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CATIE
  • Des recherches menées dans le passé ont trouvé que les Canadiens séropositifs arrêtaient de se présenter à leurs rendez-vous en rapport avec le VIH dans une proportion de 11 % à 24 %.
  • Des chercheurs de l'Alberta ont découvert que de nombreux patients « perdus pour le suivi » se faisaient soigner en dehors des services centrés sur le VIH, souvent dans les urgences hospitalières.
  • Cette recherche a des implications pour les programmes qui tentent de réintégrer les patients dans les soins du VIH.

Les combinaisons de médicaments anti-VIH puissants  (TAR) peuvent réduire la quantité de VIH dans le sang (charge virale) jusqu'à un niveau tellement faible qu'il est impossible de détecter le virus avec les tests de routine. On dit couramment que ce faible niveau de virus est « indétectable ». Le maintien d'une telle suppression virale grâce au TAR est associé à l'amélioration de la santé. Cet effet du TAR est tellement puissant que les chercheurs du Canada et d'autres pays à revenu élevé s'attendent à ce que de nombreuses personnes vivant avec le VIH aient une espérance de vie quasi-normale, pourvu qu'elles continuent de prendre le TAR tous les jours et qu'elles respectent leurs rendez-vous réguliers à la clinique et au laboratoire.

Les études ont découvert un autre bienfait considérable du TAR qui découle de l'atteinte et du maintien d'une charge virale indétectable : La transmission sexuelle du VIH n'a pas lieu.

Ce double bienfait du TAR et de la charge virale indétectable (santé améliorée et prévention de la transmission du VIH) est tellement important que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a encouragé les pays, les régions et les villes à mobiliser leurs populations afin d'atteindre les objectifs suivants d'ici 2020 :

  • 90 % des personnes ayant le VIH sont au courant de leur statut
  • 90 % des personnes diagnostiquées séropositives suivent un TAR
  • 90 % des personnes sous TAR ont une charge virale indétectable

Pour atteindre ces objectifs (appelés souvent 90-90-90 pour faire court), il sera essentiel de multiplier les occasions de dépistage du VIH et de les faire accompagner d'un counseling de soutien et, advenant un résultat positif, d'une orientation rapide vers des soins afin qu'une offre de TAR puisse être faite.

Abandon des soins du VIH

Des recherches menées aux États-Unis portent à croire qu'une forte proportion de personnes vivant avec le VIH, soit jusqu'à 40 % dans certains cas, finissent par abandonner les soins. Selon les chercheurs de la Southern Alberta Clinic (SAC), les données de plusieurs études menées dans les plus grandes provinces canadiennes laissent croire que les taux d'abandon se situent entre 11 % et 24 %, selon la clinique ou la région évaluée. Pour décrire un patient qui abandonne ses soins du VIH, les chercheurs utilisent l'expression personne « perdue pour le suivi ».

Chose peu surprenante, nombre d'études ont permis de constater que les personnes qui abandonnent leurs soins du VIH courent un risque accru de présenter de graves complications liées au VIH et de mourir.

De plus, les chercheurs de la SAC qui ont passé en revue les études publiées depuis plusieurs années ont trouvé que « les approches novatrices pour faciliter la réintégration dans les soins du VIH, y compris les interventions de proximité intensives, les navigateurs de patients et le recours aux gestionnaires de cas, ont donné des bienfaits modestes ».

En Alberta

Les chercheurs de la SAC ont tenté de déterminer à quels endroits les patients qui abandonnaient leurs soins du VIH allaient pour recevoir des soins non liés au VIH, parce que ces endroits pourraient offrir la possibilité de réintégrer les patients dans les soins du VIH.

Pour en savoir plus sur les endroits où les patients perdus pour le suivi allaient pour recevoir des soins non liés au VIH, les chercheurs ont consulté le dossier de santé électronique (DSE) exhaustif de l'Alberta. Ils ont examiné les données recueillies par le DSE entre janvier 2010 et août 2014 auprès de patients qui n'avaient pas visité la SAC depuis plus d'un an.

Selon les chercheurs, un total de 1 928 patients étaient inscrits à la SAC. Cependant, 178 (9 %) d'entre eux avaient abandonné les soins du VIH qu'ils recevaient à la clinique. Des analyses poussées ont révélé trois tendances : certains patients avaient quitté la province, d'autres patients étaient allés se faire soigner pour le VIH ailleurs et une faible proportion de patients étaient morts. À la fin de l'étude, de nombreux participants résidant en Alberta avaient réintégré le service de soins du VIH. Cependant, une analyse des données du DSE a révélé que 29 (16 %) patients qui avaient quitté la SAC n'avaient plus aucun contact avec des soins du VIH mais continuaient de recevoir d'autres genres de soins en Alberta.

