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Dans les essais cliniques, l’amorce précoce d’un traitement contre le VIH (TAR) permet de stabiliser le système immunitaire et de réduire considérablement le risque d’infections et de cancers liés au sida. Ce bienfait du TAR est tellement prononcé que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que de nombreuses personnes sous TAR vivent jusqu’à un âge avancé.

Pour connaître ce bienfait du TAR, il est essentiel que les patients atteignent et maintiennent une quantité indétectable de virus dans leur sang (charge virale) en prenant leurs médicaments tous les jours et en faisant régulièrement l’objet d’examens médicaux et de tests de laboratoire de suivi. De plus, les essais cliniques ont révélé que les personnes sous TAR qui ont une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels.

La réduction des méfaits en bref

Les virus comme le VIH et les hépatites B et C peuvent se transmettre lorsque les gens partagent du matériel contaminé servant à l’injection de drogues. Le terme réduction des méfaits désigne diverses mesures qu’il est possible de prendre pour réduire et/ou atténuer les effets nuisibles associés à la consommation de drogues et d’alcool. Voici quelques éléments de la réduction des méfaits :

  • distribution d’aiguilles et de seringues stériles
  • soutien psychosocial
  • traitements de substitution aux opioïdes : médicaments sur ordonnance, tels que la méthadone, la buprénorphine et, dans certains cas, l’héroïne pharmaceutique (diacétylmorphine)
  • sites d’injection supervisés

Comparaison et contraste

Des chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique et d’autres équipes de Vancouver ont tenté d’étudier l’impact relatif que le TAR, la réduction des méfaits et la combinaison des deux pouvaient avoir sur la propagation du VIH. Dans le cadre de leur étude, qui est publiée dans la revue Lancet HIV, les services de réduction des méfaits incluaient la distribution de seringues/d’aiguilles et la prescription de médicaments comme la méthadone et la buprénorphine. Les chercheurs ont utilisé des bases de données de santé afin de réaliser des simulations informatiques de l’épidémie du VIH en Colombie-Britannique. Ils ont étudié ces simulations afin de mieux comprendre l’effet qu’exerçait le TAR, les services de réduction des méfaits ou les deux sur l’épidémie du VIH dans cette province.

Selon les estimations des chercheurs pour la période de 1996 à 2013, on aurait réussi à prévenir 3 204 nouveaux cas de VIH grâce à « l’effet combiné de l’extension des services de réduction des méfaits et de l’utilisation du TAR sur la transmission du VIH par [le partage de seringues/d’aiguilles] ».

Aux fins d’une simulation particulière, les chercheurs ont supposé que le TAR n’aurait aucun impact sur la propagation du VIH parmi les personnes qui partageaient des seringues/d’aiguilles. En revanche, ils ont trouvé que les services de réduction des méfaits auraient empêché près de 77 % des infections par le VIH qui se seraient produites autrement. Lors d’une autre simulation pour laquelle l’équipe a déployé relativement peu d’efforts quant à la réduction des méfaits (distribution d’aiguilles stériles et traitement de substitution aux opioïdes), le TAR tout seul aurait prévenu 44 % des infections par le VIH, selon les estimations des chercheurs.

La distribution de médicaments sur ordonnance (tels que la méthadone et la buprénorphine) a aidé les gens à connaître des périodes de bonne santé, probablement parce qu’ils étaient moins susceptibles de partager des aiguilles ou des seringues.

Vers l’avenir

Vu que les chercheurs ont accompli ce travail par le biais de simulations informatiques, ils ne peuvent être certains de l’impact précis des différentes interventions sur le cours de l’épidémie du VIH parmi les personnes qui s’injectent des drogues. Cependant, comme ils l’affirment eux-mêmes, le travail des chercheurs britanno-colombiens porte fortement à croire que « les services de réduction des méfaits ont joué un rôle crucial pour réduire [la propagation du VIH] en Colombie-Britannique et devraient être considérés comme des outils essentiels et rentables dans les stratégies de mise en œuvre combinées visant à réduire le fardeau de santé publique et économique du VIH/sida ».

Détails de l’étude

Afin de pouvoir évaluer relativement facilement leur impact dans le cadre des simulations, les chercheurs se sont concentrés sur des éléments limités de la réduction des méfaits pour lesquels il existait des données se rapportant à leur déploiement.

Il vaut la peine de souligner que les chercheurs ont supposé que, parmi les personnes sous TAR qui s’injectaient des drogues, la capacité du TAR à prévenir les nouvelles infections par le VIH causées par le partage de seringues/d’aiguilles était de 50 %.

Résultats : impact du TAR et de la réduction des méfaits

Les chercheurs ont trouvé que l’offre combinée d’un TAR et de services de réduction des méfaits a empêché 3 204 personnes de contracter le VIH entre 1996 et 2013.

Aux fins d’une simulation, les chercheurs ont supposé que le TAR n’aurait aucun impact sur la propagation du VIH parmi les personnes qui partageaient des seringues/d’aiguilles. Ils ont fait cette supposition afin de pouvoir cerner l’impact spécifique de la réduction des méfaits. Cette simulation a amené les chercheurs à estimer que la seule réduction des méfaits aurait prévenu environ 77 % des infections par le VIH.

