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L'infection au VIH comporte son lot de fardeaux, y compris des défis inattendus sur le plan de la santé, la stigmatisation et les exigences de vivre avec une maladie chronique et sérieuse. Les chercheurs ont constaté que si ces fardeaux ne sont pas pris en main, ils peuvent porter atteinte « au bien-être émotionnel et à la qualité de vie ». De plus, ceux-ci risquent d'accroître la vulnérabilité de certaines personnes séropositives à des problèmes de santé mentale, dont l'anxiété et la dépression.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande que des traitements d'ordre psychosocial visant la réduction du stress et de la détresse émotionnelle soient offerts systématiquement dans le cadre des soins courants donnés aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH).

Une équipe de chercheurs de l'hôpital Mount Sinai de Toronto a mené un essai clinique randomisé et contrôlé de huit semaines sur une thérapie visant la réduction du stress par la pleine conscience (RSPC – une explication de cette approche se trouve plus bas). L'équipe avait pour objectif d'évaluer l'impact de la RSPC sur la qualité de vie et les symptômes de détresse chez les hommes séropositifs. Le suivi des participants a duré jusqu'à six mois. L'équipe a observé une augmentation du fonctionnement psychologique positif et une réduction de l'usage de moyens de réduction du stress inutiles chez les hommes du groupe RSPC, comparativement au groupe témoin (les hommes non traités par la RSPC). Dans l'ensemble, les bienfaits se sont maintenus jusqu'à six mois. Il faut cependant noter que les participants non traités ont également connu des améliorations sur le plan de l'anxiété et de la dépression.

À propos de la RSPC

Selon le psychologue canadien Scott Bishop, Ph.D., la RSPC a été « adaptée de pratiques de méditation consciente traditionnelles » provenant du bouddhisme. Les thérapeutes, explique M. Bishop, apprennent aux participants à prendre conscience de « leurs pensées et sentiments et à changer leur relation avec eux. » Il ajoute : « La pleine conscience permet aux participants de prendre du recul par rapport à leurs pensées et sentiments durant les situations stressantes, plutôt que de s'inquiéter ou de se perdre dans des schémas cognitifs négatifs qui pourraient entraîner une escalade du cycle de réactivité au stress et intensifier leur détresse émotionnelle ».

Lors d'une séance de RSPC, les participants apprennent une variété de pratiques de méditation, y compris des méditations en position assise et en marchant et du yoga. Ils passent aussi un scan corporel qui se fait en position allongée. Pour de nombreuses pratiques, les participants commencent par fixer leur attention sur leur respiration. Lorsque leur attention se relâche, les participants sont encouragés à accepter et à reconnaître leurs pensées et sentiments et à rediriger leur attention sur leur respiration. À mesure que le cours progresse, les participants apprennent à explorer plus directement des sensations, des pensées et des sentiments troublants.

La RSPC consiste typiquement en huit à 10 séances hebdomadaires, durant lesquelles les participants s'exercent à une pratique de méditation guidée. On leur parle des effets du stress et des émotions sur l'esprit et le corps et on leur apprend à gérer les situations stressantes par la pleine conscience. Ils s'exercent aussi quotidiennement à la méditation chez eux en se laissant guider par des CD. Les participants ont ainsi plus d'une heure de travail et d’exercice à la maison par jour.

Selon M. Bishop, la RSPC « consiste à aborder les situations de façon indulgente en faisant preuve d'acceptation, de contemplation, d'ouverture d'esprit et d'une tendance vers l'introspection curieuse. »

Certains problèmes de santé et la RSPC

La RSPC a été adaptée pour aider les personnes atteintes de graves problèmes de santé, particulièrement le cancer. Selon M. Bishop, l'évaluation de plusieurs études sur la RSPC menées chez des cancéreux laisse croire qu'« elle peut aider à atténuer l'anxiété, le stress et la fatigue chez certaines personnes. » Des équipes de recherche ont également observé que la RSPC soulageait la détresse de certaines personnes souffrant d'anxiété ou de fibromyalgie, ainsi que de certaines femmes en ménopause. Une analyse récente de plusieurs essais cliniques sur la RSPC a révélé que celle-ci est une approche thérapeutique prometteuse pour les troubles anxieux et de l'humeur, particulièrement chez les personnes qui reçoivent déjà du counseling pour ces problèmes.

RSPC, VIH et système immunitaire

À en croire les résultats de deux études menées chez des personnes séropositives aux États-Unis, la RSPC pourrait aider à retarder pendant quelques mois le déclin du compte de CD4+ ou à améliorer le fonctionnement des cellules tueuses naturelles (NK), soit des éléments du système immunitaire susceptibles d'agir contre le VIH et les tumeurs. Toutefois, comme elles n'avaient pas été conçues à cette fin, ces deux études n'ont pas permis de déterminer si l'amélioration du compte de CD4+ et de la fonction des cellules NK donnait lieu à une meilleure résistance aux infections ou à une amélioration de la survie.

