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Les tests de dépistage et de diagnostic du VIH et des infections transmissibles sexuellement (ITS) sont des outils importants pour déceler les nouveaux cas d’infection et pour conduire les personnes atteintes à se faire soigner et traiter. Un diagnostic peut non seulement améliorer la santé des personnes vivant avec le VIH ou avec une ITS grâce aux soins et aux traitements, mais il peut aussi aider à prévenir de nouvelles infections, permettant ainsi de maîtriser l’infection au sein d’une communauté.
Bien des stratégies différentes ont été utilisées pour encourager les gens à subir des tests de dépistage, comme des campagnes de marketing social1, des campagnes de sensibilisation2, le dépistage systématique et l’emploi de tests rapides3.
Une autre stratégie potentielle est d’offrir un incitatif aux gens. On a utilisé avec succès des incitatifs financiers et non financiers afin d’influer sur d’autres comportements liés à la santé, dont la prévention du VIH4 et le dépistage de la tuberculose5. Cet article résume les résultats d’une revue systématique qui s’est penchée sur l’emploi de mesures incitatives afin d’encourager les gens à subir un dépistage des ITS, y compris du VIH6.
Selon des estimations de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) datant de 2014, plus de 16 000 des 75 500 personnes vivant avec le VIH au Canada ne savent pas qu’elles sont séropositives7, soit environ 21 % de toutes PVVIH. Cette proportion varie toutefois en fonction de la population : 18 % chez hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), 20 % chez les personnes qui s’injectent des drogues et 28 % chez les femmes et les hommes hétérosexuels7.
On ne saurait trop insister sur l’importance du dépistage du VIH afin que les personnes infectées soient au courant de leur état dès que possible, en particulier en regard des récents progrès dans notre compréhension du traitement et de la prévention du VIH.
Les personnes qui sont au courant de leur séropositivité peuvent accéder à des soins et des services de soutien et entreprendre un traitement lorsqu’elles sont prêtes. Grâce aux progrès dans les traitements, les PVVIH peuvent vivre presque aussi longtemps et en aussi bonne santé que les personnes non infectées par le VIH8. Les études montrent que, pour tirer des bienfaits optimaux du traitement, celui-ci doit être instauré peu après que l’infection a été contractée9.
Cela dit, à l’heure actuelle, de nombreux Canadiens ne découvrent leur séropositivité que tard dans la maladie, lorsqu’apparaissent des symptômes ou des infections opportunistes10,11. À ce moment, le traitement antirétroviral peut aider à améliorer la santé, mais il ne sera pas aussi efficace que s’il avait été entrepris plus tôt.
Se savoir séropositif est également important pour prévenir la transmission du VIH. Des recherches semblent indiquer que la majorité des cas de transmission du VIH concernent des personnes qui ne se savaient pas atteintes de cette infection12,13. Cependant, de manière générale, lorsque les gens apprennent qu’ils sont atteints d’une infection par le VIH, ils prennent des mesures pour réduire leur risque de transmission du VIH à d’autres14. Aussi, une fois l’infection diagnostiquée, le traitement peut être amorcé, ce qui réduit significativement le risque de transmission du VIH15,16.
Les taux de nombreuses ITS sont à la hausse au Canada17,18,19,20,21. Le dépistage des ITS est important parce que ces infections sont souvent asymptomatiques, ce qui fait qu’on peut transmettre l’infection sans le savoir à ses partenaires sexuels, ou laisser l’infection progresser jusqu’à l’apparition de complications plus graves. Le fait d’être atteint d’une ITS non traitée peut aussi augmenter le risque d’une personne de contracter ou de transmettre le VIH.
Le traitement des ITS peut aider les personnes atteintes à éviter les complications à long terme et la transmission à leurs partenaires sexuels, mais il faut d’abord pour cela qu’elles connaissent leur statut.
Une revue systématique6 a examiné l’emploi de mesures incitatives comme stratégie potentielle visant à encourager le dépistage des ITS, notamment du VIH.
