Évaluer l'impact de la chimio et de la transplantation de cellules souches sur le VIH

Le succès des médecins allemands qui ont apparemment guéri une personne atteinte du VIH (le « patient de Berlin ») a incité des scientifiques dans les pays à revenu élevé à tenter de faire la même chose. Il est à noter que l'apparent succès des chercheurs berlinois auraient pu reposer sur l'un ou plusieurs des facteurs suivants :

  • Le patient a subi de multiples greffes de cellules souches provenant d'un donneur dont les cellules n'avaient pas le corécepteur CCR5; le VIH a besoin de ce corécepteur pour infecter les cellules;
  • Le patient a reçu des doses intensives de chimiothérapie et de radiothérapie;
  • Après les greffes, le patient a eu une réaction immunologique intense où les cellules transplantées s'attaquaient à ses tissus. On appelle de genre de réaction la maladie du greffon contre l'hôte ou GvHD. Cette complication a finalement été contrôlée par l'usage de médicaments immunosuppresseurs. Mais certains chercheurs se doutent que la GvHD aurait aussi contribué à détruire des cellules résiduelles infectées par le VIH;
  • Il est également possible que l'administration de médicaments immunosuppresseurs ait joué un rôle en supprimant l'inflammation et en affaiblissant la capacité du VIH à infecter les cellules. Depuis le début de l'épidémie du VIH, les chercheurs mènent des essais cliniques sur les médicaments immunosuppresseurs donnés aux receveurs d'organes et les corticostéroïdes. Même s'il semble contraire à l'intuition d'administrer des médicaments immunosuppresseurs dans le contexte du VIH, des essais cliniques qui en ont utilisé des doses faibles auprès de personnes séropositives ont soulevé la possibilité qu'ils soient bénéfiques pour le système immunitaire. Cela serait attribuable au fait que ces médicaments réduisent l'inflammation excessive et d’autres dysfonctions immunologiques causées par le virus.

Le protocole utilisé par les médecins de Berlin est toxique et a causé des complications qui ont persisté pendant plusieurs années. Les tentatives subséquentes de répliquer leur protocole ont d’abord causé plusieurs décès. Il n'empêche que les chercheurs tentent toujours de guérir le VIH en apportant quelques modifications au protocole de Berlin et en faisant preuve de beaucoup de prudence.

Des chercheurs en Pennsylvanie et en Californie ont évalué 10 personnes séropositives avant et après l'administration d'une chimiothérapie intensive contre le cancer (lymphome) et une greffe de cellules souches subséquente. Chaque personne s'est fait extraire quelques cellules souches avant la chimiothérapie, puis les a fait transplanter après la fin de celle-ci. Ces cellules n'ont pas été modifiées afin de résister au VIH. Les participants suivaient une multithérapie qu'ils réussissaient généralement à tolérer durant la chimiothérapie. Trois d'entre eux ont toutefois été obligés d'interrompre la multithérapie à cause d'effets secondaires graves liés à la chimiothérapie.

Des techniciens ont mis au point un test de la charge virale maison qui pouvait détecter une seule copie d'ARN VIH dans le sang. Cet outil leur a permis de constater que les participants avaient une charge virale d'environ 2 copies/ml après la transplantation.

Chez un patient, les chercheurs n'ont pas été capables de détecter de réplication du VIH à l'aide de leur épreuve ultrasensible. Cependant, lorsqu'ils ont analysé son sang avec d'autres épreuves, ils ont trouvé que le patient avait encore des cellules infectées par le VIH (comme tous les autres participants d'ailleurs). Malgré un suivi qui a duré jusqu'à 10 ans, la proportion de cellules infectées n'a diminué chez aucun participant après la greffe.

Pourquoi cette persistance du VIH?

La chimiothérapie est conçue pour détruire les cellules tumorales qui se divisent rapidement. Or, les cellules du système immunitaire qui contiennent du VIH latent comprennent un groupe que les chercheurs appellent les « cellules CD4+ T au repos ». Comme ces cellules ne sont pas actives, il est possible que la chimiothérapie ne les détruise pas.

Une autre possibilité est que les cellules souches utilisées aux fins de la transplantation incluaient des cellules infectées par le VIH. Dans ce cas, la transplantation aurait aidé à rétablir l'infection.

À la lumière de ces résultats, on peut affirmer que les cellules souches qui sont extraites puis retransplantées après la chimiothérapie chez des personnes sous multithérapie ayant une charge virale inférieure à 50 copies/ml ne peuvent réduire le nombre de cellules infectées par le VIH ni guérir l'infection au VIH.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Kent SJ, Reece JC, Petravic J, et al. The search for an HIV cure: tackling latent infection. Lancet Infectious Diseases. 2013; in press.
  2. Katlama C, Deeks SG, Autran B, et al. Barriers to a cure for HIV: new ways to target and eradicate HIV-1 reservoirs. Lancet. 2013; in press.
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  4. Henrich TJ, Hu Z, Li JZ, et al. Long-Term Reduction in Peripheral Blood HIV-1 Reservoirs Following Reduced-Intensity Conditioning Allogeneic Stem Cell Transplantation. Journal of Infectious Diseases. 2013; in press.
  5. Petz LD, Redei I, Bryson Y, et al. Hematopoietic cell transplantation with cord blood for cure of HIV infections. Biology of Blood and Marrow Transplantation. 2013 Mar;19(3):393-7.
  6. Mitsuyasu R. Curing HIV: Lessons from cancer therapy. Current Opinion in HIV/AIDS. 2013; in press.