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Dans cet article, nous suivons le parcours qu’emprunte l’hépatite C à partir du moment où une personne est exposée au virus jusqu’à l’apparition de l’infection chronique et ensuite à la guérison. Nous explorons les façons dont le virus de l’hépatite C (VHC) peut entrer dans le corps et ce qu’il fait une fois rendu à l’intérieur. Nous examinons aussi les manières dont l’organisme essaie de stopper l’infection et les situations dans lesquelles il réussit à vaincre le virus. Si la réponse de l’organisme ne réussit pas, l’infection chronique à l’hépatite C en résulte.
Pour contracter l’hépatite C, il faut qu’une personne soit exposée au virus de l’hépatite C. Cette exposition se produit lorsqu’un liquide corporel contenant suffisamment de virus pour causer la transmission passe d’une personne ayant l’hépatite C dans le sang de quelqu’un d’autre. Le liquide qui cause le plus souvent la transmission de l’hépatite C est le sang, et la transmission se produit lors des contacts de sang à sang. On a également détecté le virus de l’hépatite C dans le sperme et les sécrétions rectales de certains hommes ayant à la fois l’hépatite C et le VIH.
Le virus de l’hépatite C a été isolé dans des échantillons de sperme et de sécrétions rectales,1 de liquide menstruel,2,3 de sécrétions vaginales,4 de salive5 et de lait maternel,6 ce qui veut dire qu’il existe un risque de transmission théorique associé à ces liquides. Toutefois, le risque de transmission de l’hépatite C dans ces cas est très faible sinon nul.5,6,7,8,9
Si une personne est exposée à un liquide corporel pouvant transmettre le virus de l’hépatite C, le virus doit encore réussir à entrer dans le corps de cette personne pour causer l’infection. Notre corps est couvert de peau et de membranes muqueuses qui agissent comme une couche protectrice qui empêche l’hépatite C d’entrer. Pour entrer dans le corps, le virus doit trouver une brèche dans la peau ou dans une des muqueuses.
Au Canada, la voie de transmission la plus courante de l’hépatite C est une brèche dans la peau. Cela se produit le plus souvent lorsqu’une personne s’injecte des drogues avec une aiguille qui a déjà été utilisée par une personne ayant l’hépatite C (ou d’autre matériel d’injection).10 L’hépatite C se transmettait également couramment par les transfusions sanguines au Canada avant l’introduction du système de dépistage des dons de sang en 1992.
L’hépatite C entre moins souvent dans le corps par les muqueuses. Cela se produit principalement parmi les hommes ayant des relations sexuelles anales sans condom avec d’autres hommes. On croit que le virus entre dans le corps par une déchirure dans la muqueuse délicate du rectum ou encore par une plaie causée par une infection transmissible sexuellement (ITS), tel qu’un ulcère syphilitique. Pendant la relation sexuelle, le virus peut être transmis dans le rectum par un pénis, une main (lors du fisting) ou un jouet sexuel qui est entré en contact avec du sang contenant le virus de l’hépatite C (ou possiblement du sperme ou des sécrétions rectales).11
Selon les estimations, entre 220 697 et 245 987 Canadiens vivaient avec l’hépatite C chronique en 2011. C’est l’équivalent de six ou sept personnes sur chaque tranche de mille Canadiens (ou encore 0,6 % à 0,7 % de la population totale du Canada).12
Sur les 332 414 personnes qui avaient déjà eu l’hépatite C au Canada en 2011 (selon les estimations), 43 % étaient des personnes qui s’injectaient des drogues, et 35 % d’entre elles étaient originaires de pays où l’hépatite C était endémique,12 tels que les pays de l’Asie centrale et de l’Afrique subsaharienne centrale.13 Parmi ces populations, la principale voie de transmission réside dans les contacts de sang à sang ayant lieu lors de l’usage de matériel d’injection partagé ou encore d’interventions médicales pratiquées à l’extérieur du Canada. Cette dernière catégorie d’exposition comprend l’utilisation de sang non testé ou d’équipement non stérilisé. Ces deux voies de transmission sont à l’origine de plus des trois quarts des infections à l’hépatite C au Canada.
