TDF) et FTC et se vend sous le nom de marque Truvada, ainsi qu’en versions génériques. La méthode qui consiste à utiliser des médicaments pour prévenir l’infection par le VIH s’appelle la prophylaxie pré-exposition (PrEP).

L’étude iPrEX est le seul essai clinique randomisé d’envergure portant sur la combinaison TDF + FTC à avoir inclus un nombre significatif de femmes trans, et aucun essai n’a inclus d’hommes trans. L’analyse d’un sous-groupe de participants à l’étude iPrEX a révélé que les femmes trans étaient moins susceptibles d’avoir une concentration protectrice de TDF + FTC dans leur sang que d’autres personnes, et plus particulièrement si elles prenaient des « hormones d’affirmation de genre » (en l’occurrence, des hormones féminisantes comme un œstrogène ou de la progestérone).

Les résultats de trois petites études de courte durée visant à évaluer la concentration de TDF dans le sang avaient laissé croire que les hormones féminisantes réduisaient légèrement la quantité de TDF dans le sang et les cellules tapissant le rectum. Cependant, comme nous l’avons mentionné, il s’agissait d’études de faible envergure lors desquelles on n’a pas vérifié l’observance de la PrEP. (Les concentrations de TDF sont le plus souvent évaluées dans le cadre de grands essais cliniques portant sur la PrEP.)

Dans un développement important, des chercheurs aux États-Unis ont publié les résultats d’une étude menée auprès de 47 femmes et hommes trans et mesurant les concentrations de TDF dans le sang. Tous les participants prenaient également des hormones d’affirmation de genre. Dans la vaste majorité des cas, la prise de la PrEP se faisait en observation directe. Les chercheurs ont constaté ce qui suit sur une période de quatre semaines :

  • Les taux de testostérone chez les hommes trans et les taux d’œstrogènes chez les femmes trans étaient semblables avant et après l’instauration de la PrEP.
  • Les taux de TDF dans le sang étaient semblables chez les femmes trans et les hommes trans au cours de l’étude. Cependant, lorsque les chercheurs ont comparé les données de cette étude à celles d’un essai mené plusieurs années auparavant chez des hommes et des femmes cisgenres, ils ont trouvé que les taux de TDF chez les personnes trans et les hommes cisgenres étaient légèrement inférieurs par rapport aux femmes cisgenres.

Détails de l’étude

Aux fins de la présente étude, les chercheurs ont recruté 24 femmes trans et 24 hommes trans. Un des hommes s’étant retiré prématurément de l’étude, celle-ci comptait au final 47 participants. La moyenne d’âge était de 31 ans, et aucun participant n’était infecté par le VIH. Voici la répartition des principaux groupes ethnoraciaux :

  • Blancs : 57 %
  • Hispaniques : 32 %
  • Noirs : 21 %

Utilisation d’hormones

Les principales hormones utilisées par les participants étaient les suivantes :

Femmes trans

  • estradiol : par voie orale chez 20 personnes et par injection chez quatre autres
  • progestérone ou médroxyprogestérone : par voie orale chez quatre personnes
  • spironolactone : neuf personnes

Hommes trans

  • cypionate de testostérone (par injection) : 18 personnes
  • énanthate de testostérone (par injection) : deux personnes
  • gel de testostérone (application topique) : deux personnes
  • testostérone (par implant) : une personne

Poids

Les personnes trans avaient un poids semblable (74 kg) et un indice de masse corporelle (IMC) moyen de 26.

Observance thérapeutique

En ce qui concerne plus de 98 % des doses de la PrEP, les chercheurs ont été en mesure d’observer directement la prise (quotidienne). Cela se faisait principalement par vidéo en direct ou enregistrée ou encore en personne.

Les chercheurs ont analysé les taux de plusieurs hormones dans les échantillons de sang des participants. Pour évaluer les taux de TDF, ils ont utilisé une technique bien validée reposant sur l’analyse de taches de sang séché sur papier.

Résultats : taux d’hormones

La PrEP n’a eu aucun effet significatif sur les taux d’estradiol ou de testostérone chez les personnes trans. Aucun participant n’a signalé d’effets indésirables attribuables à des taux d’hormones faibles. De plus, aucun participant n’a eu besoin de modifier ses doses d’hormones d’affirmation de genre au cours de l’étude.

Ni l’estradiol, ni la testostérone, ni aucune autre hormone n’ont eu d’effet sur le taux sanguin de TDF.

Cette étude a duré quatre semaines. Pendant cette période, les taux de TDF ont augmenté constamment pour atteindre une concentration conférant une protection contre le VIH. Compte tenu de l’excellent taux d’observance thérapeutique maintenu par les participants, les chercheurs ont prévu que les taux de TDF continueraient d’augmenter dans leur sang, de manière à atteindre des concentrations très protectrices.

Effets secondaires

La combinaison TDF + FTC pour la prévention du VIH a été étudiée auprès de dizaines de milliers de personnes. Les effets secondaires sont généralement légers et ont tendance à disparaître avec le temps. Dans cette étude, les effets secondaires les plus courants ont été les suivants, dans l’ordre décroissant :

  • nausées
  • diarrhée
  • fatigue
  • douleur abdominale

Aucun participant n’a cessé de prendre la PrEP en raison d’effets secondaires.

