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Les sondages révèlent que les personnes vivant avec le VIH sont nombreuses à fumer du tabac. En effet, jusqu'à 40 % des patients de certaines cliniques fumeraient la cigarette. Or, avant que les combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelées multithérapies ou TAR) soient devenues largement accessibles, le tabagisme n'était pas une préoccupation importante des personnes séropositives ou de leurs professionnels de la santé.

De nos jours, les chercheurs s'attendent de plus en plus à ce que les personnes sous multithérapie connaissent un taux de survie largement semblable à celui des personnes séronégatives. Toutefois, de nombreux rapports parlent d'une hausse du nombre de cas où la survie des personnes séropositives est écourtée à cause de complications découlant de cancers, de crises cardiaques, de co-infections et de maladies cardiovasculaires. Comme le tabagisme augmente le risque de cancer et d'autres complications, il finit par réduire la qualité et la durée de la vie. Lors d'une étude internationale menée auprès de plus de 5 000 personnes séropositives, les chercheurs ont estimé que le tabac était directement ou indirectement responsable de 24 % des décès survenus au cours d'une longue période.

Aide à la cessation

Préoccupés par les méfaits du tabagisme et soucieux d'améliorer les aides à la cessation destinées aux personnes séropositives, des chercheurs à l'Albert Einstein College of Medicine du Bronx, à New York, se sont penchés sur cette question. Leur étude la plus récente était un essai randomisé et contrôlé comparant une approche centrée sur une thérapie de groupe intensive au counseling standard en matière de cessation du tabagisme. Les chercheurs ont aussi proposé une thérapie de remplacement de la nicotine à tous les participants. Après trois mois, le taux d'abandon du tabac des participants faisant partie du groupe de soutien était presque le double de celui des autres participants.

De plus, les chercheurs ont constaté que deux facteurs particuliers — la solitude et la confiance qu'avaient les participants en leur capacité de résister à l'envie de fumer —étaient associés de façon significative à la capacité des participants de se libérer de l'emprise du tabac. Les résultats de cette étude et d'autres devraient encourager les cliniciens à peaufiner leurs programmes de cessation du tabagisme destinés aux personnes séropositives.

Détails de l'étude

Les chercheurs ont réparti les participants au hasard pour suivre le programme intensif appelé Positive Smoke Free (PSF) ou encore pour recevoir un counseling standard de courte durée. Une fois dans le programme PSF, les participants ont été répartis en petits groupes de six à huit personnes. Chaque groupe était dirigé par deux animateurs, dont le premier était un pair séropositif et l'autre un étudiant diplômé inscrit à un programme d'études en psychologie. Les deux animateurs avaient suivi une formation sur la dépendance à la nicotine.

Le PSF vu de près

Le programme PSF est une intervention de huit séances qui est fondée sur le Tobacco Dependence Treatment Handbook [Manuel sur le traitement de la dépendance à la nicotine]. Pour créer le programme PSF, on a apporté des modifications à ce manuel, de sorte que les préoccupations des personnes séropositives y soient incorporées. Déterminées lors d'études pilotes, les préoccupations en question incluaient les suivantes :

  • risques de tabagisme spécifiques aux personnes séropositives
  • préoccupations de santé mentale et problèmes émotionnels co-existants
  • consommation d'alcool et de drogues
  • isolement social
  • réduction du stress

Chaque groupe se rencontrait pour une séance hebdomadaire de 90 minutes pour entreprendre les activités clés suivantes :

  • examiner les nombreux risques pour la santé associés à la fumée de tabac
  • dissiper les mythes concernant les bienfaits supposés du tabagisme
  • explorer l'autodiscipline et le retard de la gratification instantanée et leur impact sur l'amélioration de la santé
  • comprendre l'importance de l'observance thérapeutique
  • comprendre et endurer l'inconfort temporaire en échange d'une meilleure santé à long terme
  • recevoir une formation en affirmation de soi pour pouvoir négocier les soins du VIH
  • apprendre à surmonter les envies de manquer des rendez-vous médicaux ou des doses de médicaments anti-VIH
  • comprendre les liens entre le VIH, la douleur, l'usage de tabac et l'arrêt du tabagisme
  • apprendre à demeurer sans tabac à long terme

Pour confirmer qu'ils ne fumaient pas, on a évalué l'air exhalé des participants à plusieurs reprises au cours de l'étude pour rechercher la présence de monoxyde de carbone.

Sur les 184 personnes qui s'étaient portées volontaires pour l'étude, 147 ont été retenues après le processus de sélection. Les chercheurs ont affecté celles-ci au hasard à l'un des deux volets suivants :

  • 73 participants – PSF
  • 72 participants – prétendue thérapie standard, consistant en une brochure sur la cessation du tabagisme, un bref counseling (moins de cinq minutes) sur l’arrêt du tabagisme et une thérapie de remplacement de la nicotine gratuite si les participants le souhaitaient

Le profil moyen des participants au moment de leur admission était le suivant :

  • sexe – 50 % de femmes, 49 % d'hommes, 1 % de transgenres
  • âge – 48 ans
  • compte de CD4+ – 500 cellules
  • statut par rapport au logement – 90 % avaient un domicile stable
  • emploi – 89 % étaient au chômage

Facteurs de risque d'infection par le VIH :

  • relations hétérosexuelles non protégées – 58 %
  • relations sexuelles non protégées entre hommes – 15 %
  • utilisation de drogues injectables – 15 %
  • transfusion de sang contaminé – 3 %

Substances couramment consommées dans le mois précédant l'admission à l'étude :

  • marijuana – 42 %
  • cocaïne – 29 %
  • héroïne – 8 %

La plupart des participants fumaient depuis plus de 30 ans, consommant en moyenne 12 cigarettes par jour.

