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CATIE

Le foie contient de nombreuses enzymes, dont certaines apparaissent dans le sang et peuvent être mesurées. Lorsque les taux de ces enzymes sont élevés, cela fait soupçonner la présence d'inflammation et de dommages dans le foie. Les enzymes hépatiques couramment mesurées comprennent les suivantes :

  • AST – aspartate aminotransférase
  • ALT – alanine aminotransférase
  • PA – phosphatase alcaline
  • GGT – gamma-glutamyl-transpeptidase

L'augmentation des taux d'enzymes hépatiques est parfois causée par la consommation d'alcool, les substances toxiques et les infections. Les virus qui infectent les cellules du foie, dont les hépatites A, B et C, sont des causes courantes de l'élévation des enzymes hépatiques chez les humains, mais d'autres infections peuvent causer ce problème aussi.

Une équipe de recherche de Birmingham, au Royaume-Uni, a détecté des taux d'enzymes hépatiques anormaux dans le sang de certains patients séropositifs.  Chez une proportion significative d'entre eux, soit 20 % environ, il est probable que ce problème était causé par des attaques contre le foie lancées par les microbes qui causent la syphilis (tréponèmes ou spirochètes). Par conséquent, cette équipe encourage les médecins qui soignent des patients séropositifs à soupçonner la présence de syphilis lorsque les résultats de laboratoire indiquent une élévation des taux d'enzymes hépatiques.

Détails de l'étude

Des médecins à l'University Hospital Birmingham ont analysé des échantillons de sang recueillis entre janvier 2005 et septembre 2008. Dans le département de médecine génito-urinaire où l'équipe travaillait, le sang des patients séropositifs était analysé tous les trois mois afin de détecter la syphilis.

L'équipe de recherche a défini l'hépatite syphilitique comme suit :

« Une élévation des taux d'enzymes hépatiques de 1,25 fois au-dessus de la limite supérieure de la normale dans les 90 jours précédant un diagnostic de syphilis,  pourvu qu'il n'y ait pas d'autres causes de l'hépatite. En outre, les personnes atteintes d'une hépatite liée à la syphilis doivent voir leur état s'améliorer sous l'effet d'un traitement contre la syphilis. »

Les chercheurs ont exclu de l'analyse les personnes qui avaient récemment contracté des virus causant l'hépatite, ainsi que celles infectées par le parasite T. gondii, qui cause de la toxoplasmose (et de lésions hépatiques). Les personnes ayant des antécédents d'abus d'alcool ou de lésions hépatiques causées par la drogue ont également été exclues.

Résultats

Soixante-deux personnes séropositives ont fait l'objet d'un diagnostic de syphilis de stade précoce au cours de l'étude, soit 61 hommes et une femme. Chez 12 (19,3 %) participants (tous des hommes), on a reconnu une tendance à l'élévation des enzymes hépatiques qui faisait soupçonner une hépatite syphilitique. Les 12  hommes avaient un compte de CD4+ de 300 cellules ou plus.

Neuf hommes sur 12 avaient une éruption cutanée sur une partie ou partout sur le corps.

Les autres symptômes signalés comprenaient les suivantes :

  • perte de cheveux
  • perte de poids
  • douleur musculaire
  • manque d'énergie
  • maux de tête
  • fièvre
  • sueurs nocturnes

Trois des 12 hommes n'éprouvaient aucun symptôme.

L'équipe de recherche n'a pas effectué de biopsie hépatique (prélèvement d'un petit échantillon du foie) à des fins d'analyse poussée. Pour cette raison, les résultats ne peuvent être définitifs.  Il n'empêche que, dans tous les cas où un traitement de la syphilis a été donné, les taux d'enzymes hépatiques élevés sont revenus à la normale, habituellement dans les quatre mois suivant le traitement. Les taux d'anticorps (mesurés par l'épreuve VDRL) associés à la syphilis ont baissé d'au moins quatre fois à la suite du traitement.

La majorité des participants (80 %) ont reçu un régime robuste consistant en 2,4 millions d'unités de benzathine-pénicilline par injection intramusculaire, une fois par semaine pendant trois semaines consécutives.  Les autres participants ont reçu de la doxycycline 100 mg par voie orale, deux fois par jour pendant deux semaines consécutives.

Aucun participant n'a signalé d'effets secondaires sérieux.

Syphilis : plus qu'une source de plaies

La syphilis peut causer une plaie indolore à l'intérieur ou sur les organes génitaux ou encore sur d'autres parties du corps comme la bouche. Si une telle plaie indolore apparaît à l'intérieur du corps, elle risque de passer inaperçue. Les plaies de ce genre favorisent la propagation de la syphilis et du VIH. Les microbes qui causent la syphilis peuvent se propager rapidement dans le système lymphatique et le sang, atteignant de nouvelles cibles comme le cerveau, le cœur, les reins et d'autres organes. Ces organes risquent d'être gravement endommagés par les tréponèmes. Ainsi, les personnes sexuellement actives, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HARSAH), doivent faire l'objet de dépistages fréquents en laboratoire afin que toute infection possible par les tréponèmes soit détectée. Bien que les relations sexuelles orales soient considérées comme une activité à faible risque quant à la transmission du VIH, la syphilis peut se propager facilement lors des activités sexuelles orales et par d'autres moyens, dont les suivants :

  • baisers mouillés
  • contact sexuel anal, oral ou vaginal non protégé
  • partage de matériel pour injecter, fumer ou inhaler de la drogue
  • grossesse ou accouchement (la mère infectée peut transmettre la syphilis à son enfant)

Étant donné les éclosions répandues de syphilis qui continuent de sévir parmi les personnes sexuellement actives, notamment les HARSAH, il n'est pas surprenant qu'environ 20 % des hommes séropositifs inscrits à cette étude étaient atteints vraisemblablement d'une hépatite syphilitique.

Notons que des médecins aux États-Unis ont également fait état de cas d'hépatite syphilitique parmi des hommes séropositifs.

Traitement

Pour les médecins britanniques, l'antibiotique de choix pour le traitement de l'hépatite syphilitique était la benzathine-pénicilline, injectée directement dans un muscle (habituellement dans les fesses). Ce choix était sans doute fondé sur le fait que la pénicilline et ses analogues sont le traitement de choix pour la syphilis depuis la fin des années 1940. Ces médicaments restent très efficaces, mais des formulations spécifiques de la pénicilline sont recommandées pour les divers stades de traitement de la syphilis par les autorités de la santé publique. La benzathine-pénicilline (Bicillin L-A) tue les tréponèmes, mais il faut une longue période d'exposition à cet antibiotique pour que cela arrive. C'est pour cette raison que la benzathine-pénicilline est injectée dans un muscle où elle est libérée lentement dans le sang. C’est également pour cette raison que des doses de benzathine-pénicilline sont parfois données à répétition pour traiter les cas plus avancés de la syphilis. La doxycycline peut aussi tuer les tréponèmes lors des stades précoces de la syphilis, mais elle n'a pas été étudiée pour le traitement des stades avancés.

L'équipe britannique encourage les autres médecins à envisager la possibilité de syphilis lorsqu'ils évaluent leurs patients séropositifs pour détecter les dysfonctions et lésions hépatiques.

Ressources :

                                                                                                           —Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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