Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE

À mesure que nous vieillissons, il est naturel que nous devions relever une variété de défis sur le plan de la santé. En plus de son lot de fardeaux physiques et médicaux, l’infection chronique au VIH pose parfois des problèmes d’ordre psychosocial. Tous ces facteurs risquent d’affecter la qualité de vie des personnes séropositives et de compromettre leur aptitude à prendre leur santé en charge; à la longue, ces facteurs peuvent même avoir un impact sur leur survie.

Certaines personnes vivant avec le VIH (PVVIH) font preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’épanouissement – appelons cela la résilience – malgré les fardeaux qu’elles doivent supporter à cause de leur maladie chronique. Des chercheurs de l’Université de Washington à Seattle ont interviewé des PVVIH qui manifestaient ce genre de résilience. Les résultats de cette étude ont permis de reconnaître chez certaines PVVIH une force que l’équipe de recherche a qualifiée de « vieillissement réussi ». Cette étude pourrait s’avérer importante pour orienter les services de soutien psychosocial destinés aux personnes séropositives, surtout à mesure qu’elles vieillissent.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recruté 25 participants et effectué des interviews structurées. Le profil de base des participants était le suivant :

  • huit femmes et 17 hommes
  • âge – entre 50 et 70 ans
  • principaux groupes ethnoraciaux – 60 % de Blancs, 36 % de Noirs

Résultats — thèmes émergents

Lors de l’analyse des données, les chercheurs ont constaté que les réponses des participants pouvaient être réparties en fonction de sept thèmes principaux, comme suit :

  • acceptation de soi
  • optimisme
  • volonté de vivre
  • souci de pérennité (se préoccuper du sort des générations à venir)
  • prise en charge de soi
  • vivre en relation (recevoir du soutien formel et informel d’autres personnes)
  • indépendance

Nous allons maintenant explorer davantage ces thèmes.

Acceptation de soi

Selon les chercheurs, plusieurs participants trouvaient que l’acceptation de soi était « cruciale pour surmonter les effets négatifs du VIH/sida et les complexités du vieillissement dans le contexte d’une maladie tellement stigmatisante ».

Un participant a affirmé ceci : « Je n’ai pas eu de problème parce que j’accepte l’idée de vieillir. Je ne veux pas me comporter ou penser comme si j’avais 25 ans… »

Un autre participant a expliqué ainsi ses sentiments aux chercheurs : « Sois la personne que tu es, et sois content d’être encore là. »

Les chercheurs ont trouvé que l’acceptation de soi aidait les participants à se rendre compte de leurs forces et de leurs limitations, ce qui leur permettait d’ « aller de l’avant dans leur vie, plutôt que de s’enliser dans le regret des actions et des comportements antérieurs ».

Optimisme

Une grande majorité de participants avaient une attitude positive à l’égard du vieillissement avec le VIH. Ils avaient encore des objectifs d’avenir et souhaitaient bien vieillir dans les années à suivre. Selon l’équipe de recherche, la plupart des participants disaient qu’il leur fallait un certain effort pour « ne pas laisser le fait de vivre avec le VIH/sida avoir un impact substantiel sur leurs projets d’avenir et leur sentiment de bien-être ». En effet, de nombreux participants envisageaient simplement le VIH comme une barrière parmi tant d’autres qu’ils devaient surmonter, comme ils l’avaient déjà fait avec succès dans le passé.

Écoutons un des participants : « On sait qu’il y aura des obstacles dans la vie de tout le monde. Il faut apprendre à surmonter l’obstacle... Si tout le monde se laissait vaincre par chaque obstacle, la moitié d’entre nous ne serait pas là maintenant. »

En matière de vieillissement, une femme a décrit son approche comme suit : « Ce n’est pas vraiment un gros problème pour moi. Je prends mes médicaments, je poursuis ma vie. Je ne pense plus au sida. »

Volonté de vivre

Beaucoup de participants affirmaient vivement qu’ils s’attendaient à vivre encore plusieurs décennies grâce aux progrès accomplis dans le traitement du VIH. Une femme a dit aux intervieweurs qu’elle était reconnaissante d’avoir atteint l’âge de 57 ans, même si sa réponse recelait une certaine mélancolie : « J’ai eu une bonne vie dont la deuxième moitié est déjà entamée. Cela m’attriste, mais comme vous le savez, personne ne quitte cette planète sans mourir. »

