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Un proche parent du VIH, le VIS (virus de l’immunodéficience simienne) cause une maladie semblable au sida chez les singes vulnérables. On a souvent recours aux singes infectés par le VIS pour évaluer des médicaments et des vaccins potentiels avant de les tester chez des humains infectés par le VIH.
Depuis au moins six ans, une équipe de chercheurs aux États-Unis mène des expériences sur des singes infectés par le VIS. Ils leur donnent des perfusions intraveineuses d’un anticorps conçu pour réduire la propagation des cellules infectées par le virus dans leur système immunitaire. Lors de son expérience la plus récente, l’équipe a trouvé que les singes infectés par le VIS qui recevaient en combinaison un traitement anti-VIS et l’anticorps spécialisé plusieurs semaines après l’infection par le VIS avaient subséquemment une faible quantité de VIS dans leur sang, ainsi que très peu de cellules infectées par le VIS. De plus, ce résultat s’est maintenu après que les chercheurs ont cessé de donner le traitement anti-VIS aux singes. Enfin, une fois le traitement terminé, le système immunitaire des singes semblait avoir subi peu de dommages à cause de l’infection parce que les animaux avaient des comptes de cellules CD4+ normaux.
Ce résultat était inhabituel et inattendu. Il faut pourtant préciser que les singes en question n’ont pas été guéris du VIS. Il n’empêche que cette expérience soulève la possibilité qu’un essai clinique mené chez des personnes séropositives puisse donner un résultat semblable. Utilisant un anticorps appelé védolizumab (Entyvio) qui est approuvé pour le traitement des personnes atteintes d’affections intestinales inflammatoires, des chercheurs aux États-Unis ont lancé un tel essai clinique auprès de personnes vivant avec le VIH.
Avant de parler en détail de l’expérience menée sur des singes mentionnée plus tôt, nous fournissons ci-dessus quelques renseignements sur le système immunitaire et son interaction avec le VIH.
Le système immunitaire est largement dispersé dans des cellules et des petits foyers de tissus situés presque partout dans le corps. Quelques organes majeurs font également partie du système immunitaire, notamment la moelle osseuse, la rate et le thymus. Chose importante, une proportion considérable du système immunitaire se trouve dans les nombreux ganglions et tissus lymphatiques situés autour du tractus gastro-intestinal (GI). Par conséquent, la plupart (98 %) des cellules clés du système immunitaire, soit les cellules CD4+, se trouvent également dans les ganglions et tissus lymphatiques. De fait, seulement environ 2 % des cellules CD4+ du corps résident dans le sang. C’est pour cette raison que les recherches centrées sur ce qui se passe dans les tissus et ganglions lymphatiques sont importantes.
Après être entré dans le corps, le VIH rencontre les cellules du système immunitaire. Ces cellules capturent le VIH et l’emmènent aux ganglions et aux tissus lymphatiques dispersés autour du tractus GI. Les cellules du système immunitaire sont attirées par les tissus et ganglions lymphatiques du tractus GI parce qu’elles sont dotées de récepteurs spécialisés. Une fois logées dans ces foyers du système immunitaire, les cellules qui ont capturé le VIH aident à éduquer les autres cellules immunitaires au sujet du virus envahissant afin qu’elles puissent l’attaquer aussi. Malheureusement, par des mécanismes qui ne sont pas tout à fait clairs, le VIH déjoue les défenses du système immunitaire et réussit à infecter de nombreuses autres cellules. Ces cellules infectées libèrent des signaux chimiques qui affaiblissent encore le système immunitaire, et le virus se propage partout dans l’organisme.
Selon certains chercheurs, si l’on réussissait à contrecarrer les récepteurs utilisés par les cellules pour localiser le tissu lymphoïde intestinal, il serait peut-être possible de réduire considérablement la propagation du VIH à l’intérieur du corps et d’atténuer ainsi les dommages infligés au système immunitaire. Des chercheurs aux États-Unis, au Canada et en Europe occidentale ont étudié des techniques visant à bloquer un récepteur spécifique situé sur les cellules T et d’autres cellules du système immunitaire. Le nom technique de ce récepteur est alpha4bêta7, mais nous utiliserons le raccourci a4b7.
Les cellules du système immunitaire, et plus particulièrement les cellules CD4+, utilisent l’a4b7 pour les aider à migrer vers les foyers du système immunitaire dispersés autour des intestins. Certaines recherches portent à croire que le VIS (et le VIH) peut utiliser ce récepteur pour l’aider à infecter des cellules. En bloquant l’a4b7 à l’aide d’anticorps et de petites molécules, certains chercheurs croient qu’il serait possible de protéger la majorité des cellules CD4+ du corps contre le VIH. Cependant, avant de se lancer dans des essais cliniques sur cet anticorps chez des personnes séropositives, il a fallu que les chercheurs mènent des expériences sur des singes infectés par le VIS.
Des recherches antérieures menées aux États-Unis avaient abouti à la mise au point d’un anticorps que l’on pouvait donner sans danger aux singes infectés par le VIS. L’anticorps en question se lie à l’a4b7, de sorte que les cellules et le VIS n’ont pas accès au récepteur. Des expériences récentes ont permis de constater que les anticorps anti-a4b7 pouvaient protéger certains singes contre l’infection par le VIS lorsqu’ils étaient administrés avant ou pendant l’infection. Chez les singes atteints de l’infection chronique au VIS qui ont reçu des perfusions de l’anticorps, les taux de cellules CD4+ étaient près de la normale et le nombre de cellules infectées par le VIS était très faible. Ces résultats ont motivé les chercheurs à mener une étude pour évaluer un traitement anti-VIS en combinaison avec l’anticorps anti-a4b7 chez des singes infectés par le VIS.
