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On estime que 150 000 jeunes vivent dans la rue, au Canada,1 mais le nombre réel pourrait être beaucoup plus grand.2 Certains jeunes courent un risque accru de devenir itinérants, comme les jeunes Autochtones, les jeunes gais, lesbiennes, bisexuels, transgenres et queer (GLBTQ), les jeunes sous la tutelle du gouvernement et les jeunes hommes.2,3,4,5,6,7 Les jeunes se retrouvent dans la rue pour diverses raisons. Les conflits familiaux sont la principale cause, mais il peut s’agir d’autres facteurs — désir d’indépendance ou de vivre dans une ville plus grande, expulsion du foyer familial ou démêlés avec la justice.2,5,8,9,10,11,12

Au quotidien, les jeunes de la rue peuvent rencontrer de nombreux défis — stigmatisation et discrimination, manque d’accès à des services sociaux et de santé, interactions fréquentes avec le système de justice pénale, manque d’accès à l’emploi et à l’éducation, instabilité familiale et difficulté à trouver de la nourriture.2,12,13 Ces jeunes — et en particulier les GLBTQ — sont plus vulnérables aux agressions sexuelles, physiques et armées ainsi qu’aux vols.8,14,15 Ils ont aussi un taux de mortalité de 11 fois supérieur à celui de la population générale des jeunes.16

Malgré ces défis, les jeunes de la rue font souvent preuve d’une grande résilience. Ils ont souvent une solide estime de soi, sont sûrs de leurs croyances et de leurs capacités.17 De plus, ils ont souvent des mécanismes d’adaptation positifs (amis, temps pour réflexion personnelle, intérêts et loisirs, espoir d’avenir) qui les aident à faire face aux défis qu’ils rencontrent.16,18,19

Les taux de VIH, d’hépatite C et d’ITS parmi les jeunes de la rue

Les jeunes de la rue sont particulièrement affectés par le VIH, l’hépatite C et les ITS — avec un taux de VIH de trois fois supérieur à celui de la population canadienne adulte,5,20 et un taux d’hépatite C de plus de six fois supérieur à celui de la population canadienne générale.5,20 Par ailleurs, les jeunes de la rue qui s’injectent des drogues ont quatre fois plus de chances de contracter l’hépatite C que ceux qui ne s’en injectent pas.5 Enfin, les taux d’ITS peuvent être jusqu’à 30 fois plus élevés parmi les jeunes de la rue que parmi ceux de la population générale.5

L’activité sexuelle

La recherche révèle que les activités sexuelles à risque élevé font partie intégrante de la vie de rue — ce qui expose les jeunes à un risque de VIH et d’ITS. Plusieurs jeunes de la rue sont sexuellement actifs, à partir d’un plus jeune âge, et avec de multiples partenaires sexuels. Ils déclarent un faible usage du condom; et certains pratiquent le travail du sexe.3,21,22

Les jeunes de la rue sont plus susceptibles d’avoir des activités sexuelles qui les exposent à un risque de contracter le VIH et d’autres ITS :

  • De 90 à 96 pour cent ont eu des activités sexuelles.2,5
  • Les jeunes de la rue ont en moyenne 17 partenaires sexuels au cours de leur vie.2,5
  • 14 ans est l’âge moyen du premier rapport sexuel.23,24
  • De 47 à 74 pour cent n’utilisent pas régulièrement de condoms.2,5
  • De 12 à 32 pour cent ont déjà pratiqué le travail du sexe.5,24,25,26,27

L’usage de drogue

Plusieurs jeunes de la rue consomment des drogues. Certains y voient un moyen de composer avec les réalités difficiles de la rue.12,13 Parmi ceux qui utilisent des drogues, plusieurs le font par l’injection et partagent des seringues, d’autres instruments d’injection et des pipes à crack — ce qui les expose à un risque de contracter le VIH et/ou l’hépatite C.

La recherche révèle que de nombreux jeunes de la rue utilisent des drogues et ont des activités qui les exposent à un risque de VIH et d’hépatite C :

  • 95 pour cent ont utilisé des drogues au cours de leur vie.5
  • De 21 à 54 pour cent se sont déjà injecté des drogues.2,5,26,28,29,30
  • De 25 à 75 pour cent de ceux qui s’injectent des drogues ne le font pas toujours avec des instruments stériles.2,5,26,29,31
  • 54 pour cent ont déjà partagé une pipe à crack.2

