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Les estimations nationales de la prévalence du VIH nous indiquent combien de personnes au Canada vivent avec le VIH à un moment précis. Elles incluent des données sur le nombre de personnes vivant avec le VIH qui sont des femmes ou des hommes, mais ne fournissent actuellement aucune information sur le nombre de ces personnes qui s’identifient comme trans. Une meilleure compréhension de la prévalence du VIH peut nous aider à mieux planifier les services de prévention, de dépistage, de traitement et de soins liés au VIH pour les personnes trans, et à en faire valoir la nécessité. Cet article résume une revue systématique concernant la prévalence mondiale et régionale du VIH parmi les personnes trans1.

Le VIH et les personnes trans

Le terme générique « personnes trans » décrit les personnes dont l’identité/expression de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Ces personnes sont diverses et utilisent différents termes pour s’identifier, notamment :

  • femme trans : personne à qui l’on a assigné le sexe masculin à la naissance et qui a une identité/expression de genre féminine;
  • homme trans : personne à qui l’on a assigné le sexe féminin à la naissance et qui a une identité/expression de genre masculine.

Les personnes trans font face à de nombreux obstacles à leur implication dans la prévention, le dépistage, le traitement et les soins liés au VIH2,3,4. Il peut s’agir d’obstacles sociaux et structurels comme la transphobie, la stigmatisation et la discrimination, ou d’un manque d’accès à des services et prestataires de soins capables de répondre aux besoins spécifiques des personnes trans. À ce jour, les recherches sur le VIH et les personnes trans ont porté davantage sur les femmes trans que sur les hommes trans.

Quels types d’études de recherche sont inclus dans la revue systématique?

La revue systématique a combiné des données sur le VIH recueillies chez des personnes trans dans divers pays afin d’établir des estimations de la prévalence mondiale et régionale du VIH. En l’absence de données nationales canadiennes, ces estimations à plus grande échelle peuvent constituer un aperçu général de la prévalence du VIH parmi les personnes trans au Canada.

Quatre-vingt-treize (93) articles ont été inclus dans la revue, dont une étude canadienne. Pour qu’une étude soit retenue, elle devait :

  • avoir été publiée entre 2000 et 2019;
  • fournir des informations sur la prévalence du VIH parmi les femmes trans ou les hommes trans;
  • avoir établi le statut VIH au moyen de tests confirmés en laboratoire (et non par l’autodéclaration des participant·e·s);
  • fournir des informations sur le contexte/lieu de la recherche;
  • situer la période de collecte des données;
  • indiquer la prévalence du VIH ou la fréquence des diagnostics de VIH dans l’ensemble de l’échantillon;
  • dans le cas des études sur les femmes trans, avoir un échantillon d’au moins 40 personnes (ce critère n’a pas été appliqué aux études sur les hommes trans, dont les échantillons étaient plus petits; l’exigence d’un minimum de participant·e·s aurait conduit à exclure plusieurs études).

Voici les caractéristiques des études incluses :

  • 78 études portaient sur les femmes trans, quatre études sur les hommes trans et 16 études sur les femmes trans et les hommes trans.
  • Les études sur les femmes trans incluaient un total de 48 604 personnes dans 34 pays.
  • Les études sur les hommes trans incluaient un total de 6 460 personnes dans cinq pays.

Quelle est la prévalence du VIH parmi les personnes trans?

La revue a examiné la prévalence du VIH parmi les personnes trans et la probabilité d’être séropositif·ve pour les personnes trans comparativement aux personnes de la population générale de plus de 15 ans. En général, la prévalence du VIH était plus élevée chez les femmes trans que chez les hommes trans, et les deux groupes étaient plus susceptibles d’être séropositifs que la population générale.

Vue d’ensemble

La prévalence générale du VIH parmi les personnes trans dans la revue était de 19,9 % chez les femmes trans et de 2,6 % chez les hommes trans. Par rapport à la population générale, la probabilité d’être séropositif·ve était plus élevée pour les femmes trans (rapport de cotes [RC] = 66,0) et les hommes trans (RC = 6,8).

Par région géographique

La revue a examiné la prévalence du VIH chez les femmes trans dans quatre régions : l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et le Nord mondial (celui-ci englobant des études réalisées au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Italie et en Espagne). Puisque les quatre études sur les hommes trans ne provenaient que de cinq pays, la revue n’a pas calculé la prévalence régionale pour ce groupe.