Les relations sexuelles sont à l’origine d’un nombre plus faible de transmissions de l’hépatite C au Canada. La transmission sexuelle de l’hépatite C se produit principalement parmi les hommes gais et bisexuels ayant le VIH, mais elle a lieu également dans une moindre mesure chez les hommes gais et bisexuels séronégatifs.14,15 Une revue systématique a permis de constater une prévalence de l’hépatite C de 8,3 % chez les hommes gais et bisexuels séropositifs et de 1,5 % chez les hommes gais et bisexuels séronégatifs dans les pays industrialisés.14 Le facteur le plus courant dans les cas de transmission sexuelle de l’hépatite C réside dans les relations anales sans condom. En ce qui concerne les relations anales sans condom et l’hépatite C, le partenaire réceptif (bottom) court un risque de transmission sexuelle plus élevé que le partenaire pénétrant (top).16
Nous savons que plusieurs facteurs augmentent le risque de transmission sexuelle de l’hépatite C parmi les hommes gais et bisexuels :11,17
Une revue de la littérature sur la transmission sexuelle parmi les couples hétérosexuels monogames sérodifférents (où l’un des partenaires a l’hépatite C et l’autre non) n’a découvert aucune augmentation du risque de transmission de l’hépatite C.18 On a trouvé un risque accru de transmission chez les couples hétéros qui avaient de nombreux partenaires sexuels, mais il est très probable que l’usage de drogues injectables par ces couples en était la cause. Enfin, la présence d’une ITS ou du VIH augmentait également le risque de transmission sexuelle de l’hépatite C parmi les couples hétéros.18
Le taux de transmission périnatale de l’hépatite C est faible (il s’agit de la période allant de la grossesse jusqu’à peu de temps après l’accouchement). Selon une méta-analyse, la transmission de l’hépatite C par la transmission verticale se situerait à près de 5,8 %.19 Notons que la transmission verticale peut se produire pendant la grossesse ou l’accouchement.7
Après être entré dans le corps, le virus de l’hépatite C emprunte le système sanguin pour se rendre jusqu’au foie. On ne comprend pas complètement la façon dont le virus entre dans les cellules du foie, mais nous savons qu’il se sert d’au moins deux de ses propres protéines (E1 et E2) et de plusieurs récepteurs présents à la surface des cellules hépatiques afin de pénétrer dans celles-ci.20,21 Une fois à l’intérieur de la cellule, le virus utilise diverses parties de la machinerie de cette dernière afin de faire des copies (ou répliquer) de son matériel génétique (ARN) et de fabriquer de nouveaux virus de l’hépatite C.21 Ces nouveaux virus sortent de la cellule hépatique pour aller infecter d’autres cellules du foie et continuer à se répliquer.22 La réplication virale se produit rapidement initialement alors que le système immunitaire est incapable de riposter, ce qui donne lieu à un nombre élevé de virus. La réplication rapide ralentit brusquement lorsque le système immunitaire lance sa réponse pour essayer de contrôler le virus.23
Très tôt après l’entrée du virus de l’hépatite C dans le corps, le système immunitaire tente de freiner la réplication virale en lançant une réponse complexe impliquant de nombreuses cellules et protéines immunitaires différentes.
Nous ne comprenons pas complètement la réponse immunitaire. Nous savons pourtant que le système immunitaire reconnaît d’abord le virus comme une matière étrangère et y répond par la production de nombreuses protéines, y compris des interférons. Ces protéines sont capables de ralentir la production virale dans la cellule mais ne peuvent pas la stopper.23 Certaines des protéines font affluer des cellules immunitaires appelées cellules tueuses naturelles qui sont capables d’identifier et de détruire les cellules infectées par le virus.
Après une période approximative de six à huit semaines, le système immunitaire apprend à mieux reconnaître les virus de l’hépatite C et lance alors une réponse plus ciblée.24 Certaines des cellules immunitaires (appelées cellules B) commencent à fabriquer des anticorps qui sont capables d’identifier et de se lier au virus de l’hépatite C. Ces anticorps anti-hépatite C servent de signal et aident d’autres cellules immunitaires (appelées cellules T CD8) à repérer et à détruire les virus de l’hépatite C avant qu’ils puissent infecter d’autres cellules.25 Une autre catégorie de cellules immunitaires appelées cellules CD4 jouent également un rôle critique dans le combat livré par le système immunitaire parce qu’elles soutiennent les cellules B et CD8 afin qu’elles puissent maintenir leur réponse.25
Pendant que le système immunitaire tente de combattre et de détruire le virus de l’hépatite C, le virus tente à son tour de stopper ou d’éluder cette attaque lancée contre lui, entre autres par la mutation.24 Des erreurs qui se produisent durant le processus de réplication causent des mutations dans le matériel génétique du virus. Jusqu’à 1 000 000 000 000 de mutations peuvent se produire chaque jour.26 Certaines de ces mutations causent des modifications dans la forme des protéines se trouvant à la surface du virus. Par conséquent, chez certaines personnes, les cellules CD8, dont le travail consiste à repérer et à détruire les cellules contenant le virus de l’hépatite C, ne peuvent pas identifier le virus parce qu’il a muté et changé. Cela ralentit le processus qui permet aux cellules CD8 de détruire les cellules hépatiques infectées par l’hépatite C.26,27
