Le traitement du VHC dans les cas de maladie hépatique avancée

Le virus de l’hépatite C (VHC) infecte le foie, et dans de nombreux cas l’infection s’établit pour de bon dans l’organe. Malgré cette situation malheureuse, le système immunitaire tente continuellement de débarrasser le foie de l’infection et déclenche ainsi une inflammation chronique de faible intensité dans le foie. L’inflammation chronique induite par le système immunitaire fait en sorte que l’état du foie se détériore lentement. Au fil du temps, le tissu sain du foie est remplacé par du tissu cicatriciel inutile. À la longue, la cicatrisation s’étend à la majeure partie du foie, ce qui entraîne un état appelé cirrhose.

Dans un premier temps, la cirrhose peut ne causer aucun symptôme; on appelle cet état la cirrhose compensée. Cependant, au fil du temps, des symptômes associés à la cirrhose peuvent apparaître, et on parle alors de cirrhose décompensée. Les symptômes en question peuvent inclure les suivants :

  • difficulté à dormir ou à rester endormi
  • difficulté à penser clairement ou problèmes de concentration
  • fluctuations inattendues de l’humeur
  • augmentation du volume des veines dans l’estomac et la gorge avec risque de rupture et d’hémorragies internes
  • accumulation de liquide dans l’abdomen
  • enflure des jambes et/ou des pieds
  • infections abdominales
  • démangeaisons de la peau
  • jaunissement de la peau

Depuis plusieurs années, les essais cliniques randomisés menés par les compagnies pharmaceutiques révèlent que les traitements oraux reposant sur les antiviraux à action directe (AAD) peuvent guérir de nombreuses personnes du VHC. Les exemples d’AAD utilisés au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé incluent les suivants :

  • Epclusa sofosbuvir + velpatasvir)
  • Harvoni (sofosbuvir + lédipasvir)
  • Maviret (glécaprévir + pibrentasvir)
  • Zepatier (elbasvir + grazoprévir)

En règle générale, les compagnies pharmaceutiques ont tendance à choisir des adultes jeunes en relativement bonne santé pour les études sur leurs médicaments, y compris les AAD. Bien qu’il soit vrai que certains participants aux essais cliniques sur les AAD souffraient de cirrhose, la vaste majorité des personnes ayant figuré dans ces études n’avaient ni la cirrhose ni de symptômes de la cirrhose. Ainsi, comme les AAD sont maintenant approuvés par les autorités réglementaires, il est important que les cliniques continuent de mener des essais cliniques appelés études par observation afin de déterminer si ces médicaments peuvent traiter les personnes atteintes de cirrhose.

Consortium Target

Des chercheurs au Canada, en Allemagne, en Israël et aux États-Unis ont collaboré à des études sur les AAD; les chercheurs ont donné à cette collaboration le nom de Target. Les cliniques affiliées à Target prescrivent les AAD conformément à la norme de soins locale et partagent leurs données avec les autres cliniques afin qu’il soit possible d’évaluer un grand nombre de participants et d’examiner les tendances. Target a produit des analyses antérieures qui ont servi à l’étude des AAD plus anciens.

Dans l’analyse publiée la plus récente, les chercheurs de Target se sont concentrés sur les données recueillies auprès de personnes souffrant de cirrhose et d’insuffisance hépatique grave.

MELD

Il y a plus d’une décennie, des chercheurs de la clinique Mayo à Rochester, dans l’état de New York, ont élaboré un système de classement pour aider à prévoir le risque de mortalité sur 90 jours chez les personnes hospitalisées pour faire soigner des lésions hépatiques graves. Le système de classement en question s’appelle MELD (modèle de score de maladie hépatique en phase terminale); il est utile pour évaluer les patients atteints de maladies hépatiques graves, y compris les personnes en attente d’une greffe de foie. Plus le score MELD est élevé, plus le risque de mortalité sur 90 jours augmente. Pour calculer le score MELD, les résultats de plusieurs tests sanguins sont combinés dans une équation.