La prévalence du VIH parmi les femmes trans dans chaque région était la suivante :

  • Afrique – 29,9 %; 22 fois plus susceptibles d’avoir le VIH que la population générale (RC = 21,5)
  • Asie – 13,5 %; 68 fois plus susceptibles d’avoir le VIH que la population générale (RC = 68,0)
  • Amérique latine – 25,9 %; 96 fois plus susceptibles d’avoir le VIH que la population générale (RC = 95,6)
  • Nord mondial – 17,1 %; 48 fois plus susceptibles d’avoir le VIH que la population générale (RC = 48,4)

Lien entre la PrEP et la prévalence du VIH

La revue a également examiné si l’utilisation de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) avait eu une incidence sur la prévalence du VIH parmi les femmes trans. À l’aide de données d’études des États-Unis, les auteur·e·s ont calculé la prévalence du VIH avant et après l’introduction de la PrEP aux États-Unis en 2012.

Avant l’avènement de la PrEP, la prévalence du VIH parmi les femmes trans dans les études étatsuniennes était de 18,4 %; après l’introduction de la PrEP, elle était de 23,7 %. Les femmes trans étaient plus susceptibles que la population générale de plus de 15 ans de vivre avec le VIH, que ce soit avant l’introduction de la PrEP (RC = 53,5) ou après (RC = 58,0). Compte tenu de ces résultats, les auteur·e·s ont conclu que la PrEP n’avait pas eu d’effet sur la prévalence du VIH parmi les femmes trans. Ils et elles ont indiqué que ce résultat pourrait être dû au fait qu’un moins grand nombre de données d’études avait été publié après l’introduction de la PrEP – par conséquent, l’échantillon à partir duquel la prévalence a été calculée pour cette période pourrait être moins représentatif. Une autre explication possible est que les personnes trans n’ont eu jusqu’ici qu’un accès limité à la PrEP; leur inclusion dans les essais cliniques portant sur la PrEP est également limitée. Des efforts supplémentaires sont requis pour faire en sorte que les personnes trans connaissent la PrEP et puissent y accéder.

Quelles sont les implications de la revue pour les prestataires de services?

Cette revue systématique confirme une prévalence élevée du VIH parmi les personnes trans à l’échelle mondiale, ce qui concorde avec les revues systématiques antérieures à propos du VIH chez les personnes trans. Elle confirme également que le fardeau du VIH est plus important chez les personnes trans que dans la population générale, et que les femmes trans ont plus de risque d’être séropositives que les hommes trans. Bien que ces résultats ne soient pas spécifiques au contexte canadien, le constat d’une prévalence élevée du VIH dans diverses régions du monde démontre une augmentation continue du fardeau du VIH pour les personnes trans, où qu’elles soient. La revue a également révélé que la PrEP n’avait pas eu d’effet sur le taux de prévalence du VIH parmi les femmes trans.

Les prestataires de services peuvent prendre diverses mesures pour mieux répondre au VIH chez les personnes trans dans le cadre de leurs programmes et services, notamment :

  • développer leurs connaissances et leurs compétences culturelles dans leur travail auprès de personnes trans et fournir à celles-ci des services accueillants, sûrs, appropriés et affirmatifs du genre3,4,5,6;
  • examiner les services existants pour déterminer dans quelle mesure ils sont appropriés, sûrs et pertinents pour les personnes trans, et comment les rendre plus accueillants à leur égard (p. ex. en impliquant des personnes trans dans l’élaboration des programmes et la prestation des services)3,5;
  • créer des services spécifiques aux besoins des personnes trans (p. ex. en regroupant les services liés au VIH et d’autres services de santé destinés aux personnes trans, pour une prise en charge plus complète; et en reconnaissant que les femmes trans et les hommes trans peuvent avoir des besoins différents)4,5;
  • sensibiliser les personnes trans à la PrEP et soutenir l’observance thérapeutique de celles qui l’utilisent (p. ex. en remédiant aux obstacles à l’accès et à l’utilisation de la PrEP, et aux préoccupations propres aux personnes trans concernant la PrEP, comme les interactions potentielles avec l’hormonothérapie)3,6;
  • se pencher sur les déterminants sociaux de la santé, tels que le logement et la sécurité alimentaire, qui peuvent constituer des obstacles à l’accès des personnes trans aux services de santé et aux services liés au VIH5;
  • militer pour l’amélioration de la collecte des données pour qu’elle inclue des catégories liées à l’identité de genre, p. ex. dans les formulaires d’admission ou les enquêtes auprès des client·e·s, afin d’améliorer la compréhension des personnes trans dans le contexte du VIH4.

