Un approvisionnement sûr : programme de distribution de comprimés d’hydromorphone au centre de prévention des surdoses Molson

Vancouver, C.-B.
2020

Le site de prévention des surdoses (SPS) Molson de Vancouver abrite un service de consommation de drogues supervisée, un service de contrôle des drogues, un service de traitement par des agonistes opioïdes injectables et un programme de distribution de comprimés d’hydromorphone. Le programme de distribution de comprimés d’hydromorphone est un programme d’approvisionnement sûr qui offre une solution de rechange encadrée aux personnes les plus susceptibles de faire une surdose de produits opioïdes contenant du fentanyl provenant du marché illicite. Les facteurs qui favorisent la participation au programme d’approvisionnement sûr sont notamment le modèle dont les critères d’accessibilité sont peu exigeants, le regroupement de services au SPS, la souplesse et les possibilités de choix accordées aux participants. Les obstacles à la participation sont notamment les horaires d’ouverture limités du SPS, les restrictions liées à la distribution des doses, les délais d’attente pour bénéficier des services du SPS et le malaise auquel peuvent être confrontés les clients qui veulent en bénéficier. Dans l’ensemble, le programme a été bien accueilli par les participants et a permis de tirer des enseignements utiles pour la mise en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et de réduction des méfaits au Canada.

Description du programme

Le programme de distribution de comprimés d’hydromorphone est dispensé au SPS Molson dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, au Canada. Le programme a été lancé en 2019 par la Portland Hotel Society (PHS), une agence de logement et de services sociaux qui dirige le SPS Molson. L’objectif de ce programme d’approvisionnement sûr est d’offrir une solution de rechange encadrée à la consommation d’opioïdes illicites afin de réduire le risque de surdose.

Le SPS Molson est un centre de réduction des méfaits agréé par la province. En plus du programme de distribution d’hydromorphone, le SPS Molson dispense un service de consommation de drogues supervisée, un service de contrôle des drogues (permettant de déterminer quelles substances sont présentes dans un échantillon de drogue) et un service de traitement par des agonistes opioïdes injectables (fourni par une clinique PHS adjacente). Le SPS Molson est considéré comme un modèle de services particulièrement facile d’accès car il permet le partage de substances et l’injection assistée par les pairs.

Le programme est dispensé par la clinique de soins primaires PHS, qui est rattachée au SPS. Il s’adresse aux personnes qui présentent un risque élevé de surdose mortelle et qui ne sont pas actuellement inscrites ou désireuses de s’inscrire à des programmes de traitement médicamenteux comme le traitement par agonistes opioïdes. Les participants bénéficient du programme par le biais du SPS, pendant les heures d’ouverture (de 13 h 30 à 22 h 30 tous les jours). Les comprimés d’hydromorphone sont distribués aux participants par une fenêtre coulissante par des infirmières occupant un poste de soins infirmiers à l’intérieur du SPS. Les participants sont autorisés à interrompre leur participation au programme à tout moment et à la reprendre sans avoir à être réinscrits sur la liste d’attente.

Les participants sont inscrits au programme par des médecins de soins primaires de la clinique PHS, qui se présentent également au SPS deux fois par semaine. Les participants se voient prescrire une dose hebdomadaire pouvant totaliser jusqu’à l’équivalent de 80 milligrammes par jour. Les participants peuvent recevoir jusqu’à 2 comprimés de 8 milligrammes à la fois et peuvent revenir pour obtenir des doses supplémentaires au plus 5 fois par jour, avec une période d’attente minimale d’une heure entre deux prises.

Pour éviter que les comprimés ne soient détournés vers le marché illicite, les participants doivent les prendre sur place sous surveillance (qu’ils prennent la dose par voie orale, qu’ils la reniflent ou se l’injectent). Cependant, depuis avril 2020, les doses « à emporter » sont autorisées en vertu des directives de prescription d’urgence liées à la pandémie de COVID-19 en vigueur en Colombie-Britannique. Un petit sous-groupe de participants reçoit de l’hydromorphone sous forme de solution injectable au lieu de comprimés pour des raisons de préférence personnelle, notamment ceux qui ont déjà suivi un programme de traitement par agonistes opioïdes injectables.

En février 2020, 69 participants étaient inscrits au programme.

Résultats

Cette étude a consisté en des entretiens avec 42 participants au programme, combinés à une observation ethnographique menée au SPS tout au long de l’année 2019. L’objectif était de déterminer les principaux facteurs qui entravent et favorisent la participation des bénéficiaires au programme de distribution de comprimés d’hydromorphone.

