Vancouver STOP Project
Colombie-Britannique

Initiatives de logement de RainCity Housing et Coast Mental Health

2013

Relier les points entre logement et santé

Pour les résidents de Vancouver qui vivent avec le VIH et qui sont sans abri, mal logés ou qui s’adonnent à des activités de rue, trouver un logement sécuritaire et adapté à leurs besoins peut être difficile, vu le peu d’options qui s’offrent à eux. La longueur des listes d’attente pour des logements spécifiquement adaptés aux besoins des personnes vivant avec le VIH – à Vancouver comme ailleurs – en est une preuve flagrante. En 2011, on comptait plus de 400 noms sur certaines de ces listes, et le temps d’attente était estimé à plus de deux ans. Les défis additionnels que peuvent entraîner un événement traumatisant, une dépendance ou des problèmes de santé mentale mènent souvent à des situations où l’accès à un traitement pour le VIH et l’observance thérapeutique peuvent être difficiles, voire impossibles, ou tout simplement non prioritaires. Dans de tels cas, l’infection au VIH peut rester longtemps non contrôlée et causer des dommages considérables au système immunitaire. Cela peut également laisser au virus la chance de développer une résistance à des médicaments, de mener à un sida avéré et même au décès. Un logement peut, dans bien des cas, être le chaînon manquant pour arriver à un stade où la prise en charge de l’infection au VIH constitue une priorité réaliste pour la personne.

Conscients du manque de logements accessibles et abordables pour les personnes vivant avec le VIH à Vancouver, les responsables du projet STOP de Vancouver (l’équipe chargée de réaliser le projet STOP HIV/AIDS dans cette ville) ont forgé des partenariats avec RainCity Housing et Coast Mental Health. L’élément de programme qui suit décrit ces partenariats ainsi que les trois stratégies novatrices mises de l’avant par les partenaires pour combler les urgents besoins en logement des clients du projet STOP de Vancouver : un programme de soutien à la stabilisation du logement, des subventions pour la vie autonome et l’accès à des habitations dans un immeuble de logements supervisés.

Établir des liens avec le logement

Au lieu d’élaborer, parallèlement aux autres organismes de logement de la ville, une stratégie distincte pour leurs clients, les responsables du projet STOP de Vancouver ont fourni des fonds et collaboré avec deux fournisseurs de logement bien établis – RainCity Housing et Coast Mental Health – qui desservent une vaste clientèle dans la ville, dont des personnes vivant avec le VIH.

RainCity Housing et Coast Mental Health ont tous deux fait leurs preuves en ce qui a trait à la fourniture de solutions de logement à des personnes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance ou d’autres problèmes de santé. Depuis 1982, RainCity Housing fournit des services  de refuge et de logement novateurs et compatissants aux résidents du Lower Mainland qui ont des problèmes de santé mentale, de dépendance ou autres. Pour sa part, Coast Mental Health fournit depuis 1972 des logements, des emplois et du soutien communautaire, émotionnel et pratique à des personnes atteintes de maladie mentale.

Chaque organisme a reçu des fonds pour embaucher 1.4 travailleur en logement équivalent temps plein de plus. Ces employés travaillent presque exclusivement avec des clients vivant avec le VIH et sont très impliqués dans une équipe d’intervention clinique de proximité en matière de VIH active dans toute la ville (l’« équipe d’intervention de proximité de STOP ») et financée, elle aussi, par le projet STOP de Vancouver. Cette équipe est composée d’infirmières, d’intervenants, de travailleurs sociaux, de pairs et autres qui travaillent à élargir l’accès à des services peu restrictifs en matière de VIH et à améliorer l’implication dans les traitements, les soins et le soutien pour le VIH chez les personnes les plus marginalisées de Vancouver. 