Souci de pérennité

Dix participants ont expliqué aux intervieweurs qu’ils voulaient redonner quelque chose à leur communauté et à l’ensemble de la société. Selon une femme, les PVVIH plus âgées ont acquis une expérience importante et ont une responsabilité de la partager avec les plus jeunes afin de les éduquer, quel que soit leur statut VIH. « Nous pouvons leur donner des conseils [parce que] nous avons vécu ce qu’ils vivent actuellement », a-t-elle affirmé.

Prise en charge de soi

Les chercheurs ont remarqué que de nombreux participants soulevaient des questions liées à la prise en charge de soi, telles que l’observance de la prise des médicaments et l’atteinte d’un équilibre entre le sommeil, le repos, l’activité physique et une saine alimentation. Plus les participants se prenaient en charge, plus ils réussissaient à bien gérer l’infection au VIH, selon les chercheurs.

Voici les propos d’une femme de 72 ans : « Je maintiens un style de vie très sain. Je mange bien, je fais de l’exercice, je fais tout ce qu’il faut parce que ma santé me tient à cœur. Je suis en assez bonne forme compte tenu du temps écoulé depuis mon diagnostic. »

Cette même femme a posé la question suivante aux autres PVVIH : « Que fais-tu toi-même pour composer avec cette maladie? Je crois que c’est la réaction de la personne atteinte [du VIH] qui compte. On a le choix : on peut y succomber ou on peut se battre. »

Vivre en relation

Ce thème décrit les liens que les participants nouaient avec d’autres personnes et organismes. De nombreux participants décrivaient leur famille comme une source de soutien. Un homme était particulièrement reconnaissant envers ses petits-enfants parce qu’ils l’acceptaient inconditionnellement.

Les participants qui vivaient en couple depuis longtemps considéraient cette relation comme une grande source de soutien. De dire un homme : « Je suis en relation depuis 21 ans. Grâce à ça, je n’ai pas eu à faire face à la solitude qui fait souvent partie de la vie gay et du vieillissement. »

Certaines personnes ont trouvé leur réseau de soutien grâce à la religion, dans un groupe de théâtre et dans une autre sorte de groupe utile.

Selon les chercheurs, grâce à leurs liens sociaux, les participants « se sentaient valorisés et [...] avaient le sentiment de contribuer [à quelque chose] et de reconnaître leur propre valeur en sachant qu’ils n’étaient pas seuls dans leur situation ».

Indépendance

Environ la moitié des participants vivaient seuls. Ils exprimaient des sentiments d’autonomie et de soutien de soi, ce qui les aidait à se sentir « en contrôle du vieillissement et de l’infection au VIH ».

Résumé

Tous les participants faisaient preuve de nombreuses forces psychologiques. Les chercheurs observaient que les participants étaient capables de transformer des expériences négatives en occasions d’épanouissement de soi. De plus, les personnes interviewées exprimaient des sentiments d’espoir. Selon les chercheurs, même si les participants vieillissaient avec le VIH, leurs attitudes et leurs affirmations ne laissaient pas de doute qu’ « il était possible de conserver un sens de la vie, un bien-être psychologique et une appréciation des activités et des relations ».

Implications

Cette équipe de recherche encourage les gérontologues, les psychologues, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé à intégrer une évaluation des forces psychologiques dans les stratégies visant à aider les adultes séropositifs âgés.

D’autres études sont nécessaires pour explorer la question de la présence/absence de résilience chez un plus grand nombre de personnes séropositives. Ces chercheurs laissent entendre que de telles études pourraient être utilisées pour élaborer des stratégies de renforcement de la résilience afin de « promouvoir le vieillissement réussi » des PVVIH.

                                                                                                            —Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Emlet CA, Tozay S, Raveis VH. “I’m Not Going to Die from the AIDS”: Resilience in Aging with HIV Disease. The Gerontologist. 2011 Feb;51(1):101-11.