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Transmise par voie sexuelle, la bactérie Mycoplasma genitalium (MG) peut causer de l'inflammation dans les voies urinaires et génitales de l'homme et de la femme. Ce microbe serait aussi à l'origine d'autres problèmes, dont certains cas d'arthrite et la maladie inflammatoire pelvienne et l'infertilité chez la femme. Pour en savoir plus, veuillez consulter le bulletin précédent de Nouvelles CATIE.
Contrairement aux autres infections transmissibles sexuellement (ITS) comme la gonorrhée, les tests de résistance utilisés pour les mycoplasmes sont très compliqués. Certains laboratoires ont recours aux tests d'amplification des acides nucléiques (TAAN) pour détecter la bactérie MG. Or les TAAN sont inutiles pour déceler la résistance aux antibiotiques, et la détection de la bactérie MG par les TAAN ne se fait généralement pas en dehors des laboratoires de recherche. De plus, les techniques utilisées pour évaluer la résistance de la bactérie MG aux antibiotiques ne sont pas largement disponibles.
Depuis une décennie, l'antibiotique azithromycine se montre généralement efficace contre l'infection à MG. Toutefois, à en croire des rapports provenant de plusieurs pays à revenu élevé, dont l'Australie, le Danemark, la France, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, l'infection à MG aurait récemment acquis une résistance à l'azithromycine. Dans certaines régions, l'azithromycine est efficace contre 40 % des cas d'infection à MG seulement. Bien que des expériences de laboratoire sur la bactérie MG portent à croire qu'un autre antibiotique appelé doxycycline empêche la croissance de celle-ci, les taux de guérison sont généralement faibles lorsque les personnes atteintes de MG sont traitées par doxycycline.
L'antibiotique moxifloxacine (Avelox) s'est déjà révélé une bonne option de traitement pour l'infection à MG. Des rapports faisant état d'échecs thérapeutiques liés à la moxifloxacine ont toutefois vu le jour dernièrement. Quoique peu nombreux à l'heure actuelle, les rapports d'échecs thérapeutiques sous moxifloxacine sont inquiétants parce qu'on ne sait pas clairement ce qui reste comme options de traitement. De plus, dans certains cas, les médecins ont de la difficulté à cerner l'origine de la résistance de la bactérie MG aux antibiotiques. Les raisons éventuelles de la résistance incluent les suivantes :
Dans ce bulletin de Nouvelles CATIE, nous examinons la recherche sur les échecs thérapeutiques associés à la moxifloxacine et une option de traitement future possible.
Des chercheurs à Sydney, en Australie, ont récemment examiné les données et échantillons de liquides recueillis entre février 2008 et novembre 2011 auprès des patients de cliniques de santé sexuelle. L'étude a porté particulièrement sur 400 personnes qui s'étaient fait soigner pour des symptômes associés à l'infection à MG, telle l'urétrite. Les dépistages ont révélé qu'aucune d'entre elles n'avait la gonorrhée ou la chlamydia.
Au cours de la période à l'étude, 53 participants ont reçu un diagnostic d'infection à MG. Trente-deux participants ont fourni des échantillons de liquides contenant de la bactérie MG qu'il était possible de soumettre à des analyses moléculaires. Spécifiquement, les chercheurs s'intéressaient à détecter la présence de matériel génétique de MG portant des mutations géniques associées à la résistance aux macrolides, soit la classe de médicaments incluant l'azithromycine, l'érythromycine et la clarithromycine.
Sur les 32 participants en question, 15 (47 %) étaient porteurs de gènes de MG conférant une résistance à l'azithromycine et aux médicaments apparentés. Les chercheurs ont constaté une association significative entre cette résistance et l'usage antérieur d'azithromycine en une seule dose de 1 gramme pour le traitement des symptômes d'une infection des voies urinaires. La présence de MG portant ces gènes n'a pas été associée aux facteurs suivants :
Les chercheurs ont également découvert quatre cas où des participants n'ayant jamais reçu d'azithromycine avaient une souche de MG portant les gènes associés à la résistance à ce médicament. Ce résultat porte à croire que les souches en question ont été transmises sexuellement.
Pour les personnes ayant subi un échec thérapeutique sous azithromycine, le personnel des cliniques a prescrit de la moxifloxacine à raison de 400 mg par jour pendant sept à dix jours.
Les techniciens ont décelé une résistance à la moxifloxacine (et aux médicaments semblables comme la ciprofloxacine) chez 19 % des participants, même si aucun d'entre eux n'avait été exposé à la moxifloxacine ou aux médicaments apparentés dans le passé.
Il n'y avait pas d'association significative entre la présence de MG portant les gènes conférant la résistance à la moxifloxacine et aux médicaments apparentés et l'incapacité de la moxifloxacine de traiter les cas d'infection à MG de ce genre. Dans la majorité des cas d'ITS, lorsque les chercheurs souhaitent prouver qu'un microbe est résistant à un ou à plusieurs antibiotiques, ils le font croître en culture dans le laboratoire en présence de différentes concentrations d'antibiotiques. Toutefois, comme cette méthode est difficile à réaliser avec la bactérie MG, une analyse génétique a été nécessaire pour détecter la résistance. Soulignons que les participants atteints de MG qui n'étaient pas porteurs de gènes résistants ont tous guéri grâce au traitement à la moxifloxacine.