Le partenariat établi et consolidé par l’embauche de nouveaux intervenants en logement est unique en son genre. Ces employés ont été recrutés spécifiquement dans le but d’assurer la liaison cruciale entre l’équipe d’intervention de proximité de STOP et le soutien requis pour obtenir et maintenir un logement. Ces initiatives permettent un rare degré d’intégration entre des fournisseurs de services de santé et des intervenants en logement. Elles nécessitent souvent une communication quotidienne, voire toutes les heures, à propos des clients, afin que tous les membres de l’équipe soient prêts et aptes à fournir du soutien en cas de crise ou d’urgence. Pour plus de renseignements sur cette équipe, consulter l’étude de cas sur l’équipe d’intervention de proximité de STOP dans Connectons nos programmes.

Il peut paraître évident qu’un logement approprié et stable est important pour la santé, mais le lien entre la santé et le logement est complexe. Certes, le logement influence la santé, mais l’état de santé d’une personne – par ex., utilisation de drogue, problèmes de santé mentale ou stade de l’infection – peut influencer considérablement le type de logement qui leur convient le mieux, de même que le soutien nécessaire pour l’obtenir et le maintenir. Pour les clients dont les problèmes de santé rendaient difficile ou impossible de trouver un logement stable, le soutien supplémentaire issu de cette collaboration a permis de mieux comprendre leurs besoins particuliers et de combler ces derniers de façon plus souple.

Des solutions de logement sur mesure

Il n’existe pas de solution de logement unique qui soit souhaitable, convenable et appropriée pour tous. Par exemple, certaines personnes apprécient et trouvent bénéfique qu’un logement soit assorti de soutiens comme la distribution de médicaments, des rappels pour la prise de médicaments et des repas réguliers, alors que d’autres préféreraient simplement avoir accès à une vie autonome. Le type de soutien requis peut également varier de façon considérable. Pour une personne itinérante, ce pourrait être simplement d’avoir un lit où dormir en lieu sûr; d’autres peuvent avoir besoin d’une aide pour déménager d’un lieu temporaire vers un logement à plus long terme, et certains clients n’ont besoin que d’une aide à court terme pour maintenir le logement qu’ils ont déjà.

Le rôle des intervenants en logement financés par le projet STOP de Vancouver ne se limitait pas à aider les clients itinérants à se trouver un logement, mais aussi à leur fournir le soutien requis pour l’obtenir et le maintenir. Ce soutien additionnel incluait une mise en contact avec des services sociaux et de santé communautaires, une aide au déménagement, un encadrement pour l’acquisition et le maintien d’aptitudes à la vie autonome, des services d’intervention pour les questions juridiques et médicales et les situations de crise susceptibles d’influencer la santé du client ou sa situation locative. Ce soutien additionnel s’est avéré très important en ce sens qu’il a permis de renforcer la capacité des clients du projet STOP de maintenir leur logement. Pour certains clients qui sortaient d’une longue période d’itinérance, l’ajustement à la vie dans un espace collectif où les normes communautaires dictent certains comportements (comme de faire attention au bruit) a été un défi. Vu l’importance d’un logement stable et fixe pour l’observance thérapeutique et la prise en charge efficace de l’infection au VIH, ce soutien additionnel est l’élément qui, pour certains clients, pouvait faire la différence entre le maintien d’un logement et la possibilité d’une expulsion.

Afin de combler ces besoins variés, le projet STOP de Vancouver a financé trois types d’initiatives.

Programme de soutien à la stabilisation

À tout moment, au moins dix clients du projet STOP de Vancouver participaient au Programme de soutien à la stabilisation de RainCity Housing. Les clients aiguillés vers ce programme par l’équipe d’intervention de proximité étaient des personnes itinérantes qui ne recevaient que peu ou pas de services et dont l’état de santé était de modérément à extrêmement mauvais. Dans ces cas, lorsque l’équipe d’intervention de proximité de STOP convenait avec un client qu’il était prioritaire de trouver un logement, on faisait appel à l’intervenant en logement de RainCity Housing pour du soutien dans les démarches visant à trouver un logement convenable, de s’y installer et de le garder.

