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  • En C.-B., les directives sur l’atténuation des risques autorisent la prescription d’opioïdes et de stimulants en prévention des surdoses
  • Une étude a examiné l’effet de ce type de prescription sur la mortalité et les taux d’hospitalisation
  • La prescription d’opioïdes a réduit considérablement le risque de décès par surdose et de toute autre cause

En mars 2020, au début de la pandémie de COVID-19, la Colombie-Britannique a publié des directives sur l’atténuation des risques (DAR). Ces directives offraient aux professionnel·le·s de la santé des conseils sur la prescription de médicaments, dont nombre d’opioïdes et de stimulants, pour remplacer les drogues non réglementées utilisées par des personnes à risque de COVID-19 et de surdose. Cette approche est couramment désignée par le terme approvisionnement plus sécuritaire. Les DAR étaient fondées sur des données probantes et des directives cliniques sur le traitement des troubles liés à l’usage de substances. Il s’agit des premières directives cliniques fournies par un gouvernement provincial pour soutenir les professionel·le·s de la santé à prescrire des solutions de rechange aux drogues non réglementées.

La prescription de substituts pharmaceutiques (désormais appelés ici médicaments DAR) est une nouvelle pratique adoptée en réponse à la crise des surdoses mortelles dues aux effets toxiques des drogues non réglementées. L’étude dont il sera question ici avait pour objectif d’examiner les données populationnelles sur les effets des médicaments DAR sur les risques de mortalité et de visites ou séjours à l’hôpital associés aux surdoses et à toute autre cause.

Détails de l’étude

L’étude a examiné des données corrélées provenant de plusieurs bases de données administratives se rapportant à la population, dont régimes publics d’assurance maladie, pharmacies communautaires, hôpitaux, instituts correctionnels et dossiers de coroners. La cohorte se composait de personnes résidant en Colombie-Britannique au sujet desquelles on disposait d’indices d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes ou de stimulants (c.-à-d. des personnes dont le dossier indiquait un diagnostic probable d’un tel trouble ou un traitement antérieur par agoniste opioïde).

Le suivi des dossiers des participant·e·s a commencé la semaine du 27 mars 2020, ou encore dès la première semaine où les dossiers indiquaient un trouble lié à l’usage d’opioïdes ou de stimulants, selon la première occurrence. Le suivi a pris fin lorsque la personne en question est décédée ou a été incarcérée, ou encore lors de la conclusion de la période de l’étude au 31 août 2021.

Les médicaments proposés dans les DAR incluaient l’hydromorphone sous forme de comprimé et la morphine orale comme substituts aux opioïdes, ainsi que le méthylphénidate ou la dextroamphétamine comme substituts aux stimulants. Notons que ces médicaments sont également prescrits pour d’autres raisons, notamment la maîtrise de la douleur et le traitement du TDAH. Pour cette raison, les responsables de l’étude ont utilisé des algorithmes pour cerner précisément les prescriptions de médicaments DAR dans les dossiers pharmaceutiques.

Pour créer un groupe de comparaison, l’équipe de recherche a jumelé individuellement des personnes qui recevaient des médicaments DAR à des personnes qui n’en recevaient pas. Pour accomplir ce processus de jumelage, l’équipe a pris en compte plus de 50 facteurs démographiques, socioéconomiques et autres. Le fait d’avoir suivi un traitement par agoniste opioïde (TAO) était un facteur de comparaison.

Les données étaient analysées chaque semaine. De façon générale, les participant·e·s se faisaient prescrire des médicaments DAR de façon intermittente pour des périodes de plusieurs semaines pendant l’étude. Certaines personnes ont reçu des substituts pharmaceutiques pour une semaine seulement ou encore de façon continue pendant plusieurs semaines. Grâce aux analyses de données hebdomadaires, l’équipe de recherche pouvait déterminer les effets immédiats produits par la prescription de médicaments DAR.

Résultats de l’étude

L’équipe de recherche a recensé 70 360 personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes, dont 5 356 (7,6 %) ont reçu des médicaments DAR. Sur les 41 890 personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage de stimulants, 1 061 (2,5 %) ont reçu des médicaments stimulants conformément aux DAR. Cinq cent trente-cinq personnes ont reçu des médicaments DAR en remplacement d’opioïdes et de stimulants.