Les chercheurs ont été consternés de découvrir que des souches de la bactérie MG résistantes à l'azithromycine, et dans une moindre mesure à la moxifloxacine, circulaient dans la ville de Sydney. En guise d'explication possible du taux élevé de résistance à l'azithromycine découvert, les chercheurs ont montré du doigt l'utilisation antérieure répandue de l'azithromycine en une seule dose de 1 gramme pour traiter les cas soupçonnés d'infection à MG. De plus, les chercheurs de Sydney ont souligné que leur étude était de relativement faible envergure, ce qui veut dire que les cas de MG résistants à l'azithromycine et aux antibiotiques apparentés étaient probablement plus nombreux que les données de cette étude australienne ne le laissaient croire.
Les chercheurs de Sydney ont affirmé que « la pratique actuelle qui consiste à traiter l'urétrite non liée à la gonorrhée par une seule dose de 1 gramme d'azithromycine… contribue probablement à augmenter la résistance aux macrolides par M. genitalium et à causer l'échec de l'azithromycine ». Des chercheurs suédois réalisant des études distinctes sur la réponse de MG au traitement ont recommandé que la durée de la prise d'azithromycine soit augmentée (à cinq jours) pour traiter l'infection à MG.
À cause des facteurs suivants, entre autres, le personnel des cliniques de santé sexuelle dispose de peu d'options face aux cas soupçonnés d'infections des voies urinaires liées à MG :
À la lumière de ces facteurs et d'autres, l'équipe de Sydney réclame plus de recherches sur l'infection à MG, ainsi que la mise à l'épreuve de nouvelles thérapies.
À l'heure actuelle, un antibiotique qui pourrait jouer un rôle dans le traitement futur de l'infection à MG est en cours de développement, pourvu qu'il réussisse les études de phase III et qu'il obtienne l'approbation des agences de réglementation.
Basée aux États-Unis, la compagnie Cempra Pharmaceuticals est en train de mettre au point un nouvel antibiotique de la classe des macrolides auquel ils ont donné le nom de solithromycine (CEM-101). Le développement de ce médicament vise principalement le traitement de la pneumonie bactérienne. Il n'empêche que les expériences de laboratoire laissent croire qu'il pourrait être utile contre plusieurs microbes, dont les suivants :
Dans le cadre d'une étude randomisée à double insu de phase II menée auprès de 132 participants, les chercheurs ont comparé la solithromycine administrée à raison de 800 mg le premier jour, suivi de 400 mg par jour pendant quatre jours consécutifs, aux effets d'un autre antibiotique appelé lévofloxacine, à raison de 750 mg par jour pendant cinq jours consécutifs. Les deux médicaments se prenaient par voie orale.
Les résultats portent à croire que la solithromycine agit plus efficacement que la lévofloxacine tout en provoquant moins d'effets secondaires, soit 30 % avec la solithromycine comparativement à 46 % avec la lévofloxacine. La majorité des effets secondaires étaient d'intensité légère à modérée (principalement des nausées et diarrhées). Plusieurs participants ont dû abandonner l'étude à cause d'effets secondaires liés à la lévofloxacine, alors qu'aucun participant n'a quitté l'étude à cause d'effets secondaires liés à la solithromycine.
Un essai clinique d'envergure de phase III est en cours aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine et en Europe pour comparer la solithromycine à la moxifloxacine pour le traitement de la pneumonie bactérienne.
Autrefois facile à traiter par la pénicilline, la ciprofloxacine ou l'azithromycine, la gonorrhée a acquis une résistance à de nombreux médicaments. Au Canada et dans quelques autres pays à revenu élevé, le traitement de préférence pour la gonorrhée a changé depuis plusieurs années pour devenir soit la ceftriaxone (particulièrement pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes et les personnes susceptibles d'avoir des bactéries causant la gonorrhée dans la gorge), soit la céfixime orale (Suprax) en une seule dose élevée. Pour en savoir plus sur les options de traitement de la gonorrhée et la résistance, lisez cet autre bulletin de Nouvelles CATIE.
La compagnie Cempra a collaboré avec des chercheurs de Toronto pour mener des expériences de laboratoire sur les bactéries causant la gonorrhée. Lors des expériences en question, la solithromycine a fait preuve d'une activité anti-gonorrhée environ quatre fois plus forte que celle de l'azithromycine.
Selon Cempra, une seule dose de solithromycine a réussi à guérir la gonorrhée chez 22 participants à un essai clinique de phase II mené aux États-Unis.
Des chercheurs au Danemark ont signalé que 40 % des cas d'infection à MG étaient maintenant résistants au traitement à l'azithromycine. Lors d'expériences de laboratoire sur la bactérie MG et des antibiotiques, les chercheurs ont constaté que la solithromycine agissait mieux que n'importe lequel des antibiotiques suivants :
Cependant, lors d'expériences menées sur des souches de MG résistantes à l'azithromycine, environ 85 % des souches en question ont répondu au traitement par solithromycine.
Grâce à son large spectre d'activité contre différentes ITS, la solithromycine aurait potentiellement plusieurs usages, du moins contre la chlamydia, la gonorrhée, l'infection à MG et peut-être même la syphilis. Il faut cependant que la solithromycine soit d'abord approuvée pour l'indication principale souhaitée, soit la pneumonie bactérienne, avant que des essais cliniques d'envergure puissent être menés auprès de volontaires atteints d'ITS, afin que les médecins puissent apprendre comment utiliser ce médicament le plus efficacement possible. Entre-temps, la meilleure façon de prévenir la transmission de la bactérie MG (et de la gonorrhée, de la chlamydia, du VIH et de nombreuses autres ITS) continue d'être l'utilisation correcte et régulière du condom.
Remerciement
Nous tenons à remercier Marc Steben, MD, de l'Institut national de santé publique du Québec pour sa collaboration précieuse à la préparation de ce bulletin.
—Sean R. Hosein
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