Résultats

Dans l'ensemble, 21 participants (15 %) ont réussi à arrêter de fumer après la fin de l'étude de trois mois, comme suit :

  • PSF – 19 %
  • thérapie standard – 10 %

Bien que le résultat de cette étude soit très prometteur et vraisemblablement significatif sur le plan clinique — près de deux fois plus de participants au programme PSF ont arrêté de fumer — la différence entre les taux d'abandon n'a pas atteint le niveau de signification statistique.

L'équipe de recherche a évalué les raisons qui auraient pu inciter les personnes à écraser, dont les suivantes :

  • animateurs des groupes – une comparaison des différents leaders n'a pas révélé d'impact sur les résultats
  • médicaments prescrits – même si 40 % des participants recevaient une thérapie de remplacement de la nicotine ou d'autres médicaments sur ordonnance comme le bupropion (Wellbutrin, Zyban) ou la varénicline (Chantix, Champix) pour faciliter la cessation, les médicaments seuls n'ont pas semblé influencer les taux d'abandon du tabac durant cette étude
  • race/ethnie – les personnes d'origine latino-américaine étaient plus susceptibles d'arrêter de fumer
  • solitude – les personnes les plus seules étaient moins susceptibles d'arrêter

Améliorations à apporter au prochain essai clinique

Il est clair que le programme PSF était bénéfique quant à sa capacité d'aider les gens à arrêter de fumer. Les chercheurs ont trouvé que les taux d'abandon étaient significativement plus élevés parmi les participants du groupe PSF s'ils assistaient à sept sessions de counseling ou plus et qu'ils prenaient un traitement prescrit pour faciliter l'abandon du tabac. Rappelons qu'il n'est pas facile d'assurer la motivation continue des participants lors de n'importe quel essai, surtout si l'objectif est la cessation du tabagisme. Les essais futurs devraient envisager la prescription de médicaments pour faciliter la cessation, ainsi que des moyens d'optimiser l'assistance aux réunions des groupes de soutien. Les points suivants devraient aussi être pris en considération :

  • race/ethnie – Les chercheurs ne sont pas certains pourquoi les participants d'origine latino-américaine étaient plus susceptibles d'arrêter de fumer durant cette étude. Ils ont également remarqué que les personnes de race noire étaient moins susceptibles d'arrêter, alors il faudra d'autres recherches pour comprendre ces différences d'ordre racial et ethnique.
  • solitude – Les études menées dans le passé ont permis de constater que la solitude était liée à un risque accru de tabagisme. Cela pourrait être attribuable à l'ennui ou à la stigmatisation, lesquels contribuent aussi à l'usage de tabac. Les composants sociaux du programme PSF étaient les éléments les plus appréciés des participants. Ce résultat pourrait s'avérer utile lors des études futures.

Cette étude a donné des résultats très prometteurs, car elle révèle que la cessation du tabagisme est à la portée des personnes séropositives qui sont motivées à arrêter. Les études futures devraient peut-être durer plus longtemps, autant pour fournir un plus grand soutien social aux participants que pour évaluer pendant combien de temps ils réussissent à ne pas fumer.

Ressources :

                                                                                                                        —Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Gong J, Hutter CM, Baron JA, et al. A pooled analysis of smoking and colorectal cancer: timing of exposure and interactions with environmental factors. Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention. 2012; sous presse.
  2. Fabbiani M, Ciccarelli N, Tana M, et al. Cardiovascular risk factors and carotid intima-media thickness are associated with lower cognitive performance in HIV-infected patients. HIV Medicine. 2012; sous presse.
  3. Shuter J, Bernstein SL, Moadel AB. Cigarette smoking behaviors and beliefs in persons living with HIV/AIDS. American Journal of Health Behavior. 2012 Jan;36(1):75-85.
  4. Moadel AB, Bernstein SL, Mermelstein RJ, et al. A Randomized Controlled Trial of a Tailored Group Smoking Cessation Intervention for HIV-Infected Smokers. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2012 Oct 1;61(2):208-215.
  5. Lifson AR, Neuhaus J, Arribas JR, et al. Smoking-related health risks among persons with HIV in the Strategies for Management of Antiretroviral Therapy clinical trial. American Journal of Public Health. 2010 Oct;100(10):1896-903.
  6. Lauder W, Mummery K, Jones M, et al. A comparison of health behaviours in lonely and non-lonely populations. Psychology, Health, and Medicine. 2006 May;11(2):233-45.