Lors d’une évaluation plus détaillée des services de réduction des méfaits, les simulations ont révélé que la distribution de seringues/d’aiguilles stériles était probablement responsable de la prévention de la plupart des nouvelles infections par le VIH. L’utilisation de traitements de substitution aux opioïdes (méthadone et buprénorphine) a également contribué à réduire le nombre de nouvelles infections (d’à peu près 15 %). De plus, les chercheurs ont souligné que les périodes de santé améliorée qu’ont vécues les utilisateurs étaient également attribuables à ce genre de traitement.

Encore un mot sur la réduction des méfaits

Selon les chercheurs, « l’éventail plus large des mesures de réduction des méfaits » inclut plusieurs autres activités et services, dont les suivants :

  • « désintoxication à court terme de patients hospitalisés »
  • « soutiens au logement intégrés et non intégrés »
  • « réseaux de pairs-navigateurs »
  • « injections supervisées »
  • soutien psychosocial
  • soins de santé mentale

« Bien qu’il ne soit pas faisable de tenir compte des contributions directes ou indirectes de chacun de ces nombreux services dans le cadre de l’analyse actuelle, l’effet potentiel de ces interventions devrait être reconnu », ont affirmé les chercheurs.

Et d’ajouter l’équipe : « Nos estimations de l’effet collectif des services de réduction des méfaits sur l’épidémie du VIH en Colombie-Britannique mettent en évidence le fait que le maintien et l’extension continue de ces services critiques devraient être une priorité. La Colombie-Britannique fut autrefois l’épicentre de l’épidémie du VIH au Canada dans les années 1980 et 1990 [puis les taux de nouvelles infections ont chuté énormément]. Les services de réduction des méfaits ont joué un rôle intégral dans cet accomplissement ».

Problèmes chevauchants

Pour expliquer pourquoi le déploiement de services de réduction des méfaits a eu un impact si énorme, les chercheurs ont décrit en plus de détails la situation en Colombie-Britannique :

« La Colombie-Britannique, et la région métropolitaine de Vancouver en particulier, ont connu des épidémies étendues et chevauchantes… d’héroïne, de crack-cocaïne, de méthamphétamine et, le plus récemment, de fentanyl synthétique sous forme de poudre. Les taux de mortalité attribuables aux surdoses accidentelles parmi les personnes souffrant de troubles de consommation de substances dans la province ont rivalisé ceux de quelques-unes des pires épidémies de drogues en Amérique du Nord pendant une bonne partie de notre période d’étude et ont été les plus élevés au monde avant l’ouverture du premier site d’injection médicalement supervisé d’Amérique du Nord. Par conséquent, l’ampleur relative et absolue des bienfaits des services de réduction des méfaits ont probablement été plus importantes que ce que l’on aurait observé dans des contextes où l’épidémie de drogues est moins prononcée et, éventuellement, plus dispersée. »

À retenir

Cette étude menée en Colombie-Britannique n’a pas été conçue pour déterminer l’efficacité précise de l’usage du TAR pour aider à prévenir la propagation du VIH par le partage d’aiguilles. Une étude rigoureusement conçue pour explorer cette question serait complexe et coûteuse. Les chercheurs britanno-colombiens recommandent néanmoins une analyse future des bienfaits économiques et de santé publique de la combinaison de services de traitement de substitution aux opioïdes et de distribution d’aiguilles stériles.

Vers l’avenir

Les chercheurs ont conclu leur rapport par la déclaration suivante :

« L’extension des services de réduction des méfaits a eu un impact comparable sur [les nouvelles infections par le VIH] à celui attribuable à l’accès au TAR. Les services de réduction des méfaits comme [la distribution d’] aiguilles/de seringues stériles et [le traitement de substitution aux opioïdes] devraient être considérés comme des interventions essentielles dans le cadre d’une stratégie de mise en œuvre combinée visant à réduire le fardeau de santé publique et économique du VIH/sida à l’échelle mondiale. »

Ressources

Prévention et réduction des méfaits d’Hépatite C : Un guide détaillé

Recommandations de pratiques exemplaires pour les programmes canadiens de réduction des méfaits

Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Nosyk B, Zang X, Min JE, et al. Relative effects of antiretroviral therapy and harm reduction initiatives on HIV incidence in British Columbia, Canada, 1996-2013: a modelling study. Lancet HIV. 2017; in press.
  2. INSIGHT START Study Group, Lundgren JD, Babiker AG, Gordin F, et al. Initiation of antiretroviral therapy in early asymptomatic HIV infection. New England Journal of Medicine. 2015 Aug 27;373(9):795-807.
  3. Gouvernement du Canada. Règlement modifiant certains règlements pris en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (accès à la diacétylmorphine aux fins de traitement d’urgence). Gazette du Canada. 26 août 2016. Disponible à : http://www.gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2016/2016-09-07/html/sor-dors239-fra.php
  4. Cohen MS, Chen YQ, McCauley M, et al. Antiretroviral therapy for the prevention of HIV-1 transmission. New England Journal of Medicine. 2016; 375:830–9. Disponible à : http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa1600693
  5. Rodger AJ, Cambiano V, Bruun T, et al. Sexual activity without condoms and risk of HIV transmission in serodifferent couples when the HIV-positive partner is using suppressive antiretroviral therapy. Journal of the American Medical Association. 2016;316(2):171–81. Disponible à : http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=2533066