La présence d’un intervenant spécialisé en logement à RainCity Housing a été pour plusieurs clients de STOP un facteur déterminant entre l’itinérance et l’accès à un logement plus stable. L’intervenant pouvait faciliter l’accès à des lits au refuge de RainCity Housing et connaissait bien les autres ressources offertes par la ville en fait de refuge et de logement.

L’intervenant était établi à RainCity Housing, mais une grande partie de son travail s’effectuait à l’extérieur du bureau puisque la structure du Programme de soutien à la stabilisation ne se limitait pas à repérer des logements offerts par des organismes ou établissements particuliers. Cette structure offrait la souplesse nécessaire pour travailler avec les clients où qu’ils soient et de continuer à leur fournir du soutien tout au long de la transition entre l’itinérance et le logement même si leurs besoins changeaient ou s’ils étaient expulsés. Fait important, même quand un client ne figurait plus sur la liste des cas actifs de l’intervenant en logement, celui-ci leur accordait la priorité en cas de crise si leur logement était menacé. Cette collaboration intégrée et souple entre le fournisseur de logement d’un client et d’autres fournisseurs de soutien – comme les infirmières de l’équipe d’intervention de proximité de STOP – a rehaussé le niveau global de soutien que chacun pouvait apporter à ses clients à toutes les étapes du processus de repérage et de maintien d’un logement.

Subventions d’aide à la vie autonome (SAVA) – temporaires et continues

Certains clients du projet STOP de Vancouver qui étaient itinérants et qui ont été aiguillés vers l’intervenant en logement de RainCity Housing ont eu de la difficulté à s’adapter à des logements supervisés. Pour ces clients, emménager directement dans un logement indépendant était la meilleure solution, au lieu de passer par des refuges ou d’autres solutions plus temporaires. Alors que les prestations d’invalidité en Colombie-Britannique prévoient un montant d’environ 375 $ pour le logement, un logement indépendant dans un immeuble à loyer modique peut coûter entre 600 $ et 1000 $ par mois, sinon plus. Par l’entremise du projet SAVA, une dizaine de personnes se sont vu offrir un supplément au loyer allant jusqu’à 400 $ par mois pour les aider à obtenir et à maintenir un logement qu’elles n’auraient pas eu les moyens de se payer autrement. Ces fonds peuvent être le facteur déterminant entre l’itinérance et un logement convenable. Les SAVA servaient donc de revenu tampon pour aider les clients à risque de devenir itinérants en raison de l’écart entre leur revenu et leurs dépenses de subsistance.

SAVA temporaires

Un des éléments novateurs issus du partenariat entre RainCity Housing et STOP est le concept de SAVA temporaires. Cette variante des subventions d’aide à la vie autonome est née du constat que plusieurs clients n’avaient pas besoin d’une aide financière continue, mais plutôt dans des situations ponctuelles ou de courte durée où leur revenu n’était pas suffisant pour leur permettre d’obtenir ou de conserver un logement. Pour les clients de STOP, les SAVA temporaires se sont souvent avérées utiles pendant les périodes de transition, surtout lorsqu’un logement adéquat était disponible mais que les coûts associés à l’emménagement (par exemple, dépôt de garantie pour bris et dommages, premier et dernier mois de loyer) étaient trop élevés.

Autre situation relativement fréquente : il est arrivé que des clients de STOP trouvent un logement adéquat qui ne coûtait qu’un peu plus que les 375 $ prévus dans les prestations d’invalidité. Dans de tels cas, le client a parfois pu obtenir, grâce à l’appui de son intervenant en logement, le soutien financier additionnel nécessaire mais avait besoin d’une petite somme d’argent à court terme en attendant que sa demande soit traitée et approuvée.

