À la découverte de Jupiter : un essai clinique important

Lors d’un essai clinique déterminant appelé Jupiter, les chercheurs ont évalué l’impact d’une dose quotidienne de 20 mg de rosuvastatine contre un placebo chez plus de 17 000 participants séronégatifs qui étaient « apparemment en bonne santé », selon les chercheurs. Autrement dit, les participants semblaient courir un faible risque de crise cardiaque ou d’autre événement cardiovasculaire majeur.

Les chercheurs participant à l’étude Jupiter ont analysé à nouveau les données de celle-ci afin d’évaluer l’impact de la rosuvastatine sur l’apparition du diabète.

Détails de l’étude

Les participants inscrits n’avaient pas le diabète. Or, lors de leur admission à l’étude, de nombreux participants présentaient ce que les chercheurs qualifiaient de « facteurs de risque majeurs de diabète », dont les suivants :

  • syndrome métabolique : ce terme désigne un groupe de facteurs de risque qui inclut un tour de taille excessif, des taux de lipides sanguins élevés (triglycérides), un taux sous-optimal de bon cholestérol (HDL-C) dans le sang, une tension artérielle supérieure à la normale et une glycémie à jeun élevée (plus de 5,5 mmol/l mais moins de 6,99 mmol/l)
  • glycémie à jeun élevée
  • glycémie moyenne anormale dans les globules rouges (il s’agit de l’hémoglobine A un C, qui s’écrit HbA1C)
  • surpoids ou obésité

Les chercheurs ont analysé des données recueillies auprès de 17 603 participants. Le suivi des participants a duré jusqu’à cinq ans.

Résultats

L’analyse des données a produit les résultats suivants au début de l’étude, entre autres :

  • 6 095 participants ne présentaient aucun facteur de risque majeur de diabète
  • 11 508 participants présentaient un facteur de risque majeur de diabète ou davantage
  • les participants ne présentant aucun facteur de risque majeur de diabète étaient plus susceptibles de fumer du tabac

Selon les chercheurs, les participants qui présentaient un facteur de risque majeur de diabète ou davantage au début de l’étude étaient « plus susceptibles d’être des femmes » et d’avoir un taux supérieur à la normale des suivants :

  • tension artérielle
  • HbA1C
  • glycémie à jeun
  • triglycérides

Résultats : diabète

Dans l’ensemble, les participants qui présentaient des facteurs de risque majeurs de diabète au début de l’étude couraient 11 fois plus de risques de développer cette complication au cours de l’étude.

Qui était à risque?

L’analyse effectuée par les chercheurs a révélé que, dans l’ensemble, les cas de diabète étaient quelque peu plus nombreux parmi les patients recevant la rosuvastatine (270 cas) que parmi les patients du groupe placebo (216 cas).

Cette différence reflète une augmentation globale du risque de diabète de 25 % chez les utilisateurs de la rosuvastatine. Cela n’est toutefois pas le dernier mot en ce qui concerne le risque de diabète, comme l’atteste la déclaration suivante faite par les chercheurs :

« Presque tout le risque excessif de diabète associé à la rosuvastatine concernait des participants qui présentaient [des indices de glycémie anormale lors de leur admission à l’étude]. »

Voici une autre manière d’interpréter les résultats de l’étude :

  • Environ 2 % des personnes présentant des facteurs de risque majeurs de diabète qui recevaient la rosuvastatine ont développé cette maladie.

Autres effets secondaires

Durant l’étude Jupiter, le taux des autres effets secondaires était semblable (environ 15 %) parmi les participants recevant soit la rosuvastatine soit le placebo. Ce résultat témoigne de la relative innocuité des statines et de la tolérance des patients.

Historiquement, on constatait que les statines causaient parfois les effets secondaires suivants :

  • problèmes musculaires : raideur, faiblesse ou douleur (d’ordinaire pas grave)
  • rhabdomyolyse : dégradation musculaire provoquant la libération de la protéine myoglobine dans le sang; la myoglobine se dégrade en substances pouvant nuire aux reins (effet secondaire extrêmement rare)

Dans l’étude Jupiter, les proportions de participants qui se plaignaient de raideur, de faiblesse ou de douleur musculaire étaient très semblables dans les groupes recevant le placebo ou la rosuvastatine, soit 15 % et 16 %, respectivement. Cette différence n’est pas significative du point de vue statistique. Elle indique que, en moyenne, la rosuvastatine à faible dose est généralement bien tolérée et provoque des effets secondaires semblables à ceux du placebo.

Un cas de rhabdomyolyse s’est produit chez une personne recevant la rosuvastatine (0,1 % des participants), contrairement à aucun cas chez les participants recevant le placebo.