Détails de l’étude

Dans la présente étude, les chercheurs ont mis l’accent sur les données recueillies auprès de 488 personnes. Voici un bref résumé des différents génotypes du VHC détectés et des traitements utilisés :

Génotype-1 (GT-1) : 352 personnes

  • médicaments couramment utilisés : Epclusa, Harvoni et Zepatier

GT-2 : 32 personnes

  • médicaments couramment utilisés : Epclusa et la combinaison sofosbuvir + daclatasvir

GT-3 : 85 personnes

  • médicaments couramment utilisés : Epclusa et la combinaison sofosbuvir + daclatasvir

Notons que dans environ 30 % des cas, les médecins ont choisi d’ajouter l’antiviral à large spectre ribavirine à chaque régime dans l’espoir d’augmenter les chances de guérison et ce, peu importe le génotype.

Le profil moyen de tous participants était le suivant :

  • 67 % d’hommes, 33 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : 71 % de Blancs, 15 % de Noirs
  • 48 % des participants avaient déjà suivi un traitement, et 20 % avaient déjà utilisé un AAD de deuxième génération
  • 67 % des participants avaient des symptômes de cirrhose
  • score MELD – 12; cela laisse croire que le risque de décès sur 90 jours était de 6 % pour l’ensemble du groupe

Résultats

Dans l’ensemble, 90 % des participants ont guéri peu importe le régime utilisé.

Les facteurs associés à la guérison incluaient les suivants :

  • infection au GT-1a du VHC
  • indice de masse corporelle (IMC) de 25 ou moins (indice d’un poids normal ou insuffisant)
  • utilisation de la ribavirine

Effets indésirables

Environ 73 % des participants ont signalé des effets indésirables. Dans les essais cliniques, le terme effets indésirables englobe une large gamme d’événements malheureux qui peuvent se produire, y compris les effets secondaires des médicaments et les symptômes associés au processus pathologique sous-jacent. Les effets indésirables courants signalés durant cette étude ont été les suivants :

  • manque d’énergie : 25 %
  • maux de tête : 16 %
  • nausées : 13 %
  • problèmes de sommeil : 9 %

Accent sur le score MELD

Comme le score MELD peut prévoir le risque de mortalité à court terme, il est important de déterminer si ce score change après la guérison. Dans cette étude où la plupart des participants avaient des symptômes associés à la cirrhose, les scores MELD n’ont généralement diminué que modestement, ce qui laisse soupçonner une faible baisse du risque de mortalité à court terme après la guérison. Cependant, comme la plupart de ces patients avaient des lésions hépatiques avancées, il faut se rappeler que leur foie mettra plusieurs années à se remettre des dommages causés par le VHC malgré la guérison de ce dernier. Notons toutefois que les scores MELD ont baissé de trois points ou davantage chez environ 26 % des participants. Les chercheurs ont déterminé que les personnes ayant connu une baisse de trois points ou plus de leur score MELD étaient plus susceptibles d’avoir le profil suivant :

  • femmes
  • GT-1a
  • score MELD élevé au début de l’étude
  • taux élevé de bilirubine dans le sang au début de l’étude

Décès

Cinq personnes sont mortes durant l’étude de complications associées aux facteurs suivants :

  • maladie du cœur
  • inflammation grave associée à des infections bactériennes
  • insuffisance d’organes multiples
  • autres causes non précisées

Rien ne laisse conclure que les AAD et/ou la ribavirine ont causé les décès survenus durant cette étude.

Dix autres personnes sont mortes après la fin de leur traitement, principalement de complications liées à la cirrhose, y compris le cancer du foie.

Malgré la guérison, « il est possible que les patients aux prises avec une maladie hépatique avancée courent encore un risque considérable d’[éprouver des symptômes liés à la cirrhose] et de cancer du foie », ont affirmé les chercheurs de l’étude Target.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Verna EC, Morelli G, Terrault N, et al. Direct-acting antiviral HCV therapy is safe and effective in patients with decompensated cirrhosis: Real-world experience from the HCV-Target cohort. International Liver Congress, 11-15 April 2018, Paris, France. Presentation PS-033.