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CATIE

Grâce aux bienfaits remarquables des combinaisons puissantes de médicaments contre le VIH, couramment appelées multithérapies ou trithérapies, les infections potentiellement mortelles sont maintenant peu communes chez les personnes séropositives au Canada et dans d'autres pays à revenu élevé qui réussissent à suivre fidèlement leur traitement. Un bienfait additionnel de la thérapie anti-VIH réside dans le fait qu'elle semble donner une espérance de vie quasi-normale aux personnes séropositives qui commencent à se faire traiter dès aujourd'hui, pourvu qu'elles souffrent d'un minimum d'affections médicales co-existantes. 

De nos jours, même si la mortalité est encore une réalité pour certaines personnes sous trithérapie, les décès en question n'ont souvent rien à voir avec l'infection au VIH elle-même. Ils sont plutôt la conséquence de complications touchant le cœur, les reins, le foie ou les poumons, ainsi que de cancers – complications causées en partie par des maladies cardiovasculaires, l'hépatite, d'autres infections virales et les dépendances, dont celle au tabac.

Le tabagisme est relativement courant chez les personnes séropositives; certains sondages ont en effet révélé que jusqu'à 50 % des patients d'une clinique VIH fumaient. Par contre, les taux de tabagisme ont chuté à moins de 20 % chez les adultes séronégatifs vivant au Canada.

La dépendance au tabac peut causer des problèmes de santé dévastateurs, y compris des maladies cardiovasculaires et pulmonaires et plusieurs cancers. De plus, la cigarette nuit à presque tous les organes du corps.

La biologie de la dépendance

Sur les quelque 4 000 produits chimiques présents dans la fumée de tabac, il y en a un en particulier, la nicotine, qui joue un rôle majeur dans la création de la dépendance. Après inhalation de la fumée de tabac, la nicotine entre vite dans le sang et, de là, elle pénètre rapidement dans le cerveau. Une fois dans le cerveau, la nicotine se lie à des récepteurs. Cette liaison déclenche la libération de produits chimiques par les cellules cérébrales, ce qui donne au fumeur un sentiment de bien-être, voire de plaisir. La nicotine sert aussi de stimulant au cerveau, de sorte que les sentiments de stress et d'anxiété diminuent. La répétition de l'acte de fumer renforce les effets de la nicotine sur le cerveau, créant ainsi une forte dépendance au fil du temps. De plus, en continuant de fumer, il semble qu'on amène son cerveau à exprimer davantage de récepteurs de la nicotine, ce qui permet à la drogue d'intensifier et de consolider son emprise sur le fumeur.

Sevrage de la nicotine

Souvent, les consommateurs de tabac fument à plusieurs reprises dans la journée afin de maintenir une concentration adéquate de nicotine dans le sang. Ce faisant, ils réussissent à minimiser la probabilité d'un sevrage de la nicotine. Par contre, lorsqu'un fumeur arrête brusquement de fumer, il risque d'éprouver un ou plusieurs des symptômes suivants :

  • irritabilité
  • colère
  • humeur dépressive
  • agitation
  • anxiété
  • difficulté à se concentrer
  • difficulté à s'entendre avec ses amis et les membres de sa famille
  • fringales accrues
  • difficulté à s'endormir

Ces symptômes de sevrage mettent en évidence le potentiel profond que possède la nicotine pour créer la dépendance. De nombreuses personnes qui arrêtent de fumer éprouvent ces symptômes, car ils constituent une partie normale du processus de cessation tabagique. L'intensité et la durée des symptômes de sevrage varient d'une personne à l'autre, mais quiconque envisage d'arrêter de fumer devrait en parler d'abord à son médecin afin de recevoir du soutien. Il devrait aussi prévenir ses amis et les membres de sa famille afin que ceux-ci puissent se préparer aux changements à venir et être à l'affût de changements d'humeur inhabituels. Un tel suivi est important parce qu'on a déjà signalé des cas de dépression graves touchant des personnes en sevrage de la nicotine.

Aspects sociaux et comportementaux de la dépendance à la nicotine

Selon le Dr Neal Benowitz, chercheur se spécialisant dans les dépendances à l'Université de Californie à San Francisco, les comportements liés à la consommation de drogues s'apprennent. Au fil du temps, dit-il, le fumeur de tabac « commence à associer des humeurs, des situations et des facteurs environnementaux aux effets gratifiants de la drogue ». Ces associations l'incitent à continuer à fumer. À titre d'exemple, le Dr Benowitz fait valoir que « les gens fument habituellement dans des contextes spécifiques, comme après un repas ou avec un café ou un verre, ou encore en compagnie de leurs amis qui fument. Répétée à maintes reprises, l'association entre la cigarette et ces autres activités fait en sorte que ces contextes environnementaux deviennent des déclencheurs puissants de l'envie de fumer ». Même « certains aspects du processus de prise de drogue, comme la manipulation du matériel nécessaire pour fumer, l'odeur ou la sensation de la fumée dans la gorge, sont associés aux effets agréables de la cigarette », explique l'expert.

Les humeurs désagréables peuvent renforcer le désir de fumer. À titre d'exemple, le Dr Benowitz mentionne que les fumeurs « peuvent s'apercevoir que l'absence de tabac entraîne un sentiment d'irritabilité qu'il est possible d'atténuer en allumant une cigarette. Après de nombreuses expériences de ce genre, le fumeur risque de percevoir l'irritabilité comme un signal qu'il faut fumer, même si elle est causée par une autre source  comme le stress ou la frustration ».

Pour ces raisons et d'autres, le counseling est un élément important du processus qui permet au fumeur de se libérer une fois pour toutes de l'emprise de la dépendance à la nicotine.

La route vers une vie sans tabac

La cessation du tabagisme aide à améliorer la qualité de vie liée à la santé et à réduire les risques de maladies cardiovasculaires et d'autres problèmes de santé déjà mentionnés. Pour aider les fumeurs à arrêter, il peut être utile de combiner le counseling avec une (ou plusieurs dans certains cas) des thérapies suivantes :

Thérapie de remplacement de la nicotine – Il existe plusieurs options, dont les gommes, les pastilles, les inhalateurs et les timbres transdermiques.

Le bupropion (Wellbutrin, Zyban) – Ce médicament était vendu dans un premier temps comme antidépresseur. Quand les médecins ont remarqué que certains de leurs patients sous bupropion arrêtaient spontanément de fumer, des chercheurs ont lancé des essais cliniques pour explorer cet effet du médicament. Il semble que le bupropion augmente la présence dans le cerveau de signaux chimiques imitant les effets de la nicotine et qu'il bloque les récepteurs de la nicotine en même temps.

La varénicline (Champix, Chantix) – Ce médicament bloque les récepteurs utilisés par la nicotine et agit donc de manière semblable sur les cellules cérébrales.

Ces trois thérapies offrent des options dont les fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer peuvent discuter avec leur médecin, afin qu'ils puissent évaluer les risques et les avantages et trouver la meilleure façon de vaincre la dépendance au tabac.

Dans le prochain bulletin de Nouvelles-CATIE, nous examinerons en profondeur un essai clinique canadien qui a évalué la varénicline auprès de personnes séropositives. En plus de parler de l'innocuité et de l'efficacité du médicament, nous proposerons des liens vers des ressources sur la cessation du tabagisme.

                                                                                      —Sean R. Hosein

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