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CATIE

Les bactéries qui causent la gonorrhée, une infection transmissible sexuellement (ITS), acquièrent une résistance aux antibiotiques puissants utilisés pour traiter cette infection depuis le début de leur utilisation au milieu du 20e siècle. Depuis une décennie, il semble que la résistance de la gonorrhée au traitement s'accélère. Durant cette période, les recommandations canadiennes sur le traitement de première intention de la gonorrhée (dans les Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement) ont dû être modifiées à plusieurs reprises. De plus, en 2013, le ministère ontarien de la Santé a publié sa propre publication sous le titre de Lignes directrices pour les tests de dépistage et le traitement de la gonorrhée en Ontario.

En ce qui concerne le traitement de première intention des cas de gonorrhée non compliqués, les deux séries de lignes directrices s'accordent à recommander une combinaison d'antibiotiques. Les recommandations diffèrent cependant en ce qui a trait à la combinaison de médicaments particuliers à privilégier pour les traitements de première intention, comme suit :

  • Les lignes directrices canadiennes proposent le choix entre une combinaison de comprimés (céfixime 800 mg et azithromycine 1 g) et une combinaison de ceftriaxone 250 mg par injection intramusculaire et d'azithromycine orale en une dose de 1 g. Le ceftriaxone plus l'azithromycine est le régime préféré pour les hommes gais, bisexuels et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
  • Les lignes directrices ontariennes privilégient la combinaison de ceftriaxone intramusculaire et d'azithromycine orale pour tout le monde (dans les mêmes doses recommandées dans les lignes directrices canadiennes) à cause de la tendance vers une moindre sensibilité de la gonorrhée à la céfixime observée dans cette province.

La combinaison de ceftriaxone intramusculaire et d'azithromycine est également recommandée pour le traitement de la gonorrhée dans d'autres pays à revenu élevé comme l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Observance variable des lignes directrices

Des chercheurs à l'Université d'Ottawa ont passé en revue les données relatives aux traitements prescrits aux Ontariens atteints de gonorrhée. Les chercheurs ont constaté que l'observance des lignes directrices canadiennes et des mises à jour de celles-ci a varié entre 2006 et le milieu de 2014 (durée de l'étude). Après la mise à jour périodique des lignes directrices canadiennes, l'observance de celles-ci était faible initialement mais s'améliorait graduellement à mesure que les professionnels de la santé prenaient connaissance des modifications en question. Toutefois, malgré la mise à jour des lignes directrices canadiennes sur les ITS en 2011 et la publication de lignes directrices ontariennes en 2013, cette équipe de recherche a trouvé que 40 % des personnes ayant la gonorrhée ne recevaient pas les soins recommandés en mai 2014. Les chercheurs affirment que cette lacune met ces patients « à risque d'échec thérapeutique et favorise potentiellement l'aggravation de la résistance médicamenteuse ».

Les auteurs de l'étude ont suggéré des moyens d'améliorer la dissémination des lignes directrices mises à jour sur les ITS à l'avenir. Nous en parlons plus loin dans ce bulletin.

Détails de l'étude

Les chercheurs ont analysé des données tirées du Système d'information sur la santé publique intégré (SISP-i) de l'Ontario. Cette base de données est utilisée par les services de santé publique de la province pour transmettre des informations sur les infections à déclaration obligatoire au ministère de la Santé de l'Ontario. Les données évaluées portaient en particulier sur la prescription d'antibiotiques pour le traitement de la gonorrhée entre le 1er janvier 2006 et le 31 mai 2017.

Résultats

Les chercheurs ont été en mesure d'évaluer les données se rapportant à 32 272 cas de gonorrhée.

Pendant plusieurs années au début de la période à l'étude, le taux d'observance des lignes directrices sur les ITS était très élevé, et quelque 90 % des personnes atteintes recevaient le traitement de première intention recommandé. En 2011, l'information sur le traitement de la gonorrhée a été mise à jour dans les lignes directrices canadiennes et, selon les chercheurs, le taux d'observance de celles-ci a chuté considérablement peu de temps après la publication de la mise à jour. Même si l'observance s'est graduellement améliorée par la suite, elle n'a plus jamais atteint le niveau constaté au début de la période à l'étude.

Selon les chercheurs, dans l'ensemble, « l'observance des recommandations sur le traitement de première intention de la gonorrhée en Ontario a baissé à la suite de la modification des lignes directrices; la baisse a été plus prononcée après l'apport de modifications importantes aux lignes directrices ».

Que faire?

Les chercheurs ont affirmé que l'on pourrait adopter certaines stratégies de dissémination lors des mises à jour futures afin de mieux éduquer les cliniciens, y compris les suivantes :

  1. « éducation sur le terrain »
  2. « collaboration avec les leaders d'opinion »
  3. « rappels électroniques »
  4. « vérification et rétroaction [au sujet des tendances de prescription] adaptées pour surmonter les obstacles rencontrés par les cliniciens »

Les chercheurs ont souligné que les stratégies de ce genre avaient été efficaces pour « promouvoir des changements de pratique » dans d'autres domaines de la médecine.

Marée de résistance

En 2011, les lignes directrices sur le traitement de la gonorrhée ont recommandé que le traitement fondé sur un seul agent pharmaceutique soit remplacé par un traitement combiné au Canada (et dans les autres pays à revenu élevé déjà mentionnés). Il est probable que ce changement d'approche a ralenti considérablement l'émergence de souches de gonorrhée moins sensibles au ceftriaxone ou qu'il en a même réduit le nombre. Les chercheurs canadiens ont toutefois constaté une tendance inquiétante : les souches de gonorrhée résistantes à l'azithromycine sont plus nombreuses depuis 2011.

En 2014, un cas d'échec thérapeutique des doses standard de ceftriaxone et d'azithromycine a été déclaré au Royaume-Uni. Au Japon, le nombre de souches de gonorrhée moins sensibles au ceftriaxone est à la hausse, et des souches résistantes à l'azithromycine ont été découvertes dans d'autres pays. Dans ce contexte, l'Organisation mondiale de la Santé a prédit que des souches de gonorrhée multipharmacorésistantes intraitables pourraient émerger à l'avenir. Bien que quelques antibiotiques expérimentaux prometteurs soient en voie de développement pour le traitement de la gonorrhée, il n'existe à l'heure actuelle aucune option homologuée idéale qui puisse remplacer la combinaison de ceftriaxone et d'azithromycine.

                                                                                                                        —Sean R. Hosein

Ressources

La gonorrhée – Feuillet d'information de CATIE/SIECCAN

Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement

Traitement des infections gonococciques par suite du retrait du marché de la spectinomycine : Déclaration d'orientation pour les traitements de remplacement Lignes directrices canadiennes pour les infections transmissibles sexuellement

Lignes directrices pour les tests de dépistage et le traitement de la gonorrhée en Ontario

British Columbia Treatment Guidelines: Sexually Transmitted Infections in Adolescents and Adults

Alberta treatment guidelines for sexually transmitted infections (STI) in adolescents and adults 2012

Infection non compliquée à chlamydia trachomatis ou à neisseria gonorrhoeae – INESSS

RÉFÉRENCES :

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