Problèmes d’innocuité avec le védolizumab

Comme nous l’avons déjà mentionné dans ce numéro de TraitementActualités, une étude importante sur des singes a inspiré des chercheurs américains à mener un essai clinique sur le médicament védolizumab chez des personnes atteintes du VIH. Vendu sous le nom d’Entyvio, le védolizumab est un anticorps conçu pour l’usage chez l’humain. Il est administré par voie intraveineuse pour le traitement d’affections intestinales inflammatoires (telle la maladie de Crohn) et est homologué à cette fin au Canada, aux États-Unis et dans l’Union européenne. Comme les recherches sur le védolizumab chez les personnes séropositives vont sans doute susciter beaucoup d’intérêt, il sera utile de revoir les données recueillies au sujet de son innocuité lors d’études bien conçues.

Védolizumab

Cet anticorps agit en se liant à un récepteur appelé a4b7 (alpha4bêta7). Ce récepteur aide les cellules CD4+ et d’autres cellules immunitaires à localiser les foyers du système immunitaire dispersés autour des intestins. En bloquant ce récepteur, le védolizumab empêche les cellules immunitaires de migrer vers les intestins et d’aggraver l’inflammation chez les personnes souffrant de la maladie de Crohn (et d’autres affections apparentées).

Les études

Des chercheurs au Canada, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont collaboré à une analyse des résultats de six essais cliniques sur le védolizumab. Des placebos ont été utilisés dans certains des essais en question. L’analyse a porté spécifiquement sur plus de 2 800 participants qui ont reçu le médicament entre mai 2009 et juin 2013. Environ 50 % des participants ont reçu le médicament pendant un an, mais une minorité d’entre eux l’ont pris jusqu’à cinq ans.

En général, les chercheurs ont trouvé que le védolizumab était sans danger et donnait lieu à des taux faibles d’infections et de complications. Nous résumons ci-dessous les différentes complications recensées lors de l’analyse de l’innocuité.

Réactions aux perfusions

Le védolizumab doit être administré par voie intraveineuse. Moins de 6 % des participants ont éprouvé des effets indésirables liés à la perfusion du védolizumab. Les effets indésirables les plus courants ont été les nausées (14 personnes) et les maux de tête (10 personnes), et ces effets ont généralement été d’intensité légère à modérée.

Infections

Selon les chercheurs, « Nous n’avons pas observé d’augmentation générale du risque d’infections ou d’infections graves liée à l’exposition au védolizumab… » Les facteurs de risque d’infections semblaient inclure la prise d’autres classes de médicaments comme les corticostéroïdes (lesquels peuvent affaiblir le système immunitaire) et les narcotiques sur ordonnance.

La plupart des infections touchaient la partie supérieure des poumons, la gorge ou les sinus. Décrites comme « d’intensité légère à modérée » par les chercheurs, ces infections ont répondu au traitement standard. Moins de 1 % des participants touchés par ces infections ont discontinué l’usage de védolizumab. De plus, les infections de ce genre ont été plus courantes parmi les personnes recevant le placebo. Les chercheurs ne sont pas certains pourquoi cela s’est produit, mais ils ont suggéré que les personnes sous placebo avaient peut-être « une maladie plus active et une plus grande propension à souffrir d’infections intestinales, ce qui pourrait confondre les taux d’incidence déclarés ». Selon les chercheurs, les utilisateurs du védolizumab avaient un taux d’infections relativement faible. D’autres chercheurs qui avaient recueilli des données sur l’innocuité de ce médicament avaient obtenu ce même résultat.

Les chercheurs ont recensé 15 cas d’infections intestinales bactériennes (causées par Clostridia), dont chacune s’était produite chez des utilisateurs du védolizumab.

Contrairement à certains autres traitements intraveineux contre les maladies inflammatoires, le védolizumab n’a été associé à aucune des infections graves suivantes :

  • tuberculose disséminée
  • infections aux levures systémiques
  • zona disséminé (herpès zoster)
  • infection au CMV (cytomégalovirus) à l’extérieur de l’appareil digestif
  • PPC (pneumonie à Pneumocystis)
  • LMP (leucoencéphalopathie multifocale progressive)

Cancers

Pendant les études contrôlées contre placebo, les cas de cancer étaient répartis comme suit :

  • védolizumab : cinq participants
  • placebo : un participant

Après la phase contrôlée des études, les chercheurs offraient le védolizumab à tous les participants (on appelait cette partie subséquente de l’étude la phase « ouverte » parce que tous les participants savaient quel médicament ils prenaient). Pendant la phase ouverte, 13 participants additionnels ont reçu un diagnostic de cancer.

Ainsi, un total de 19 personnes inscrites à ces études ont développé un cancer. Comme l’analyse de l’innocuité a porté sur les données de 2 830 personnes, ces 19 personnes constituaient 0,67 % des  participants.

Comprendre le risque de cancer

Lorsqu’on lit cette analyse des risques de cancer, il est important de se rappeler que les tumeurs n’apparaissent pas soudainement du jour au lendemain, mais mettent parfois plusieurs mois ou années à se développer avant que leur présence soit détectée. Toutes les personnes qui ont été touchées par un cancer lors des études sur le védolizumab présentaient un facteur de risque ou davantage, comme suit :

  • Toutes les personnes atteintes de cancer sauf une avaient déjà été exposées à des médicaments qui avaient affaibli leur système immunitaire. Les médicaments en question sont souvent utiles pour contrôler les maladies inflammatoires graves, mais ils augmentent aussi le risque de cancer pour la personne qui les prend.
  • Presque la moitié des personnes atteintes de cancer fumaient ou avaient fumé.
  • Certains participants avaient déjà eu un cancer avant de recevoir le védolizumab.

On n’a découvert aucun lien entre l’usage de védolizumab et l’apparition du cancer, ni entre le nombre de doses de védolizumab utilisées et le risque de cancer.

Sur les 19 cas de cancer, la plupart (12) se sont résorbés grâce à un traitement. Toutefois, quatre personnes n’ont pas connu de rémission de leur cancer, et trois personnes sont mortes de complications causées par le cancer.

Décès de causes autres que le cancer

Treize décès ont été attribués aux complications d’infections bactériennes graves. À ce sujet, les chercheurs ont affirmé ceci :

« Tous… avaient une maladie sous-jacente qui s’aggravait, des comorbidités importantes et des traitements hospitaliers compliqués qui incluaient la chirurgie dans deux cas, autant de facteurs qui ont confondu l’évaluation du lien avec le médicament à l’étude. »

Deux personnes qui recevaient un traitement contre la dépression se sont suicidées.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Colombel JF, Sands BE, Rutgeerts P, et al. The safety of vedolizumab for ulcerative colitis and Crohn’s disease. Gut. 2016.
  2. Takeda Canada. Biologic treatment Entyvio (vedolizumab) approved by Health Canada to treat Crohn’s disease. Press release. 15 May 2016.