La quantité de virus peut fluctuer pendant la lutte qui oppose le système immunitaire et le virus. Si le système immunitaire réussit à rester fort – et si le virus est incapable d’éluder la réponse immunitaire en mutant –, il aura plus de chances d’éliminer tous les virus de l’hépatite C se trouvant dans le corps. Si cela arrive, on parle de clairance spontanée, un événement qui se produit durant les six premiers mois de l’infection. Comme la majorité des personnes (environ 75 %) n’éprouvent aucun signe ou symptôme lors des stades précoces de l’infection, il peut arriver qu’elles se débarrassent spontanément du virus sans savoir qu’elles l’ont eu.28,29 Chez les 25 % qui restent, un jaunissement des yeux ou de la peau peut se produire durant l’infection aiguë. Si les cellules immunitaires s’épuisent, le corps ne sera pas capable de détruire le virus et l’infection à l’hépatite C deviendra chronique.30
Selon les résultats d’une méta-analyse internationale récente fondée sur six études, 19,8 % des personnes se sont débarrassées du virus dans les trois mois, 27,9 % dans les six mois et 36,1 % dans les 12 mois. Après deux ans, le pourcentage de personnes s’étant débarrassées du virus n’avait augmenté que de 1 % (37,1 %).31
L’une des études figurant dans cette analyse incluait les données de neuf cohortes au Canada, en Australie, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Dans cette étude, le taux de clairance spontanée combiné après 12 mois a été de 27,4 %, ce qui est plus faible que celui constaté dans la méta-analyse.29
Les auteurs de la méta-analyse internationale31 ont reconnu les catégories de personnes suivantes qui étaient plus susceptibles de se débarrasser du virus sans traitement :
La présence de l’hépatite C dans le corps provoque la mort des cellules du foie. Il n’est pas clair si c’est le virus de l’hépatite C lui-même ou encore le système immunitaire qui tue les cellules hépatiques. Il est probable qu’une combinaison des deux facteurs en est responsable, la plupart des dommages étant causés par le système immunitaire. Les cellules hépatiques infectées par le virus de l’hépatite C libèrent des signaux qui commandent aux cellules immunitaires d’affluer vers les cellules du foie. Ces cellules immunitaires tuent les cellules infectées par le virus, mais la mort des cellules hépatiques déclenche une réponse inflammatoire dans le foie. Le résultat ultime de ce processus inflammatoire est la cicatrisation du foie parce que les tissus endommagés sont incapables de se réparer correctement.32
Chez la plupart des personnes touchées, les lésions hépatiques progressent lentement. Il n’empêche que la cicatrisation du foie se poursuit et s’aggrave au fil du temps, de sorte que les lésions s’étendent à plus de régions du foie. On appelle ce processus la fibrose. L’ampleur de la fibrose est mesurée sur une échelle de F0 (aucune fibrose) à F4 (lésions hépatiques avancées appelées cirrhose). Il peut s’écouler 20 à 30 ans avant l’apparition de la cirrhose ou du cancer du foie, mais cela peut se produire plus rapidement chez certaines personnes.33
Le traitement de l’hépatite C par médicaments antiviraux à action directe (AAD) guérit la plupart des personnes ayant ce virus. Les traitements sont faciles à prendre, provoquent peu d’effets secondaires et ne durent habituellement que 12 semaines ou moins. Si le traitement réussit à guérir une personne de l’hépatite C, cela veut dire que le virus n’est plus présent dans son corps. Plus le traitement commence tôt, plus le risque de subir des lésions hépatiques avancées diminue.
Lorsqu’une personne est guérie, les dommages au foie cessent habituellement de progresser et l’organe se met à guérir chez certaines personnes,34 mais cela est moins probable chez les personnes souffrant de cirrhose avancée.35 Chez une faible proportion de personnes guéries de l’hépatite C, le foie continue de subir des dommages et de progresser vers la cirrhose. D’ordinaire, un tel événement est associé à d’autres facteurs tels que la consommation d’alcool ou la stéatose hépatique (maladie caractérisée par une accumulation excessive de graisses dans le foie).34 La guérison de l’hépatite C réduit la probabilité du cancer du foie, de l’insuffisance hépatique et de la mortalité due aux problèmes de foie.36 Comme le risque de cancer du foie perdure après la guérison de l’hépatite C chez les personnes souffrant d’insuffisance hépatique avancée, ces personnes devront être suivies au moyen d’échographies régulières. Notons que la guérison de l’hépatite C procure aussi de nombreux bienfaits non liés au foie, tels que la réduction du risque de diabète sucré, de cryoglobulinémie mixte (trouble du sang), de glomérulonéphrite (maladie des reins), de porphyrie cutanée tardive (accumulation de substances chimiques nuisant à la peau et au système nerveux) et, possiblement, de lymphome non hodgkinien (cancer débutant dans les cellules sanguines).37
La guérison de l’hépatite C ne confère pas d’immunité à la personne guérie. Cette personne pourra être infectée à nouveau si elle est exposée au virus de l’hépatite C.