Les 29 patients en question ont eu de nombreux contacts, soit un total de 188 (au moins six par personne), avec le système de santé pour recevoir des soins non liés au VIH au cours de la période de l'étude. La plupart de ces contacts (près de 70 %) ont eu lieu dans le service des urgences d'un hôpital. Dans 25 cas, une hospitalisation a été nécessaire. Les participants restants ont eu recours aux hôpitaux et aux cliniques communautaires pour recevoir leurs soins non liés au VIH.

Implications de l'étude

Selon les chercheurs, « une implication importante de cette étude est que les efforts visant la réintégration dans les soins de santé, telle l'orientation vers les services médicaux et sociaux, manqueront cette population [perdue pour le suivi] » parce qu'ils nécessitent que les patients visitent la clinique VIH pour se faire orienter.

Il existe une autre méthode potentielle pour en savoir plus sur les patients perdus pour le suivi. Les chercheurs albertains ont souligné une recherche menée à Seattle lors de laquelle une clinique VIH a collaboré avec les départements de santé locaux et fait appel à un spécialiste de l'arrimage aux soins pour effectuer des interventions de proximité. Les chercheurs de Seattle ont réussi dans une certaine mesure à réintégrer les patients dans les soins et à déterminer pourquoi ils avaient abandonné les soins. Dans l'étude de Seattle, la majorité des patients qui avaient cessé de fréquenter la clinique VIH avaient été incarcérés, quitté la région ou décidé de chercher des soins à d'autres cliniques VIH. De plus, l'équipe de Seattle a affirmé ceci : « Le déplacement continu des patients entre les contextes correctionnels et la communauté, entre les différentes régions géographiques et entre les divers centres de soins cliniques est un enjeu problématique que les cliniques et les départements de santé devront aborder afin de réussir leurs interventions de réintégration [dans les soins] ».

Les urgences

Des chercheurs de Baltimore, au Maryland, ont laissé entendre que les efforts intensifs pour aider les personnes séropositives se présentant aux urgences à prendre contact avec des soins spécifiques au VIH peuvent être efficaces.  Selon l'équipe albertaine, les interventions intensives peuvent consister à « escorter physiquement les patients à une clinique VIH ou à une interaction en personne avec un spécialiste du VIH ». Les chercheurs de Baltimore ont toutefois souligné que les interventions visant à mettre les patients des urgences en contact avec des soins et à les y retenir nécessitaient souvent des fonds additionnels parce que les services d'un « personnel multidisciplinaire non affilié au service des urgences » étaient requis.

Que faut-il faire?

À la lumière des résultats obtenus dans leur région et de l'examen des autres études sur les patients échappant au suivi, les chercheurs de l'Alberta souhaitent la tenue d'autres études pour mieux éclairer pourquoi certains patients séropositifs abandonnent les soins du VIH. Ils ajoutent que, même si le ciblage des patients séropositifs se faisant soigner dans les urgences pourrait aider à réintégrer dans les soins de nombreux patients perdus pour le suivi, de telles tentatives ne permettraient pas de rejoindre les patients ayant coupé tout contact avec le système de santé.

Le principal enjeu soulevé par les chercheurs de l'Alberta, soit l'abandon des soins du VIH, est important à souligner parce qu'il risque de nuire à la santé et au bien-être de certaines personnes séropositives et de compromettre la capacité des villes et des régions à atteindre les cibles 90-90-90 de l'ONUSIDA.

Remarques techniques à propos du DSE

On saisit dans la base de données du DSE les consultations ayant lieu dans les urgences hospitalières, les établissements de soins d'urgence et les cliniques communautaires, ainsi que plus de 90 % des résultats de tests de laboratoire et des ordonnances exécutées pour les résidants de l'Alberta (peu importe leur statut VIH). Selon cette équipe albertaine, il y avait au moment de son étude « des professionnels de la santé ruraux et privés qui ne contribuent pas encore à la plate-forme [de données] provinciale et qui représentent des sources de données non captées dans le DSE ». Le DSE est également lié aux registres provinciaux afin que les décès puissent être incorporés dans la base de données. Il est cependant possible, voire probable, que la base de données du DSE ait des limitations (notons par exemple qu'elle n'avait pas été conçue pour répondre aux fins de la présente étude). Il est donc possible que certains patients qui ont abandonné les soins dispensés à la SAC continuaient de se faire soigner dans d'autres parties de la province où les cliniques n'étaient pas encore inscrites au DSE.

Ressources

Des chercheurs de la Colombie-Britannique étudient les interruptions de traitement anti-VIH et leurs conséquencesNouvelles CATIE

90–90–90 : Une cible ambitieuse de traitement pour aider à mettre fin à l'épidémie du sida – ONUSIDA

La cascade du traitement du VIH : Colmater les fuites afin d'améliorer la prévention du VIH – Point de mire sur la prévention

La cascade de la participation aux soins – Vision positive

L'offre systématique du dépistage du VIH dans les contextes de soins primaires : Un examen des données probantesPoint de mire sur la prévention

Le processus de dépistage du VIH – Feuillet d'information de CATIE

Les technologies de dépistage du VIH – Feuillet d'information de CATIE

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES  :

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