L’étude a permis d’établir que les principaux facteurs qui favorisent la participation au programme sont les suivants :

  • L’accès à une source fiable et régulière d’opioïdes permet aux participants d’avoir plus de contrôle sur leur consommation de drogues, et a pour effet d’atténuer considérablement leur crainte d’une surdose et de limiter leurs activités illicites visant à se procurer de la drogue dans la rue.
  • Le programme est dispensé au SPS Molson, un lieu central, sûr et très accessible, où de nombreux participants bénéficiaient déjà d’autres services de réduction des méfaits.
  • Les participants ont de la latitude et du choix en ce qui concerne les modalités d’utilisation du programme, par exemple pour ce qui est des diverses méthodes de consommation (p. ex., par voie orale, intranasale ou par injection), des périodes et de la fréquence de recours au programme.

L’étude a permis d’établir que les principaux facteurs qui entravent la participation au programme sont les suivants : 

  • Les horaires de service limités du programme, en particulier le matin, lorsque les effets de sevrage peuvent se déclarer, ont fait en sorte que de nombreux participants se sont tournés vers des sources d’opioïdes illicites en dehors des heures de service du programme (toutefois, ce problème est peut-être moins marqué maintenant que des doses à emporter sont disponibles).
  • Le regroupement avec les services du SPS impliquait des délais d’attente parfois longs pour ce qui est de l’accès au programme, notamment pendant les heures de pointe.
  • Les intervalles horaires exigés entre les doses distribuées impliquaient également que les participants ne pouvaient pas recevoir leur dose quotidienne complète sans se présenter plusieurs fois dans la journée. Très peu de participants ont reçu la quantité maximale de cinq doses quotidiennes.
  • Le SPS, dans lequel les participants doivent entrer pour bénéficier du programme, peut également constituer un environnement déclencheur ou source de malaise pour les personnes qui essayent de réduire leur consommation de drogues, ou celles qui n’ont pas eu recours à des services de consommation supervisée avant de prendre part au programme.
  • Certaines personnes se sont plaintes du fait que l’hydromorphone en comprimés de marque générique distribuée pendant un temps où le médicament de marque n’était pas disponible, était moins puissante et difficile à injecter.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Cette étude a mis en évidence un certain nombre de facteurs clés qui favorisent et entravent la participation des bénéficiaires du programme de distribution de comprimés d’hydromorphone. Ces éléments peuvent être mis à profit dans la planification et la mise en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et, plus généralement, d’autres programmes de réduction des méfaits facilement accessibles. Plus précisément, le regroupement avec d’autres services et la flexibilité du programme permettent d’assouplir les critères d’accessibilité, surtout en ce qui concerne les personnes les plus marginalisées.

Un certain nombre d’obstacles sont par ailleurs directement ou indirectement liés à des facteurs individuels, sociaux et structurels tels que le logement, la mobilité et la pauvreté. Le recoupement de ces facteurs est à prendre en compte au moment de concevoir et de mettre en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et de prévention des surdoses.

Cela étant, l’étude révèle que les programmes d’approvisionnement sûr peuvent constituer une intervention de santé publique réalisable en vue de faire face à la crise des surdoses. Certains obstacles existent, mais ils peuvent être surmontés si l’on examine les modalités de prestation du programme. Selon les auteurs, dans l’ensemble, le programme a été très bien accueilli par les participants. Au regard du nombre élevé d’inscriptions et des longues listes d’attente, ils ont souligné la nécessité d’étendre la portée des programmes d’approvisionnement sûr.

Ressources connexes

Service de consommation supervisée keepSIX (CATIE)

Programme de traitement de l’hépatite C au Service de consommation et de traitement de Moss Park (CATIE)

La réduction des méfaits à l’œuvre : Services de consommation supervisée et sites de prévention des surdoses (CATIE)

Références

  1. Ivsins A, Boyd J, Mayer S et al. Barriers and facilitators to a novel low-barrier hydromorphone distribution program in Vancouver, Canada: a qualitative study. Drug and Alcohol Dependence. 2020 Sep 15: 108202.
  2. Olding M, Ivsins A, Mayer S et al. A low-barrier and comprehensive community-based harm-reduction site in Vancouver, Canada. Public Health Practice. 2020; 110(6): 833-5.