Les points saillants de l’expérience la plus récente menée sur des singes sont les suivants :
La charge virale des huit singes était élevée initialement, soit près de 3 millions de copies/ml. Toutefois, après trois semaines de traitement consécutives, leur charge virale a chuté au-dessous du seuil de détection.
Les résultats obtenus après l’arrêt du traitement anti-VIS ont étonné quelque peu les chercheurs.
Parmi les huit singes qui ont reçu l’anticorps anti-a4b7, les réponses ont varié, comme suit :
À titre de comparaison, notons que la charge virale des singes qui n’ont pas reçu l’anticorps anti-a4b7 a grimpé jusqu’à environ un million de copies/ml et est restée élevée pour la durée de l’expérience.
Après la cessation du traitement anti-VIS chez les singes ayant reçu l’anticorps anti-a4b7, le taux de cellules infectées par le VIS est devenu indétectable. Cela porte à croire que l’anticorps a eu un impact majeur sur la capacité du VIS d’infecter les cellules. En revanche, chez les singes traités par l’anticorps non spécifique, le taux de cellules infectées par le VIS est demeuré élevé.
Pendant la phase précoce de l’infection au VIS non traitée, le nombre de cellules CD4+ dans le sang a diminué. Subséquemment, seuls les singes traités par l’anticorps anti-a4b7 ont bénéficié d’une augmentation significative de leur compte de cellules CD4+. De plus, après la cessation des perfusions de l’anticorps anti-a4b7, les comptes de CD4+ sont restés élevés et approchaient des niveaux normaux.
Une analyse des tissus lymphatiques situés autour des intestins des singes a également révélé des comptes de cellules CD4+ élevés, mais seulement chez les singes qui avaient reçu l’anticorps anti-a4b7. Les chercheurs croient que cet anticorps a peut-être protégé les cellules CD4+ des intestins et d’autres régions du corps contre l’infection par le VIS.
Le système immunitaire inclut un groupe important de cellules appelées cellules tueuses naturelles (cellules NK = natural killer). Ces cellules peuvent détruire les cellules infectées par des virus ainsi que les tumeurs. Les chercheurs ont constaté que les taux de cellules NK étaient semblables dans un premier temps chez les deux groupes de singes. Cependant, les taux de cellules NK ont seulement augmenté chez les singes traités par l’anticorps anti-a4b7. Les chercheurs pensent que cette augmentation du taux de cellules NK a peut-être aidé les singes à contrôler leur charge virale en VIS.
Les virus comme le VIH et le VIS peuvent causer une augmentation importante de l’inflammation générale et des dommages causés à de nombreux systèmes organiques du corps. On a détecté un taux d’inflammation élevé chez tous les singes figurant dans cette étude, au moins initialement. Cependant, l’inflammation a seulement diminué chez les singes traités par l’anticorps anti-a4b7.
On appelle la forme active de la vitamine A qui se trouve dans le corps l’acide rétinoïque. Au début de l’étude, durant la phase précoce de l’infection au VIS, les chercheurs ont trouvé que tous les singes avaient un taux d’acide rétinoïque inférieur à la normale. Cependant, chez les singes exposés subséquemment à l’anticorps anti-a4b7, le taux d’acide rétinoïque a grimpé jusqu’à un niveau presque normal. Les chercheurs ne savent pas avec certitude quel rôle, si rôle il y avait, l’acide rétinoïque a pu jouer dans les résultats généraux de cette étude parce que les taux d’acide rétinoïque ont baissé sous l’effet de l’infection au VIS et n’ont grimpé de nouveau qu’après les perfusions de l’anticorps anti-a4b7. Il est possible que les taux élevés de vitamine A soient la conséquence et non la cause de l’effet de l’anticorps anti-a4b7. D’autres expériences ont trouvé des taux variables de vitamine A chez différentes espèces de singes dont les cellules exprimaient l’a4b7, ce qui mêle davantage toute conclusion claire que l’on pourrait tirer concernant le rôle que la vitamine A aurait joué dans cette expérience.
L’analyse des échantillons de sang des singes porte à croire que seuls les animaux traités par l’anticorps anti-a4b7 ont développé des anticorps qui s’attaquaient spécifiquement au VIS. Il est plausible que ces anticorps aient joué un rôle pour aider le système immunitaire des singes à contrôler le VIS.
Cette expérience récente sur des singes traités par l’anticorps anti-a4b7 a donné des résultats inattendus et prometteurs qui devront être reproduits par au moins une autre équipe de chercheurs.
Il existe un anticorps conçu pour l’usage chez l’humain qui porte le nom de védolizumab (Entyvio). Cet anticorps se lie également au récepteur a4b7 des cellules CD4+ des humains. Il est homologué pour le traitement de certaines affections inflammatoires des intestins, notamment la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Les chercheurs qui ont étudié les singes croient que le védolizumab pourrait avoir des effets bénéfiques chez les humains atteints du VIH.
Les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis ont lancé un essai clinique sur le védolizumab chez des personnes séropositives qui suivent un traitement antirétroviral (TAR), qui ont plus de 450 cellules CD4+/mm3 et qui sont en bonne santé. Comme lors de l’étude menée sur des singes que nous venons de décrire, les participants à l’essai des NIH finiront par prendre une interruption de traitement supervisée afin que l’on puisse évaluer l’effet de l’anticorps sur leur système immunitaire. Les chercheurs ne peuvent prévoir les résultats de cette étude pour au moins les raisons suivantes :
Malgré ces bémols, l’essai des NIH est très important et suscite beaucoup d’enthousiasme parce qu’il est très prometteur et porte sur un médicament qui est déjà approuvé pour les humains (pour d’autres maladies).
—Sean R. Hosein
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