Les jeunes plus âgés sont plus susceptibles de s’injecter des drogues — peut-être parce que cela devient la norme à mesure que l’on vit dans la rue.32 Des jeunes qui considéraient comme inacceptable l’injection de drogue avant de se retrouver dans la rue pourraient changer d’opinion en voyant constamment d’autres jeunes s’y adonner. Bien que les plus jeunes soient moins nombreux à s’injecter, ceux d’entre eux qui le font sont plus susceptibles d’avoir des comportements à risque comme le partage de seringues.32

Une intervention novatrice

Un organisme torontois de services aux jeunes de la rue, Eva’s Initiatives, répond au besoin des jeunes de rétablir le contact avec leurs familles avant qu’ils ne s’enracinent dans la vie de rue. L’organisme espère ainsi prévenir l’adoption de comportements à risque élevé auxquels la vie de rue est propice. Pour ce faire, Eva’s a créé le programme primé « Family Reconnect », pour les jeunes de 16 à 24 ans qui sont impliqués dans la rue ou à risque de le devenir, et pour leurs familles également. Les jeunes qui ont récemment quitté le nid familial ou ont eu de récents contacts avec leur famille sont vus dès que possible, afin de faciliter le rétablissement des liens familiaux. Le programme offre aux jeunes et à leurs familles (selon ce que chaque jeune identifie comme étant sa famille*) un counseling de soutien et des références à d’autres ressources dans leurs communautés. Le point de mire du counseling varie d’une famille à l’autre; il englobe souvent des éléments comme le deuil et la perte, la santé mentale, la maîtrise de la colère, les compétences de vie et la résolution des conflits familiaux et des problèmes de communication.

Les coordonnateurs du programme collaborent avec les jeunes et leurs familles à l’atteinte de divers résultats. Dans les cas où un retour à la maison n’est peut-être pas envisageable, des communications et des relations améliorées pourraient inciter la famille à aider le jeune à s’établir de manière autonome. Dans d’autres cas, les relations avec la famille s’améliorent tellement que le jeune décide de retourner vivre avec elle. Il arrive que le programme ne réussisse pas à rouvrir la communication; néanmoins, le processus de counseling est efficace pour aider les jeunes à cheminer et à se développer sainement.

Le programme « Family Reconnect » a fait des merveilles pour nous… Malgré une jeunesse difficile, je suis aujourd’hui très proche de ma famille — à tous les égards, sauf peut-être géographiquement. Mes parents sont là pour moi et je suis là pour eux. Après 10 mois de vie autonome, je commence à ressentir une certaine stabilité.

―Bre-Ann

Initialement, nous avons demandé l’aide d’un conseiller en particulier [du programme « Family Reconnect »]… pour notre fils qui avait divers problèmes — pas de direction de vie, tempérament volatil, manque de respect de nos valeurs familiales… Le conseiller nous a donné du soutien à un moment où nous ne savions plus où aller. Notre fils a bénéficié d’un logement sûr, en plus d’évaluations professionnelles et de counseling. Mon époux et moi avons reçu des conseils et des suggestions de stratégies d’adaptation et de moyens pour aider notre fils à s’aider lui-même. Mais surtout, on nous a écoutés avec empathie et sans jamais nous juger.

―Anonyme

Pour plus d’information sur le programme « Family Reconnect », consultez le document intitulé Eva’s Reconnect Toolkit

Une intervention en amont                  

Un programme comme « Family Reconnect » illustre la nécessité de travailler en amont, avec les familles, pour éviter autant que possible que les jeunes se retrouvent dans la rue. Il démontre aussi l’importance de comprendre les moments qui peuvent être des phases charnières, dans la vie des jeunes, et où une intervention pourrait les empêcher d’aller vivre dans la rue. En rétablissant le contact avec leurs familles et en évitant la rue, ces jeunes ont moins de chances d’adopter des comportements qui les exposent à un risque de contracter le VIH, l’hépatite C et des ITS.

*La famille pourrait être une communauté d’origine, un(e) cousin(e), un grand-parent, un ami de la famille, un tuteur, un frère ou une sœur, ou les parents biologiques ou adoptifs. Il appartient au jeune de la définir.

 

Références :

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À propos de l’auteur

Cris (Cristine) Renna est coordonnatrice du projet jeunesse de CATIE. Elle est titulaire d’une maîtrise en études féminines et sexospécifiques de l’Université de Toronto et d’un baccalauréat spécialisé en études féminines et études du développement international de l’Université Queen’s. Elle travaille au développement communautaire en santé sexuelle et santé GLBTQ depuis près de dix ans. Avant de se joindre à l’équipe de CATIE, elle était éducatrice dans un organisme communautaire de lutte contre le sida.