Caractéristiques des personnes traitées par médicaments opioïdes conformément aux DAR :

  • femmes : 36,4 %
  • âge médian : 38 ans
  • résidant·e·s d’une région rurale : 9,9 %
  • aide financière reçue dans la dernière année : 83,0 %
  • logement instable dans la dernière année : 38,1 %
  • diagnostic antérieur de VIH : 7,3 %
  • diagnostic antérieur d’hépatite C : 22,1 %

Caractéristiques des personnes traitées par médicaments stimulants conformément aux DAR :

  • femmes : 38,4 %
  • âge médian : 39 ans
  • résidant·e·s d’une région rurale : 15,3 %
  • aide financière reçue dans la dernière année : 79,2 %
  • logement instable dans la dernière année : 39,3 %
  • diagnostic antérieur de VIH : 8,5 %
  • diagnostic antérieur d’hépatite C : 21,8 %

Les groupes de comparaison appariés avaient des caractéristiques très semblables.

Effets des médicaments opioïdes DAR

Les personnes qui ont reçu des médicaments opioïdes DAR pendant un jour ou davantage étaient 61 % moins susceptibles de mourir de n’importe quelle cause et 55 % moins susceptibles de mourir d’une surdose dans la semaine suivant l’obtention des opioïdes pharmaceutiques. L’effet protecteur des médicaments DAR augmentait en fonction du nombre de jours de traitement dans la semaine. Lorsque les gens recevaient des médicaments opioïdes DAR pendant quatre jours ou plus, leur risque de décès, toutes causes confondues, baissait de 91 % et leur risque de mourir d’une surdose diminuait de 89 % dans la semaine suivante.

Le fait de recevoir des médicaments opioïdes DAR n’a pas causé de changement significatif dans le risque de visites ou séjours à l’hôpital, que ce soit pour une surdose ou toute autre cause.

Effets des médicaments stimulants DAR

Comme le nombre de personnes traitées par des médicaments stimulants DAR seulement était faible, il est difficile d’en tirer des conclusions quant aux effets de ces médicaments. Le fait d’en recevoir pendant un jour ou davantage était associé à un moindre risque de décès de toute cause, y compris d’une surdose, dans la semaine suivant l’obtention des médicaments stimulants. Notons toutefois que ces résultats ne sont pas significatifs du point de vue statistique. On a observé des résultats semblables chez les personnes qui ont reçu des médicaments stimulants DAR pendant quatre jours ou plus.

Les personnes traitées par médicaments stimulants DAR étaient considérablement moins susceptibles de se présenter dans un hôpital pour quelque raison que ce soit.

Accès amélioré aux médicaments DAR et évaluation continue : des besoins pressants

Cette étude a révélé que l’accès aux médicaments DAR était très limité pour les personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes ou de stimulants en Colombie-Britannique. Dans le cas des opioïdes, moins d’une personne sur 10 a reçu des médicaments DAR durant la période de l’étude, contre moins d’une personne sur 40 dans le cas des stimulants.

Parmi les personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes, la prise de médicaments opioïdes DAR a réduit considérablement le risque de décès par surdose ou de toute autre cause. Lorsque les personnes recevaient des médicaments opioïdes DAR pendant quatre jours ou plus dans une semaine, leur risque de décès, que ce soit par surdose ou toutes causes confondues, baissait encore. Ces effets semblent faire écho aux résultats d’autres études où des médicaments DAR ont réduit la dépendance des gens aux sources d’approvisionnement en drogues non réglementées.

Pour les personnes aux prises avec un trouble lié à l’usage de stimulants, la prise de médicaments stimulants DAR réduisait le risque de devoir se rendre à l’hôpital pour quelque raison que ce soit. Comme il existe très peu d’options thérapeutiques ou de soins pour les personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage de stimulants, il est possible que cet effet soit attribuable à un meilleur arrimage aux soins.

Cette étude fournit des données populationnelles probantes révélant que les opioïdes pharmaceutiques constituent une intervention de rechange prometteuse qui peut réduire sensiblement les taux de mortalité chez les personnes atteintes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes. D’autres études et évaluations seront nécessaires pour réduire les méfaits éventuels et mieux éclairer l’impact des options de rechange pharmaceutiques. Des études sont également nécessaires pour déterminer le rôle que jouent les options pharmaceutiques par rapport à la santé globale (p. ex., il importe de cerner les effets associés à la prise des médicaments eux-mêmes et de déterminer l’impact des différentes formes de soutien apportées par les professionnel·le·s de la santé).

RÉFÉRÉNCES :

  1. Slaunwhite A, Min J, Palis H et al. Effect of Risk Mitigation Guidance for opioid and stimulant dispensations on mortality and acute care visits during dual public health emergencies: retrospective cohort study. BMJ. 2024;384:e076336.
  2. McNeil R, Fleming T, Mayer S et al. Implementation of safe supply alternatives during intersecting COVID-19 and overdose health emergencies in British Columbia, Canada, 2021. American Journal of Public Health. 2022;112(S2):S151-8.