Aucun cas d’infection par le VIH ne s’est produit.

À retenir

Les chercheurs ont comparé les taux de TDF des personnes trans figurant dans cette étude à ceux de femmes cisgenres et d’hommes gais ou bisexuels ayant participé à une autre étude menée plusieurs années auparavant. En général, ils ont noté que les taux de TDF étaient semblables dans toutes les populations, quoique légèrement inférieurs chez les personnes trans, ainsi que chez les hommes gais ou bisexuels par rapport aux femmes cisgenres. Les raisons expliquant ces différences ne sont pas claires.

En guise d’explication des données de l’étude iPrEX, où on a noté des concentrations plus faibles de TDF chez les femmes trans que chez les hommes gais ou bisexuels, les chercheurs ont laissé entendre que les femmes trans inscrites à l’étude iPrEX avaient des taux de TDF plus faibles « en raison de l’utilisation moins fréquente du médicament, plutôt qu’à cause de différences d’ordre métabolique ».

Les chercheurs ont souligné que « des études portant sur de grandes cohortes d’hommes trans et de femmes trans sous PrEP ont eu lieu ou sont en cours; on s’attendrait à des cas d’infection par le VIH au sein de ces cohortes si la PrEP n’était pas très efficace ».

Même si la présente étude compte de nombreuses forces, notamment le nombre de participants inscrits et l’inclusion de personnes trans, on doit lui reconnaître aussi les lacunes suivantes :

  • Elle n’a duré que quatre semaines.
  • Les chercheurs n’ont pas prélevé d’échantillons de tissus pertinents en ce qui concerne la propagation sexuelle du VIH, soit les tissus humides de la muqueuse anogénitale et des ganglions lymphatiques avoisinants.
  • L’étude n’a pas évalué la nouvelle version du ténofovir appelée TAF (ténofovir alafénamide).

Examen externe

Le Dr Douglas Krakower, spécialiste des maladies infectieuses de l’Université Harvard, a examiné les résultats de diverses études, dont l’étude iPrEX. Il a convenu que, même si les hommes trans, les femmes trans et les hommes cisgenres avaient des concentrations de TDF semblables, celles-ci étaient « légèrement inférieures » par rapport aux femmes cisgenres. Le Dr Krakower a affirmé que, « malgré ses limites, la [présente] étude fournit de solides données probantes attestant que l’hormonothérapie d’affirmation de genre et la PrEP par TDF + FTC peuvent être utilisées ensemble sans compromettre les soins d’affirmation de genre ou la prévention du VIH ».

Pour accroître l’impact de la PrEP chez les personnes trans, le Dr Krakower suggère les mesures suivantes, entre autres :

  • Des études par observation de plus grande envergure sont nécessaires « pour confirmer que la PrEP offre une protection quasi intégrale contre l’infection par le VIH chez les personnes trans comme elle le fait chez d’autres populations, ce qui pourrait augmenter encore la confiance dans la PrEP ».
  • Les chercheurs « doivent s’assurer que les études sur les futures modalités de la PrEP (celle à action prolongée, par exemple) incluent les populations trans et sollicitent leur participation afin d’accroître la probabilité que la PrEP réponde aux besoins particuliers de plusieurs groupes, y compris les personnes qui ne se reconnaissent pas dans la conceptualisation binaire du genre (p. ex., les personnes de genre non conforme ou genderqueer) ».
  • D’autres interventions sont nécessaires « pour réduire la stigmatisation du transgenrisme dans les contextes de soins de santé, afin que les personnes trans se sentent à l’aise de se procurer la PrEP dans le cadre de soins centrés sur le patient et d’affirmation de genre. Si les chercheurs et les cliniciens peuvent développer et délivrer la PrEP de manière à répondre aux besoins des populations transgenres, la PrEP pourra devenir une pierre angulaire de la réponse au VIH efficace et équitable dont nous avons besoin ».

––Sean R. Hosein

Ressources

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) par voie orale – feuillet d’information de CATIE

La PrEP pour les populations peu étudiées : Examiner les questions sur l'efficacité et l'innocuitéPoint de mire sur la prévention

De quelle façon la PrEP prévient-elle le VIH? – vidéo de CATIE

Questions fréquentes sur la PrEP

Lignes directrices canadiennes sur les prophylaxies pré-exposition et post-exposition non professionnelle au VIH – Groupe de travail sur la prévention biomédicale du VIH du Réseau canadien pour les essais VIH des IRSC

PrEP for trans women – PleasePrEPme.org (en anglais et en espagnol seulement)

RÉFÉRENCES :

  1. Grant RM, Pellegrini M, Defechereux PA et al. Sex hormone therapy and tenofovir diphosphate concentration in dried blood spots: Primary results of the iBrEATHe Study. Clinical Infectious Diseases. 2020; sous presse.
  2. Krakower DS. HIV preexposure prophylaxis: Meeting the needs of transgender populations. Clinical Infectious Diseases. 2020; sous presse.
  3. Anderson PL, Liu AY, Castillo-Mancilla JR et al. Intracellular tenofovir-diphosphate and emtricitabine-triphosphate in dried blood spots following directly observed therapy. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2017;62(1):e01710-17.