Il convient de noter quelques caractéristiques de cette revue systématique :

  • La prévalence du VIH a été calculée à partir des études publiées au moment de l’analyse. L’échantillon de personnes dans l’ensemble des études incluses pourrait ne pas être représentatif des personnes trans à l’échelle mondiale ou dans certaines régions. Une déclaration plus précise des diagnostics de VIH chez les personnes trans, dans les systèmes de surveillance, est essentielle afin d’améliorer notre compréhension du VIH parmi les personnes trans.
  • Jusqu’à présent, les recherches sur le VIH ont porté davantage sur les femmes trans que sur les hommes trans. Par conséquent, la revue comprenait un nombre beaucoup plus faible d’études sur les hommes trans que sur les femmes trans, et n’a pu analyser la prévalence régionale du VIH parmi les hommes trans et l’incidence de la PrEP sur la prévalence du VIH dans ce groupe. Outre certaines études qui incluaient des femmes trans et des hommes trans, la revue ne comprenait que quatre études centrées sur les hommes trans; et il existe un risque de biais lié à la taille de l’échantillon dans ces études. Les études sur les femmes trans qui comptaient moins de 40 participantes ont été exclues, mais ce critère n’a pas été appliqué aux études sur les hommes trans, car il aurait entraîné l’exclusion de la plupart des recherches pertinentes.

Qu’est-ce qu’une revue systématique?

Une revue systématique est une importante méthode de recherche documentaire servant à éclairer les programmes fondés sur des données probantes. Une revue systématique est un résumé critique des données probantes disponibles sur un sujet précis. Elle utilise un processus rigoureux de recherche de toutes les études liées à une question de recherche précise. Elle permet ensuite d’évaluer la qualité des études pertinentes et de résumer leurs résultats afin de relever et de présenter les principales observations et limites des études. Si les études d’une revue systématique contiennent des données numériques, ces données peuvent être combinées de façons stratégiques de manière à pouvoir calculer des estimations sommaires (« données regroupées »). La combinaison de données pour produire des estimations groupées peut fournir une meilleure vue d’ensemble du sujet à l’étude. Le processus de regroupement des estimations issues de différentes études est appelé méta-analyse.

Ressources connexes

L’épidémiologie du VIH au Canada – feuillet d’information

Mise à jour sur la recherche : Résultats du sondage 2015 sur la santé et les soins des personnes trans aux États-Unis

La prévention du VIH et les personnes trans : que peut nous apprendre le projet Trans PULSE?

Références

  1. Stutterheim SE, van Dijk M, Wang H et al. The worldwide burden of HIV in transgender individuals: an updated systematic review and meta-analysis. PLoS One. 2021 Dec 1;16(12):e0260063. Disponible à l’adresse : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0260063
  2. Munro L, Marshall Z, Bauer G et al. (Dis)integrated care: barriers to health care utilization for trans women living with HIV. Journal of the Association of Nurses in AIDS Care. 2017 Oct;28(5):708-22.
  3. Lacombe-Duncan A, Kia H, Logie CH et al. A qualitative exploration of barriers to HIV prevention, treatment and support: perspectives of transgender women and service providers. Health and Social Care in the Community. 2021 Sep;29(5):e33-46.
  4. Scheim AI, Travers R. Barriers and facilitators to HIV and sexually transmitted infections testing for gay, bisexual, and other transgender men who have sex with men. AIDS Care. 2017 Aug;29(8):990-5. Disponible à l’adresse : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09540121.2016.1271937
  5. Everhart AR, Boska H, Sinai-Glazer H et al. “I’m not interested in research; I’m interested in services”: how to better health and social services for transgender women living with and affected by HIV. Social Science and Medicine. 2022 Jan;292:114610. Disponible à l’adresse : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277953621009424?via%3Dihub
  6. Poteat T, Wirtz AL, Reisner S. Strategies for engaging transgender populations in HIV prevention and care. Current Opinion in HIV and AIDS. 2019 Sep;14(5):393-400.

 

 

À propos de l’auteur

Erica Lee est gestionnaire de contenu du site Web et évaluation chez CATIE. Depuis l’obtention de sa maîtrise en sciences de l’information, Erica a travaillé dans le domaine des bibliothèques de la santé, soutenant les besoins en information des prestaires de services de première ligne et les utilisateur·trice·de services. Avant de se joindre à CATIE, Erica était la bibliothécaire de l’organisme AIDS Committee of Toronto (ACT).