Rappelons que l'infection au VIH déclenche des changements complexes qui causent la dégradation lente du système immunitaire et d'autres parties du corps. Il est certain que le stress joue un rôle dans l'aggravation des effets du VIH. Il est toutefois improbable que la RSPC puisse, à elle seule, apporter le genre d'amélioration spectaculaire que l’on observe chez de nombreuses personnes qui reçoivent un traitement anti-VIH puissant, couramment appelé trithérapie ou multithérapie.

Études torontoises sur la RSPC

Il y a plusieurs années, des chercheurs de l'hôpital Mount Sinai à Toronto ont mené une étude pilote sur la RSPC qui leur a permis de constater que cette approche avait un impact favorable sur la santé émotionnelle des participants. Encouragés par ces résultats, les chercheurs ont recruté des participants pour une étude de plus grande envergure, menée de nouveau chez des hommes gais vivant avec le VIH. Aux fins de cette étude plus grande, les participants ont été affectés au hasard à l'un des deux groupes suivants :

  • RSPC – huit semaines consécutives de cette thérapie chez 78 hommes
  • Traitement usuel – huit semaines consécutives chez les 39 hommes faisant partie du groupe témoin. Le terme « traitement usuel » ne veut pas dire nécessairement que ces 39 participants aient reçu un traitement dans le cadre de l'étude. Cela veut dire plutôt que si un traitement était déjà en cours en dehors de cette étude, les participants continuaient de le recevoir.

L'âge des participants allait de 25 à 64 ans (avec une moyenne de 44 ans), et ils vivaient avec le VIH depuis au moins une décennie. En moyenne, les participants se ressemblaient en ce qui avait trait à leur situation familiale, leur éducation et leur revenu. Environ la moitié des hommes suivaient une psychothérapie ou un programme de counseling au moment du recrutement, et environ 90 % d'entre eux suivaient une thérapie anti-VIH.

Craignant qu'elles ne puissent bénéficier de la RSPC, les chercheurs n'ont pas recruté de personnes souffrant d'une dépression ou d'une toxicomanie non traitée. Les personnes qui suivaient un traitement pour la dépression ou l'anxiété depuis au moins deux mois pouvaient s'inscrire à l'étude, et on leur a demandé de ne pas changer de médication ou de programme de counseling durant l'étude.

Durant le processus de sélection, les participants ont passé des évaluations psychologiques. Selon les chercheurs, il s'agissait d'un « échantillon de personnes souffrant de détresse modérée à grave qui avaient clairement de la difficulté à vivre avec le VIH. »

Bien que la phase contrôlée et randomisée de l'étude n'ait duré que huit semaines, les participants ont été suivis et évalués pendant un total de six mois.

Résultats

Dans l'ensemble, le fonctionnement psychologique des participants des deux groupes s'est amélioré. À la fin de l'étude (sixième mois), les évaluations de la dépression et de l'anxiété ne révélaient presque aucune différence entre les deux groupes.

Cette absence de différences entre les deux groupes pourrait être attribuable à la faible envergure de l'essai ou au fait que l'état des membres du groupe témoin s'est amélioré grâce aux évaluations répétées effectuées au cours de cette étude. De plus, puisque la moitié des participants du groupe témoin recevaient du counseling en dehors de l'étude, l'amélioration de leur état pourrait être attribuable au counseling.

À l'aide d'un questionnaire sur la pleine conscience, l'équipe torontoise a pu constater que l'aptitude à la pleine conscience s'est améliorée chez les participants du groupe RSPC. Lors d'études antérieures, on avait remarqué qu'un tel changement permettait aux participants de mieux composer avec leur détresse.

Toutefois, dans ses évaluations antérieures d'études sur la RSPC, M. Bishop avait laissé entendre que la RSPC pourrait accroître les sentiments de soutien social parce qu'elle a lieu dans le contexte d'un groupe. L'équipe de chercheurs torontois a exprimé un optimisme prudent par rapport à ses résultats concernant la RSPC, car il semble que « l'amélioration de l'aptitude à la pleine conscience [observée dans la présente étude] soit associée à un meilleur fonctionnement psychologique. » Les chercheurs font valoir que « dans le contexte de la gamme de services offerts par une clinique psychiatrique et son réseau d’aiguillage, la RSPC a un rôle important à jouer dans le traitement global des hommes gais vivant avec le VIH. »

À l’avenir, l’équipe torontoise espère poursuivre sa recherche sur la RSPC afin d'étudier et de répondre aux « besoins psychologiques particuliers des [personnes séropositives] en se servant, dans la mesure du possible, de formats plus brefs et plus efficaces sur le plan des coûts. » De tels essais devraient inclure d'autres groupes de personnes qui pourraient bénéficier de la RSPC (dans le cadre d'une approche exhaustive visant l'amélioration du bien-être mental), y compris les femmes séropositives, les Autochtones et les nouveaux Canadiens.

Remerciement

Nous tenons à remercier Bill Gayner de Clinic for HIV-Related Concerns (Clinique des préoccupations liées au VIH) du service de psychiatrie de l'hôpital Mount Sinai de Toronto pour sa collaboration précieuse à la préparation de cet article.

                                                                        —Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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