La revue systématique a repéré sept études portant sur l’emploi de mesures incitatives pour encourager le recours aux tests de dépistage des ITS. Une étude était incluse dans la revue si elle répondait aux critères suivants :
Voici les caractéristiques des sept études incluses dans la revue :
Six études ont offert un incitatif financier, et une, un incitatif non financier dans le cadre d’activités de promotion des tests de dépistage. Les incitatifs financiers des études américaines allaient de 5 à 50 $ US. L’étude australienne offrait 10 dollars australiens, alors que l’étude menée au Malawi offrait différents montants dont la moyenne équivalait à 1,01 $ dollar US, soit approximativement le salaire pour une journée. L’incitatif non financier était un coupon d’alimentation d’une valeur d’environ 10,30 $ dollars US. Les auteurs notent que les valeurs des différents incitatifs ne peuvent être comparées directement, étant donné que ces incitatifs ont été offerts dans différents pays et à différentes années.
La plupart des études ont offert l’incitatif sous forme de paiement fixe et direct; cela dit, on a aussi noté certaines variations. Dans une étude américaine, les participants ont reçu un coupon pour un tirage où ils pouvaient gagner jusqu’à 50 $. Dans l’étude menée à Malawi, les participants pigeaient dans un sac un jeton déterminant le montant à recevoir, avec possibilité de piger un jeton dont la valeur était nulle.
Les auteurs de la revue systématique ont évalué l’effet des mesures incitatives sur le recours aux tests de dépistage en comparant les taux de recours aux tests de dépistage dans le groupe d’intervention recevant l’incitatif et le groupe de comparaison ne recevant aucun incitatif. Le taux de recours aux tests de dépistage était plus élevé dans le groupe d’intervention dans les sept études, mais cette différence n’était significative que dans cinq études. Dans une étude, les mesures incitatives ont fait augmenter le recours aux tests de dépistage en milieu communautaire, mais pas en milieu clinique. Le recours aux tests de dépistage était mesuré de différentes façons, selon l’étude :
Dans cinq études, on a noté une grande différence entre le taux de recours aux tests de dépistage dans le groupe recevant l’incitatif par rapport au groupe témoin n’ayant reçu aucun incitatif. Par « grande différence », les auteurs entendaient une différence de plus de 15 % entre le groupe recevant l’incitatif et le groupe témoin. Par exemple, dans l’étude où on a noté l’effet le plus important, 77 % des participants ayant reçu l’incitatif et 34 % des participants n’ayant pas reçu l’incitatif ont récupéré leurs résultats de test.
Les auteurs ont noté que les études incluses dans la revue systématique pourraient indiquer que les mesures incitatives ont un plus grand impact dans certaines situations par rapport à d’autres, y compris les situations suivantes :
Même si ces tendances coïncident avec les résultats des études individuelles incluses dans la revue systématique, aucune analyse n’a été réalisée afin de vérifier de façon plus officielle les résultats.
Cette revue systématique a noté que les mesures incitatives pourraient augmenter le taux de premier recours à un test de dépistage des ITS, en particulier en milieu non clinique. Les résultats nous offrent un autre outil potentiel pour hausser les taux de dépistage du VIH et des ITS au Canada. Pour les fournisseurs de services qui souhaitent explorer le rôle d’un programme de dépistage avec mesure incitative dans leur organisme, voici certains éléments à prendre en considération :
Néanmoins, il est important de se rappeler ce qui suit :
Les revues systématiques sont d’importants outils pour le développement éclairé de programmes fondés sur des données probantes. Une revue systématique est un résumé critique présentant les données qui existent sur un sujet particulier. On utilise un processus rigoureux pour repérer toutes les études publiées en lien avec une question de recherche. La qualité des études pertinentes peut être évaluée et leurs résultats peuvent être résumés de manière à cerner et à décrire les principales conclusions et limites. Si les études faisant partie du corpus examiné en revue systématique contiennent des données sous forme de chiffres, ces données peuvent être combinées de manière stratégique afin de calculer des estimations groupées. Le fait de combiner des données dans des estimations groupées permet de présenter un meilleur tableau d’ensemble du sujet à l’étude.
Ressources
Programme de dépistage anonyme du VIH – Options Clinic, London InterCommunity Health Centre
London, Ontario
Projet de dépistage du VIH par les pairs – PHS Community Services Society, Vancouver, Colombie-Britannique
Références
Erica Lee est spécialiste de l'information chez CATIE. Depuis l’obtention de sa maîtrise en sciences de l’information, Erica a travaillé dans le domaine des bibliothèques de la santé, soutenant les besoins en information des fournisseurs de services de première ligne et les utilisateurs de services. Avant de se joindre à CATIE, Erica était la bibliothécaire de l’organisme AIDS Committee of Toronto (ACT).