Encouragez les gens à adopter des pratiques plus sécuritaires en matière de drogues et de sexe et à employer d’autres stratégies de prévention
Les fournisseurs de services peuvent soutenir les personnes qui s’injectent, sniffent ou inhalent des drogues en les encourageant à utiliser du matériel neuf chaque fois qu’elles consomment des drogues, afin de prévenir l’infection par l’hépatite C.
Les fournisseurs de services peuvent soutenir les hommes gais et bisexuels qui sont vulnérables à la transmission sexuelle de l’hépatite C en les encourageant à :
Les fournisseurs de services peuvent soutenir les personnes qui se font tatouer ou percer en les encourageant à utiliser un studio professionnel muni d’équipement de stérilisation approprié, tel un autoclave. Encouragez les personnes se faisant tatouer ou percer dans des contextes non professionnels à demander à l’artiste d’utiliser un appareil de tatouage stérile et autant de matériel accessoire neuf que possible.
Les fournisseurs de services peuvent également encourager les gens à ne pas partager d’articles d’hygiène personnelle, tels que les rasoirs, les brosses à dents et les coupe-ongles.
Encouragez les gens à se faire tester pour l’hépatite C
Encouragez les gens à se faire tester pour l’hépatite C. Les personnes qui courent des risques continus de contracter l’hépatite C – personnes qui s’injectent, sniffent ou inhalent des drogues; hommes gais et bisexuels ayant des rapports sexuels sans condom –, devraient être encouragées à parler à leur professionnel de la santé pour déterminer quelle fréquence de dépistage serait appropriée pour elles. Les fournisseurs de services peuvent offrir des dépistages aux immigrants et aux nouveaux arrivants provenant de pays où l’hépatite C est endémique. L’outil de la CCHIR peut aider à déterminer si un dépistage est indiqué.
Expliquez aux gens que deux tests différents sont nécessaires pour confirmer si une personne a l’infection à l’hépatite C, soit le test de dépistage des anticorps anti-hépatite C et le test de recherche de l’ARN VHC. Il pourrait être nécessaire de passer deux tests de recherche de l’ARN à six mois d’intervalle pour confirmer l’infection chronique.
Si un bébé naît d’une personne ayant l’hépatite C, on peut le tester pour la présence d’anticorps anti-hépatite C entre 12 et 18 mois après sa naissance. Si un test est effectué au 12e mois, un test de suivi devrait être effectué après 18 mois. Les tests de dépistage des anticorps effectués avant le 18e mois sont imparfaits parce qu’ils risquent de détecter des anticorps que le parent aura transférés au bébé durant la grossesse mais qui n’appartiennent pas au bébé lui-même. Si les parents sont anxieux à l’idée que leur enfant ait peut-être l’hépatite C, un test de recherche de l’ARN VHC peut être effectué deux mois après la naissance. Même si le résultat de ce test est positif, l’enfant a encore des chances de se débarrasser du virus, donc il sera nécessaire d’effectuer des tests de recherche de l’ARN de suivi tous les six mois. Si le résultat du test de recherche de l’ARN VHC est négatif, un test de dépistage des anticorps pourra être effectué lorsque le bébé aura 12 ou 18 mois. Les dépistages effectués avant le 18e mois n’ont pas d’impact sur la prise en charge de l’hépatite C chez les enfants.7
Promotion du traitement des personnes ayant l’hépatite C chronique
Si un client reçoit un diagnostic d’hépatite C chronique, partagez avec lui la bonne nouvelle concernant l’efficacité, la simplicité et l’accessibilité du traitement de l’hépatite C. Le traitement guérit plus de 95 % des personnes qui le prennent tout en provoquant peu d’effets secondaires. Il dure habituellement 12 semaines ou moins et est simple à prendre. Tous les territoires et provinces ont des programmes qui couvrent intégralement ou majoritairement le coût du traitement.
Il est également important d’expliquer aux gens que, même s’ils ont guéri du virus, que ce soit spontanément ou grâce au traitement, ils peuvent être infectés de nouveau s’ils y sont réexposés, d’où la nécessité de continuer à prendre des mesures pour prévenir l’infection à l’avenir.
Les fournisseurs de services ont un rôle clé à jouer pour soutenir les individus et les communautés les plus touchés par l’hépatite C en faisant la promotion du dépistage, du traitement et des stratégies de prévention.
Références
Scott Anderson fait actuellement des études en vue de devenir infirmier. Il a été auparavant chercheur/rédacteur en hépatite C chez CATIE et coordonnateur de recherche au Centre de toxicomanie et de santé mentale.