Dans le cas des clients qui ont recours à des programmes de traitement contre les dépendances et qui prennent des antirétroviraux (ARV) et de la méthadone, le fait de se retrouver sans logis pendant une période même très brève peut entraîner d’énormes reculs et miner plusieurs des progrès réalisés. Pour ces clients, les SAVA ont été un élément crucial dans l’obtention d’un logement stable ou d’un meilleur logement quand l’occasion se présentait.

Accès au logement supervisé

Par une heureuse coïncidence, au moment même où le projet STOP de Vancouver démarrait, Coast Mental Health se préparait à ouvrir un immeuble à appartements de neuf étages offrant des logements supervisés à 96 locataires (les Pacific Coast Apartments). Ces logements se destinaient aux personnes qui autrement seraient itinérantes ou susceptibles de le devenir, ou qui vivaient dans des logements insalubres. Étant donné les importantes infrastructures de soutien qui y ont été intégrées – dont un service clinique sur appel 24 heures sur 24, une pharmacie et la gestion de propriété – cet immeuble est particulièrement bien adapté aux clients du projet STOP susceptibles de tirer profit d’un logement supervisé. Dans le cas des clients qui avaient entamé un traitement ARV et qui n’arrivaient pas à l’observer, le fait de recevoir des repas quotidiens et des rappels pour prendre leurs médicaments les a aidés à développer de bonnes habitudes et à acquérir une plus grande stabilité.

Pour les clients du projet STOP, l’accès aux logements supervisés des Pacific Coast Apartments a donné des résultats divers, dont plusieurs peuvent ne pas être immédiatement évidents lorsqu’on examine les rapports de projet ou les évaluations statistiques. Par exemple, certains clients qui avaient vécu dans l’itinérance pendant longtemps étaient si malades que lorsqu’ils avaient enfin accès à un logement, leur infection au VIH (de même que d’autres problèmes de santé) ne pouvait pas être contrôlée; pour ces clients, le logement a servi de centre de soins palliatifs où ils ont pu se faire soigner et finir leurs jours dans un milieu respectueux. Pour d’autres, cette stabilité et ce soutien additionnel leur ont donné le temps nécessaire pour prendre du poids, avoir accès à des services comme un traitement contre la dépendance, et éventuellement parvenir à un état de santé et de bien-être leur permettant de trouver un logement autonome et d’y rester. Le personnel a remarqué que même les clients qui finissaient par quitter le logement parce qu’ils n’aimaient pas le soutien structuré et le milieu collectif en ressortaient en meilleure santé et mieux reposés qu’à leur arrivée. Ceci a permis à plusieurs clients du projet STOP d’améliorer leur accès aux traitements et leur observance thérapeutique — et dans plusieurs cas, il en a résulté une hausse marquée du compte de CD4.

Du logement à la santé

Les partenariats établis avec les organismes de logement par l’entremise du projet STOP de Vancouver ont fait ressortir toute l’importance de l’intégration entre le logement et la santé et ont démontré à quel point l’accès à un logement approprié peut changer la donne. En janvier 2012, par exemple, 23 des 25 logements de Coast Mental Health étaient occupés. À l’admission, seulement 12 p. cent (trois individus) avaient une charge virale inférieure à 200 copies/mL, mais quelques mois plus tard ce chiffre avait grimpé à 76 p. cent.

Ces collaborations ont démontré que bien que le logement soit un élément crucial dans la capacité d’une personne à observer son traitement anti-VIH, de nombreuses autres mesures de soutien doivent être en place pour qu’elle puisse tirer le meilleur profit possible de son nouveau logement. Ces éléments de soutien, qui peuvent être de nature médicale, sociale ou financière, sont plus efficaces lorsqu’ils sont offerts par une équipe intégrée d’intervenants qui travaillent ensemble et de façon souple pour fournir une aide unique et personnalisée aux clients du projet STOP qui sont itinérants ou sérieusement à risque de le devenir.