Rosuvastatine : prévenir les problèmes graves

Parmi les participants qui présentaient au moins un facteur de risque majeur de diabète lors de leur admission à l’étude, la rosuvastatine a réduit le risque des événements suivants de 39 %, comparativement au placebo :

  • crise cardiaque
  • douleur ou inconfort soudain et temporaire à la poitrine au repos (angine de poitrine instable); la douleur en question était liée à des problèmes de circulation
  • chirurgie cardiaque majeure, comme la pose d’une endoprothèse (stent) ou la transplantation de vaisseaux sanguins pour améliorer la capacité du cœur à pomper du sang vers le reste du corps (pontage coronarien)
  • décès dû à des complications cardiovasculaires

Cette différence entre la réduction du risque attribuable à la rosuvastatine et celle due au placebo est significative du point de statistique, c’est-à-dire non attribuable au seul hasard.

Points intéressants

  1. Jupiter était une étude contrôlée contre placebo de très grande envergure où le suivi des participants a duré jusqu’à cinq ans (notons que la phase à double insu a duré deux ans). Les résultats sont donc très probants.
  2. Au début de l’étude, tous les participants présentaient un taux élevé d’inflammation qui était déterminé par un test sanguin du marqueur hsCRP (protéine réactive-C de haute sensibilité).
  3. Le risque de diabète parmi les participants recevant ce médicament était limité aux personnes courant déjà un risque élevé de diabète. Les personnes en question avaient des résultats de laboratoire indiquant une glycémie anormale ou un taux d’HbA1C élevé, l’obésité ou la présence de facteurs de risque regroupés sous le terme syndrome métabolique.
  4. Selon les chercheurs, les bienfaits de la rosuvastatine pour la santé cardiovasculaire et la survie « l’emportaient sur le danger du diabète pour la population de l’essai dans l’ensemble, ainsi que chez les participants courant un risque accru de diabète ».
  5. Les bienfaits cardiovasculaires de la rosuvastatine s’accompagnaient de l’apparition plus précoce du diabète (d’environ six semaines). Selon les chercheurs, « il n’est pas certain que ce résultat ait une pertinence clinique [dans la communauté] car la majorité des patients diabétiques sont traités avec des statines ». L’âge n’avait aucune incidence sur le risque de diabète. Autrement dit, le risque de diabète était semblable chez les participants âgés ou jeunes qui prenaient la rosuvastatine.

Une seule pièce du casse-tête

Les chercheurs affiliés à cette étude ont souligné que les statines sont censées être utilisées dans le cadre d’un plan comportant au moins les éléments suivants :

  • habitudes alimentaires plus saines
  • augmentation de l’exercice physique
  • cessation du tabagisme

Conseils des chercheurs

Dans un éditorial accompagnant l’analyse de l’étude Jupiter dont nous venons de rendre compte, des chercheurs spécialisés dans les maladies cardiovasculaires conseillent la démarche suivante aux médecins qui soignent des patients présentant des facteurs de risque majeurs de diabète :

  • aviser les patients des risques potentiels associés aux statines
  • surveiller régulièrement la glycémie des patients
  • conseiller aux patients de perdre du poids
  • encourager les patients à faire régulièrement de l’exercice

Une étude d’envergure et le poids

Une autre étude où l’on a analysé à nouveau les données de 20 essais cliniques randomisés sur les statines a permis de confirmer que ces médicaments pouvaient accroître le risque de diabète. Les chercheurs qui ont effectué cette énorme analyse ont laissé entendre que le risque accru de diabète était lié au surpoids. Ce résultat fait écho aux conseils donnés par les chercheurs de l’étude Jupiter, à savoir que les personnes présentant des facteurs de risque majeurs de diabète ont besoin de perdre du poids.

Vers l’avenir

Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementSida, il est probable que des études sur les statines seront menées auprès de personnes séropositives afin d’évaluer la capacité de ces médicaments de réduire le risque de maladies cardiovasculaires et d’inflammation. Alors que l’étude Jupiter ne comptait que des participants séronégatifs, les responsables d’une étude menée auprès de personnes séropositives ont publié des résultats préliminaires. L’étude en question porte le nom de Saturn, et nous en parlons dans le prochain article.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Ganesan A, Crum-Cianflone N, Higgins J, et al. High-dose atorvastatin decreases cellular markers of immune activation without affecting HIV-1 RNA levels: results of a double-blind randomized placebo controlled clinical trial. Journal of Infectious Diseases. 2011 Mar 15;203(6):756-64.
  2. Ridker PM, Pradhan A, MacFadyen JG, et al. Cardiovascular benefits and diabetes risks of statin therapy in primary prevention: an analysis from the JUPITER trial. Lancet. 2012 Aug 11;380(9841):565-71.
  3. Swerdlow DI, Preiss D, Kuchenbaecker KB, et al. HMG-coenzyme A reductase inhibition, type 2 diabetes, and bodyweight: evidence from genetic analysis and randomised trials. Lancet. 2014; in press.
  4. Frayling TM. Statins and type 2 diabetes: genetic studies on target. Lancet. 2014; in press.
  5. Watts GF, Ooi EM. Balancing the cardiometabolic benefits and risks of statins. Lancet. 2012 Aug 11;380(9841):541-3.
  6. Zhang H, Plutzky J, Skentzos S, et al. Discontinuation of statins in routine care settings: a cohort study. Annals of Internal Medicine. 2013 Apr 2;158(7):526-34.